Opinions of Monday, 17 November 2025

Auteur: Wilfried Ekanga

'Parce que Paul Biya est périmé': Wilfried Ekanga appelle à la révolution au Cameroun

Ekanga appelle à une manifestation au Cameroun Ekanga appelle à une manifestation au Cameroun

La première chose à faire pour se débarrasser d'une dictature, c'est de prendre conscience que nous sommes en dictature. C'est l'étape numéro 1 : le patient prend conscience de sa maladie.

Car s'il ne sait pas qu'il est malade, il ne cherchera pas de traitement. Et sa santé se dégradera inexorablement, sans qu'il ne comprenne pourquoi il en est ainsi.

Prendre conscience qu'on est en dictature signifie qu'il faut désormais abandonner le langage politique des pays normaux, où tout fonctionne et où la loi s'applique. Au Cameroun, la loi ne s'applique pas. Ce n'est pas un État de droit. Il n'y a donc rien à espérer. Rien. Rien, et encore rien. Les voyous en costard qui ont fait de notre pays leur chose personnelle sont prêts à user de toutes les illégalités pour rester sur le trône. Ils l'ont toujours fait ; ils le font tous les jours sous nos yeux, et ils le feront encore.

Et donc, ce que vous appelez « scrutin », « recours juridiques », « coalition », « assemblée »... bref tout le champ lexical de l'engagement électoral, n'est en réalité qu'une participation involontaire à la légitimation de la dictature.
En d'autres termes, chaque fois que vous participez à une élection au Cameroun, vous contribuez sans le vouloir à donner à la tyrannie des allures de démocratie. C'est comme accepter de jouer un match de foot ; cela renvoie à donner du crédit aux arbitres et à l'équipe adverse, et à considérer qu'ils sont fair play. C'est une façon d'approuver le match d'office, et de s'engager d'avance à accepter le score final.

En principe les Camerounais sont au courant de cette évidence ; mais on ne peut pas leur en vouloir d'avoir tenté le coup une dernière fois. Puis, le 5 août, l'élimination grotesque de Maurice Kamto nous a fourni la confirmation actualisée de ce que nous savions déjà. Et enfin, la « victoire » décrétée par Atangana Clément en faveur de Biya sur sa propre créature le 27 octobre dernier a rappelé à ceux qui doutaient encore que jamais, au grand jamais, l'élection ne renversera l'ordre de 82.

D'ailleurs ça va plus loin : non seulement ils ne céderont jamais le pouvoir à travers le scrutin présidentiel, mais ils ne vous laisseront jamais non plus obtenir la majorité parlementaire à l'assemblée nationale ou au Sénat ; et bien sûr, ils ne vous permettront à aucun moment de les doubler lors des municipales de 2026, ni lors des régionales qui arrivent ce 30 novembre.

Tout est déjà écrit. Tout est déjà plié. Au Cameroun, les élections présidentielles ne servent qu'à prouver au monde qu'on n'est pas au pouvoir par la force (alors que c'est le cas!), et les élections de proximité ne servent qu'à valider la continuité du royaume, avec en contrepartie 5 ou 6 postes de député, de maire ou de conseiller municipal, offerts aux principaux partis d'opposition comme un sinistre lot de consolidation.

VERTICAL... ET BANCAL

Après s'être vu attribuer des dons de Superman hypercourageux par des Camerounais désorientés à la recherche constante et désespérée d'un sauveur divin, le Bon Diable a plutôt étonné son monde en évitant soigneusement la capitale et en abandonnant ses troupes au plus fort de la bataille, allant se réfugier, nous dit-on, sur les bords de l'Atlantique, dans un minuscule pays encerclé par le Sénégal. Une actualité dérangeante qui met en lumière une précision que j'avais faite dans un article précédent : la révolution populaire est un enjeu essentiellement horizontal, c'est-à-dire qu'elle est portée de façon autonome et autosuffisante par le peuple lui-même. Elle n'est pas verticale, c'est-à-dire portée par un Guide suprême, à la manière d'un ayatollah.

Car justement, l'ayatollah peut disparaître du jour au lendemain et laisser ses fidèles dans le flou le plus total quant à la suite. Ceux-ci se mettent alors à supposer, à supputer, à conjecturer, bref à délirer. La navigation à vue les plonge dans une situation d'orphelins où, n'ayant rien à faire ni à dire, ils se mettent à tourner en rond, se perdent en ragots et en invectives envers un bouc-émissaire, car n'ayant pas la grandeur d'esprit de réaliser que le jeu était risqué - et même absurde - depuis le début !

