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Opinions of Sunday, 4 June 2023

Auteur: Calvin Djouari

Obsèques d'Antonio : 3 tombes creusées pour l'humoriste

Il est décédé il y a quelques semaines après une longue période de maladie Il est décédé il y a quelques semaines après une longue période de maladie

Les après obsèques d’Antonio n’ont pas eu un goût fantastique au sein de la famille. Puisqu’il était un homme public, je ferai toujours revivre tout ce qui le concerne publiquement. Les amis d’Antonio ou proches parents ont vécu les pires moments d’un enterrement avec à la clé trois tombes creusées pour un corps. De mon vivant, je n’avais jamais connu un enterrement aussi affligeant. Il n'est aucun palliatif qui puisse calmer des fausses colères des personnes qui en réalité n’arrivaient chez lui que pour voir s’il y a un peu à manger. En plus de la douleur qui me ronge encore, s’ajoute l’agression des avatars qui se créent par ces acteurs obnubilés par les biens d’autrui.

Si j’en juge le décor officiel des obsèques, Antonio est parti entouré de prières, de l'amour et de l'affection des siens. Il faut une fois de plus remercier les artistes qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes au cœur de l’organisation. De cet enterrement, on gardera le souvenir éternel d'un artiste qui était aimé, bienveillant, et altruiste. Je suis reconnaissant pour l’artiste qu’il était et qu’il continuera d’être au-delà du temps. Mais une fois le public parti, ils sont loin d’imaginer ce qui s’est déroulé après eux.



Pourquoi il y a eu trois tombes aux obsèques du président Antonio ?



Antonio était un géant, un roi. Quand les géants ou les rois tombent, ils ne vont jamais seuls, ils se font accompagner. Cela démontre le caractère mystérieux de l’homme Antonio qui était depuis dix ans pratiquement affaibli par les maladies. Venons-en au fait.

Antonio aurait émis à des proches dans ses derniers jours, les vœux selon lesquels, s’il lui arrivait quelque chose, il souhaiterait être enterré sur sa parcelle de terre à Borne 10. Puisque, disait-il… les tombes dans les cimetières ne sont pas entretenues et par ailleurs, celles-ci donnent l’image d’un champ de ruines. Il arrive par moments que l’on croise des squelettes et des cercueils fracassés. Aucune trace de leurs occupants. Ces cercueils sont parfois vidés de leurs hôtes. C’est ainsi qu’on trouve dans la vie pour ceux qui sont initiés des âmes errantes.

Antonio était un homme qui avait de l’éveil, un éveil naturel qu’il utilisait dans le perfectionnement de son art. Mais, au Cameroun, il y a les vœux de l’homme et les vœux des pouvoirs publics, avec leur longue procédure. Il faut au moins trois mois pour avoir une telle autorisation. Mais ma famille pensait qu’une fois le vœu de l’homme émis, cela suffirait pour creuser une tombe. Ils vont se lancer allègrement, et c’est moi d’ailleurs qui leur recommande le frère Gaston pour ce travail. Gaston est un garçon chevronné dans cet ouvrage, il était déjà à Bafia pour celle de mon père. Mais ce dernier temps un peu maladif, il n’a pu remplir les attentes pour une sépulture digne.

A trois jours du début des obsèques, les agents de la mairie m’appellent depuis le Cameroun et me disent : « on vient de nous préciser que vous êtes le chef de famille. Vous nous répondez par un Oui ou par un Non. Est-ce que vous voulez que votre frère soit enterré sur son terrain ? » Ma réponse jaillit… « Je ne peux vous dire Oui ou Non sans vous donner quelques explications.» Alors les agents décident de m’écouter. Je poursuis en ce terme : « Depuis la mort de mon frère, mes cousins et cousines ont pris le devant, ils ont fait des réunions et ont pris des décisions sans mon avis, ils ne m’appellent que pour me demander de l’argent, lorsqu’ils reçoivent l’argent, ils disparaissent, une fois l’argent fini, ils reviennent, alors je m’aligne sur ce qu’ils ont dit et qu’on mette à exécution les vœux d’Antonio, qu’on enterre Antonio sur son terrain. Car si je réponds autrement ils m’abandonneront le corps, c’est ce qu’ils attendent. Faites ce qu’ils ont dit et ce qu’Antonio a dit » Voilà radicalement ce que j’ai répondu et les agents ont noté mes propos dans leur rapport.

