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Opinions of Mercredi, 14 Février 2018

Auteur: Michel Biem Tong

Pourquoi les anglophones revendiquent leur indépendance?

Ils veulent en découdre avec l’escroquerie politique orchestrée par les présidents Camerounais Ils veulent en découdre avec l’escroquerie politique orchestrée par les présidents Camerounais

Depuis plus d’un an, l’ex-Southern Cameroon, actuel région anglophone du Cameroun est en crise. Depuis la mi-octobre 2017, cette crise a pris la forme d’une révolte armée après les manifestations du 1er octobre dernier brutalement réprimées par l’armée. Ce pourrissement de la crise tient de la position ferme des autorités camerounaises sur la forme de l’Etat. Pourtant, cette crise prend ses racines dans la modification unilatérale et illégale de la forme de l’Etat par les présidents Amadou Ahidjo et Paul Biya qui se sont succédés à la tête de l’Etat du Cameroun depuis son indépendance le 1er janvier 1960.

En effet, le drame est que les autorités et une bonne frange de l’opinion camerounaises ont toujours considéré l’ex-Southern Cameroon comme une région du Cameroun à l’instar du Grand Nord, de l’Ouest, du Littoral, etc. Pourtant, l’ex-Southern Cameroon et la République du Cameroun ont des trajectoires historiques, des destins, une organisation administrative, des mœurs politiques et sociales bien différents.

L’Allemagne a reconnu la partition du Cameroun

En 1916, la 1ère guerre mondiale bat son plein. Le Cameroun (Kamerun à l’époque) est un protectorat allemand. Après la défaite de l’Allemagne à la deuxième guerre mondiale, la France et l’Angleterre se partagent le Cameroun sous son protectorat. Une ligne de démarcation est tracée par les deux puissances européennes. Elle sera entérinée en 1917 par Alfred Milner, secrétaire des colonies d’Angleterre et son homologue français Henri Simon à travers la signature d’un accord appelé accord Simon-Milner.

Le 28 avril 1919, la France, l’Angleterre et l’Allemagne défaite signent le traité de Versailles lequel a entériné les accords Simon-Milner sur le partage du Cameroun. L’Allemagne a donc ainsi reconnu les accords portant délimitation de son protectorat. Le territoire camerounais fut confié plus tard à la Société des Nations (SDN) puis à l’ONU dès 1945 géré par la France et l’Angleterre.

Il est important de souligner que tout comme le Cameroun sous mandat français, l’actuel Cameroun anglophone (Southern Cameroon avant son indépendance) a bénéficié d’un certain nombre de résolutions onusiennes dès le 13 décembre 1946, date de la signature des accords de tutelle entre l’ONU et l’Angleterre. Il s’agit des résolutions marquant le processus d’accès à l’indépendance : fin de la fessée publique, le Southern Cameroon administré comme une région orientale du Nigéria jusqu’en 1959, etc.

Où est le traité recommandé par l’ONU ?

La plus significative de ces résolution est celle 1608 intervenue le 21 avril 1961. Mais il faut au préalable relever que la résolution 1352 de l’ONU du 16 octobre 1959 prescrivait déjà à l’Angleterre de séparer l’administration du Southern Cameroon de celle du Nigéria au plus tard le 1er octobre 1960. Cela veut dire que passée cette date, le Southern Cameroon était considéré comme un électron libre.

A la faveur de cette résolution 1352, un plébiscite a été organisé le 11 février 1961 dans les deux parties du Cameroun sous mandat anglais. Le Northern Cameroon a accepté de se rattacher à la République Fédérale du Nigéria tandis que le Southern Cameroon a choisi de se rattacher à la République du Cameroun.

Pour revenir à la résolution 1608, c’est elle qui accorde l’indépendance au Cameroun sous mandat anglais à travers la fin des accords de tutelle du 13 décembre 1946. Cette indépendance devrait se traduire par le rattachement du Northern Cameroon au Nigéria en tant que province de ce dernier. Pour ce qui est du Southern Cameroon, l’ONU précise que l’accession à l’indépendance se fera à travers le rattachement à la République du Cameroun.