Et c'est ainsi que se résume l'étape numéro 2 : prendre conscience que le soulèvement populaire n'obéit pas aux consignes d'un chef politique, mais au ras-le-bol simultané de tous les acteurs qui composent le peuple.

La politique ordinaire s'arrête en effet là où commence la Révolution. Car pendant que vous pensez que le peuple a obligatoirement besoin d'un leader pour mener sa Révolution, vous ne réalisez pas qu'à force de le répéter, vous maintenez le peuple en question dans l'attente éternelle de ce Boss intrépide qui, malheureusement, tarde à venir ! Et quand bien même il arrive, le fait d'être suspendu à ses lèvres pour mener la moindre action paralyse plutôt l'action. Car le leader peut se murer dans le silence (par menace et par contrainte, ou par un arrangement traître avec l'ennemi), et tout restera au point mort tant qu'il ne parle pas. Et à force d'attendre, le peuple se refroidit comme un whisky sous glaçons.

Ça s'appelle le pourrissement ; et c'est un état de fait qui arrange plutôt le dictateur.

Pire encore, l'ayatollah peut carrément donner l'ordre de tout arrêter, au moment précis où l'adversaire semblait pourtant reculer. C'est d'ailleurs à cette anomalie aussi curieuse que dramatique que nous avons assisté début novembre, lorsque le Bon Diable décida, sans le moindre fondement logique, d'initier des journées « villes mortes » les 3, 4 et 5, laissant ainsi Biya prêter serment le lendemain dans le plus grand des calmes ! À se demander si son objectif était réellement de le renverser. Je ne m'en remets toujours pas !

TERTIO : L'ART DE L'ESQUIVE

Jamais 2 sans 3 : la troisième étape dans la lutte révolutionnaire, c'est de prendre conscience que tout se jouera dans la capitale.

Il n'existe aucun moyen de contournement à cette réalité. Nous aurons beau multiplier les manifestations à travers le pays, nous aurons beau tout casser, tout brûler, nous aurons même beau sacrifier des vies humaines dans cet élan de soulèvement, tant que nous éviterons la capitale, il sera absurde d'espérer faire tomber la dictature. Car c'est dans la capitale que se trouve le Pouvoir ; le Saint des Saints, le Graal suprême ! C'est donc là-bas que le peuple devra aller le chercher.

Quitte à choisir, disons qu'il vaut mieux une seule manifestation à Yaoundé et nulle part ailleurs, plutôt que mille manifestations ailleurs, mais pas à Yaoundé. Une révolution populaire s'achève avec la capture, ou la fuite du président en hélicoptère depuis les toits de son palais. Et il s'avère que le palais présidentiel du Cameroun se trouve… à Yaoundé !

C'est donc là-bas que la prochaine grande mobilisation devra se concentrer. Même s'il est souhaitable que toutes les autres grandes villes soient impliquées et que le peuple prenne d'assaut les édifices administratifs stratégiques de chaque région, ce sont les édifices et lieux stratégiques de Yaoundé (hôtel de ville, assemblée nationale, poste centrale etc... ) qu'il faudra envahir en priorité !
Celui qui esquive éternellement l'inesquivable finira à coup sûr dans la broussaille ; c'est en suivant la route (et uniquement la route) qu'on arrive à destination. À bon entendeur !

EN BREF :

Je fournirai les détails de la mise en œuvre de cette entreprise dans la seconde partie de cet article, que je publierai quelques heures après celui-ci, et qui s'intitulera « La Marche sur Yaoundé ; instructions à la Révolution - Acte 2 »
J'exposerai alors la mise en œuvre du plan, et les mesures globales (grève générale, marches décisives, tracts, sensibilisation, financement etc...)
Car oui (et c'est la leçon bonus), une Révolution populaire est justement... populaire ! Cela signifie qu'il est inutile de perdre son temps à cacher les stratégies.

Quand on veut mettre un million de personnes dans les rues de Yaoundé, les cachotteries sont contre-productives. Au contraire, l'information et la sensibilisation doivent toucher le maximum de nos concitoyens. Autrement dit, tout sera public !!! C'est le paradigme du « Point de Non-Retour ».
Le seul ingrédient révolutionnaire qui permet de vaincre une armée suréquipée et dirigée par des miliciens tribalistes sans état d'âme, c'est le nombre !!!
Toute autre chose n'étant que charlatanisme.