C’est après cette réponse que je comprendrai que je venais de prendre une décision hautement métaphysique en même temps que je signais de façon symbolique un lien mystérieux qui m’épargnait des foudres et des colères de ceux qui m’attendaient au tournant.

Je sais aujourd’hui que si j’avais osé dire Non, c’était « ma tête » comme on dit au Cameroun que j’aurai donnée. Antonio comme moi sont descendants d’une grande chefferie nous connaissons ce que la force des vœux justes. Antonio portait dans son corps tous les attributs et rites des anciens chefs préparés par notre père à sa naissance. Je n’aurai jamais peur de ses traces. C’est son entourage qui préparait une bombe pour faire exploser sur moi en son nom. Ce n’était pas pour être gendarme sur sa terre qu’il avait souhaité cette inhumation. Il voulait être près de son public.

A la suite de l’entretien avec les agents de la mairie, ceux-ci me feront comprendre que la première tombe ne correspond pas aux normes requises, il faut creuser une deuxième et il propose un espace sur la cour. Les creuseurs se remettent à l’œuvre.

Deux jours avant l’enterrement, un autre rebondissement. Mon informateur m’appelle du Cameroun et me fait savoir qu’il y a sur le site de la maison, des policiers et des gendarmes qui demandent d’arrêter de creuser, arguant que les autorités ont refusé l’enterrement sur le site d’Antonio, d’où la nécessité d’enterrer dans un cimetière.

Le chef de quartier arrive à son tour en tenue d’apparat et entérine la décision. La stupeur est générale. Il ne reste plus qu’à désigner un bouc émissaire. Tous clament… « C’est Honoré qui est à la manœuvre. » C’est-à-dire Moi. Je suis accusé de tout. Les incantations villageoises feront le reste dans leur inlassable temps saugrenu de la cruauté.

Voilà comment dans nos villages, on tue les innocents. La course est lancée pour la troisième tombe. Les creuseurs, fatigués, hirsutes, retrouvent en plein milieu de la nuit un espace pour la troisième tombe au cimetière de Ngodi Bassa. Dans la plus grande distraction et en silence, ils reprennent à un rythme plus rapide la troisième bataille. Tout n’est que désolation.

Antonio et son terrain.

Antonio n’avait pour tout et pour tout que ce terrain comme bien. Ils pensaient en faire un château le jour quand il se remettra de sa disette. Lorsqu’une personne arrivait chez lui, il ne te parlait que de ce qu’il fera de ce terrain ; il racontait comment les prix de ce terrain montait à la bourse, il te faisait balader sur son espace et avec humour, il te désignait comme héritier d’une parcelle, et c’est comme cela toutes ces personnes le conduisaient au bar. Le gérant du bar sera tellement ému par ses présences régulières qu’il dénommera son bar carrefour Antonio.

Ce terrain a eu une douzaine d’héritiers. L’un de ses locataires explique qu’il faisait le tour du terrain avant de dormir et qu’à deux heures de la nuit lorsqu’il entendait un bruit, il se réveillait pour voir si une personne n’était pas en train de le morceler. Bruits qui ont d’ailleurs continué chaque nuit depuis sa mort qui font aujourd’hui que tous les locataires ont déguerpi. Ceux qui vont rester à cet endroit auront fort à faire avec Antonio qui aimait les heures de nuit pour ses spectacles. L’âme d’Antonio plane sur ce terrain.

Cela devrait être particulier, chez nous être enterré sur sa terre, c’est une chose très importante, car il symbolise la jonction entre les morts et les vivants. Antonio avait l’expérience de la chaleur humaine, qu’il souhaitait retrouver au-delà de la mort en pleine communion avec sa famille. A partir de là, c’est aussi un canal d'énergie et un pèlerinage pour ceux qui veulent bénéficier du fort magnétisme naturel qui entourait l’humoriste.