Ce rattachement devait se traduire par la signature d’un traité (3e étape du vote de la résolution 1608 de l’ONU) entre la République du Cameroun et le Southern Cameroon. C’est pourquoi le point 5 de cette résolution demande à l’Autorité administrante (l’Angleterre), au gouvernement de la République du Cameroun et au gouvernement du Southern Cameroun d’engager des pourparlers avant le 1er octobre 1961 en vue de la mise en œuvre des politiques communes.

La supercherie de la conférence de Foumban

Comme on le voit, le Southern Cameroon n’a jamais été une région du Cameroun contrairement à ce qu’ont toujours pensé les présidents Ahmadou Ahidjo et Paul Biya. C’est pourquoi l’ONU lors du plébiscite a prescrit au Southern Cameroon de conclure un accord avec le Cameroun en vue d’un Etat fédéral, ce territoire étant reconnu comme sous tutelle de l’ONU avec des frontières internationalement reconnu.

Mais au lieu de cet accord international en vue de la création d’un Etat fédéral, Amadou Ahidjo s’est taillé une constitution fédérale à sa mesure qu’il a signé tout seul. La constitution promulguée le 1er septembre 1961 par l’Assemblée nationale de la République du Cameroun (elle devrait être examinée par les parlements de la République du Cameroun et du Southern Cameroon) a accordé des pouvoirs importants au président de la République et au pouvoir central.

Le draft de cette constitution a été soumis lors de la conférence constitutionnelle de Foumban ouverte le 17 juillet 1961 à la délégation du Southern Cameroon qui n’avait que quelques jours pour l’étudier. Toutes les propositions formulées par cette dernière ont été rejetées par Ahidjo. La conférence de Foumban s’inscrit donc en violation de la résolution 1608 de la 994e Assemblée générale des Nations Unies du 21 avril 1961 qui prescrivait un traité entre les deux Camerouns en vue de la création d’un Etat fédéral.

Bien plus, l’article 47 de la constitution fédérale du 1er septembre 1961 qui prescrivait la sacralité de la forme fédéraliste de l’Etat a été violé par le même Amadou Ahidjo le 6 mai 1972 à travers l’organisation d’un référendum sur le passage à un Etat unitaire. Le 14 janvier 1984, son successeur Paul Biya va asséner le coup de grâce en modifiant la constitution du 6 mai 1972 en vue de faire passer le Cameroun de « République Unie du Cameroun » à « République du Cameroun » (ancienne appellation du Cameroun sous mandat français après l’indépendance).
Hold-up constitutionnels, violation des traités internationaux par La République du Cameroun (ex-Cameroun sous mandat français), annexion du Southern Cameroon, phagocytose de la minorité anglophone. Tels sont les ingrédients de la crise anglophone actuelle. D’où le combat du Southern Cameroon pour une indépendance totale.

France et ONU : « Accusés, levez-vous ! »

En effet, au regard de la violation par La République du Cameroun de la résolution 1608 des Nations Unies du 21 avril 1961, le Southern Cameroon peut encore être considéré jusqu’à ce jour comme un territoire sous tutelle de l’ONU. Une tutelle assurée non plus par l’Angleterre conformément aux accords de tutelle du 13 décembre 1946 mais par la République du Cameroun qui y a déployé sa police, sa gendarmerie, son armée, son administration territoriale, ses services fiscaux et de de douane, etc. D’où le combat actuel des Anglophones pour une indépendance non plus à travers le rattachement avec la République du Cameroun pour un Etat fédéral dont le pouvoir de Yaoundé ne veut pas mais devant aboutir à la création d’un Etat dénommé Ambazonie.

L’ONU est responsable de la situation de crise actuelle dans la zone anglophone. Car elle a abandonné le Southern Cameroon à son sort. Elle a laissé cette portion de territoire pourtant sous sa tutelle être phagocytée par La République du Cameroun. Elle n’a pas supervisé les travaux de Foumban de juillet 1961 pas plus qu’elle n’a rappelé à la République du Cameroun son devoir de respecter la résolution 1608.

La France y est aussi pour beaucoup. Alléchée par l’odeur du pétrole qui git dans la partie anglophone du pays, c’est elle qui a tiré et continue de tirer les ficelles de cette escroquerie politique orchestrée par Amadou Ahidjo et Paul Biya depuis 57 ans. Détail important à rappeler, la rédaction du draft de la constitution du 1er septembre 1961 a bénéficié de l’assistance d’un constitutionnaliste français.