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Opinions of Jeudi, 30 Septembre 2021

Auteur: www.iris-france.org

Pays du bassin du lac Tchad : développement d’un programme de stabilisation par et pour les Africains. Le cas de la région Extrême-Nord du Cameroun

Des population déplacées Des population déplacées

Les pays du Bassin du lac Tchad dont le Cameroun subissent depuis quelques années une crise sécuritaire doublée d’une crise humanitaire. L’Extrême-Nord du Cameroun est le plus touché. Les populations en payent le lourd tribut. Les programmes de développement pour soutenir les populations touchés ont montré leur limite. Mais ce n’est pas pour autant que les Etats avec leurs partenaires baissent les bras. Ils ont prévus se retrouver dans la capitale camerounaise pour parler des défis qui restent à relever. L’information est contenue dans une tribune signée par Jean-Luc Stalon, représentant résident du PNUD au Cameroun que nous vous proposons.



La région Extrême-Nord du Cameroun a subi en 2015 les embardées de l’extrémisme violent commises par Boko Haram avec pour conséquences, outre des épisodes meurtriers, déplacements de populations, déterritorialisation de l’État, désorganisation des services de bases… des conditions fragiles qui peuvent favoriser un regain de tensions voire un retour de Boko Haram et ses séides. Dans ce contexte, depuis 2018, les pays du Bassin du lac Tchad ont décidé de mutualiser leurs compétences pour favoriser, par étapes, le retour de la stabilité. Dans cette architecture endogène, qui combine interventions armées et sursauts politiques, le PNUD intervient en qualité de facilitateur.

Afin de poursuivre les efforts de coopération régionale autour de la stabilisation, de la paix et du développement durable, du 4 au 5 octobre 2021, Yaoundé accueillera le troisième forum des Gouverneurs du bassin du Lac Tchad (Cameroun, Niger, Nigeria, Tchad)[1].

Depuis près d’une décennie, l’insurrection des groupes terroristes a eu des conséquences dévastatrices sur la vie des populations de cette zone, en particulier sur les communautés du nord-est du Nigeria, des régions voisines du Cameroun, du Tchad et du Niger qui bordent le lac Tchad. Cette instabilité prolongée a entraîné le déplacement d’environ 2,5 millions de personnes et 10 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire.

Au regard de l’urgence de cette situation, la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT) et l’Union africaine (UA) ont décidé d’adopter une réponse régionale commune et convenu de la mise en place, par étapes, d’une Stratégie régionale de stabilisation, de redressement et de résilience des zones du bassin du lac Tchad en août 2018. La stratégie combine la réponse militaire commune contre les groupes armés extrémistes menée par la Force mixte multinationale (FMM), et composée de forces de sécurité et de défense nationales des quatre pays, tout en considérant qu’un appui entre les différents services du PNUD investis dans la stabilisation consolident, au quotidien, l’effort de sécurisation civilo-militaire.

En juillet 2019, le programme Facilité régionale de stabilisation pour le lac Tchad, grâce à l’appui de donateurs internationaux, a été officiellement lancé pour soutenir la mise en œuvre de la phase initiale dudit programme, à savoir : retour des services de base, activités génératrices de revenus (création de 4500 emplois) et renforcement de la cohésion sociale grâce à une reterritorialisation progressive de l’État. Géré par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), cet effort a été rendu opérationnel dès octobre 2019 et a depuis reçu des financements de l’Allemagne, de la Suède, du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de l’Union européenne.

En ce qui concerne le Cameroun, le PNUD a pu intervenir dans trois départements affectés par l’extrémisme violent (Logone-et-Chari, Mayo-Tsanaga) en ciblant des localités pilotes comme Amchidé/Lima sur la frontière Nigeria/Cameroun. Ce programme vise à améliorer la sécurité, favoriser l’accès aux services de base et assurer les moyens minimums de subsistance dans les zones libérées du joug des extrémistes qui continuent, pourtant, de rôder. Dans une logique de redéploiement de l’autorité de l’État et de renforcement du contrat social, la stabilisation s’est avant tout concentrée sur la réhabilitation des services publics de base : école, santé, sécurité.

Grâce aux partenariats établis avec les forces de sécurité et les structures de l’État sous la supervision directe du gouverneur de la région Extrême-Nord du Cameroun, Bakary Midjiyawa, des villages ont pu bénéficier des premières phases du projet. Ces derniers ont été sélectionnés en raison de leur localisation stratégique sur les corridors économiques traversant le Nigeria, le Cameroun et ce jusqu’au Tchad. Après 24 mois de mise en œuvre, les premiers résultats sont là. Les diverses interventions ont également entraîné un retour spontané des personnes déplacées. L’appui, par exemple, aux coopératives agricoles a permis d’augmenter les productions locales afin de diminuer la dépendance alimentaire et freiner le cycle de recrutement par les groupes extrémistes.

Sur la base des retours d’expériences, au regard des réussites, mais également des projets à renforcer (par exemple, la sécurisation des routes transfrontalières, poumon économique de la région), un passage à l’échelle supérieure dans la chaîne de valeurs est envisagé. Afin de poursuivre cette dynamique vertueuse, reste à s’attaquer aux racines qui ont fait le lit de l’extrémisme violent dans la région en favorisant et en renforçant la confiance vis-à-vis de l’État de droit, liant indispensable de l’ensemble des projets engagés. La gestion des services publics en faveur des communautés est un autre défi à relever dans un pays engagé dans un processus de décentralisation.
Ce troisième forum des Gouverneurs représente ainsi un temps fort pour les quatre pays du Bassin du lac Tchad, l’UA, la CBLT et les partenaires internationaux en vue de consolider les acquis et d’envisager l’avenir.