Avec toutes les chances, j’espérais en faire un mémorial avec pierre tombale. Dans la tradition, c’est une symbiose entre le monde des vivants et celui des non-vivants. Cette tradition, provenant d’une pratique culturelle, a donné naissance à un particularisme que l’on observe dans beaucoup de communautés. Enterré près de la maison, c’est bénéficier de votre regard et de nos prières. Fort de ce que l’on connaît ç’aurait été un lieu de mémoire. Il est porteur de charges à la fois culturelles et symboliques. De toute façon la mémoire d’Antonio ne sera pas oubliée.

Je prépare un livre qui parlera de la vie d’Antonio, de son parcours et bien évidemment de ses derniers instants. Je tiens à préciser qu’il a passé ses derniers instants tout seul, isolé et pauvre. Je ferai des révélations sur ses derniers moments avec les preuves à l’appui, je donnerai les causes de sa mort. Parce que certains s’attribuent trop de mérite là-dessus, alors que ses voisins sont unanimes. « Personne ne lui rendait visite ». Je suis le seul à parler en son nom après son départ. Que cela soit écrit et accompli.

Les malédictions sur les trois tombes.

Sous un ciel ouvert en pleine matinée, au lendemain de son enterrement, les tantes présentes n’ont pas dormi, elles avaient tout prémédité en venant, elles ont lâché les incantations maléfiques afin de zombifier le terrain et la maison, ce genre de choses. Un vrai cinéma sans vergogne, des Doukdouk, des Werewere, comme à l’ancien temps, objectif, il faut en finir avec Honoré, toujours Moi. L’argent, c’est moi qui envoie, la haine, c’est Moi qui encaisse. Boof, j’ai déjà dit publiquement que celui qui fait des incantations mystiques sur moi verra ses enfants atteints avant que cela ne m'arrive, c’est la devise de mon père. Qui parmi ces gens-là nous ont acheté un seul cahier ? Nous avons vu des misères dans notre petite vie… qui savait même où on se trouvait ?

Honoré vient quand

Tout le monde se posait la question : Honoré viendra-t-il ? Il arrive quand ? Oh ma famille… quand vous ne faites du mal qu’est-ce que vous faites ? D’autres se bousculaient pour gérer le budget, dans un pays où il faut faire ou le moine ou le bandit. Dans une famille où on retrouve des lâches qui ne viennent à l’hôpital que voir si le malade a de quoi manger. Qui ont eu des pères et des mères contrairement à Antonio et moi. Ces pères qui ont vendu leur maison et leur terrain après leur retraite alors qu’ils avaient des enfants. Et c’est comme ça la vie quand tu n’as plus de père ou de mère, les autres te torturent et t’enterrent vivant. Je comprends et je comprends maintenant. Antonio en spectacle d’imitation https://o-trim.co/qsd

On ne partage pas les mêmes imaginaires, je me suis battu seul dans la vie aidée par les amis alors que j’avais des familles. Ce n’est pas des loufoques personnages des villages qui viendront m’ébranler. Moi, je mets tout dans le temps.

Les malédictions, je marche dessus. Mon père n’a maudit personne.
Ce sont des petites choses qu’on emploie pour effrayer les gens. Nous qui avons fait l’aventure, connaissons le sens du sacrifice suprême, ça dépasse tout. Dites à un aventurier de ne pas continuer son aventure parce qu’il sera maudit s’il va vous écouter. Je continue ma vie seule comme Jean Jacques Rousseau dans les rêveries du promeneur solitaire. Le mort a toujours raison, c’est pour honorer sa mémoire. Ça ne doit pas droit aux vivants de juger les autres. Il ne me reste plus qu’à édifier la mémoire de mon frère aîné comme je l’ai souvent fait pour les autres personnalités dans mon émission les mémoires oubliées.