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Opinions of Wednesday, 20 September 2017

Auteur: jetcamer.com

ONU: Paul Biya veut se faire de nouveaux amis

Paul Biya ( image d'archives) Paul Biya ( image d'archives)

En plus de la promotion de l’image de marque du Cameroun, Paul Biya devra faire étalage des efforts déployés par le Cameroun pour pousser la secte islamiste Boko Haram à adopter une guerre plus lâche et sournoise à travers les attentats kamikazes, de même que les mesures prises par son gouvernement pour gérer le flux important des réfugiés nigérians et centrafricains hébergés sur son territoire. Mais surtout, le chef de l’Etat aura à cœur de se tisser un réseau de nouvelles relations au sein de cette nomenklatura où il ne compte plus beaucoup d’amis.

C’est en principe ce vendredi 22 septembre 2017 que le chef de l’Etat camerounais montera à la tribune des Nations Unies pour dévoiler sa vision du monde, relativement au thème choisi pour cette 72ème Assemblée générale, à savoir « Priorité à l’être humain : paix et vie décente pour tous sur une planète préservée ». Un exercice auquel il est bien familier au regard de ses 35 ans de pouvoir, qui lui ont déjà donné plusieurs fois l’opportunité de prester dans cette arène.

On peut imaginer que le président camerounais sera toute aise en rapport avec le thème des travaux, lui qui s’était déjà présenté comme le chantre de la lutte contre le terrorisme international, particulièrement dans la région du Lac-Tchad, en mai 2015, au sortir d’un sommet organisé à l’Elysée en France, lorsqu’il promettait de livrer une guerre sans merci contre la secte islamiste Boko Haram.

Nul doute qu’il surfera sur les acquis de la victoire des forces de défense camerounaises pour exiger une attention plus soutenue de la communauté internationale dans l’éradication de la secte djihadiste, qui depuis sa défaite militaire, oriente ses attaques vers l’utilisation des kamikazes pour attenter à la vie des populations civiles. Dans la même veine, Paul Biya devrait saisir l’occasion pour présenter à la communauté internationale les efforts déployés par le Cameroun pour accueillir et encadrer de nombreux réfugiés, évalués à des centaines de milliers, qui atterrissent sur son sol, fuyant les exactions de la secte terroriste au Nigeria, et les combats entre factions rivales en Centrafrique.

Autre sujet sur lequel le chef de l’Etat camerounais est attendu, c’est la gestion de la crise anglophone qui sévit depuis novembre 2016, dans le Nord-ouest et le Sud-ouest. Au regard du dossier de presse préparé par les services de la présidence de la République, on peut imaginer que le chef de l’Etat tentera de convaincre la communauté internationale par le train de mesures déjà prises par son gouvernement en réponse aux revendications corporatistes des avocats et des enseignants anglophones, pour décrisper la tension.

Et notamment la création d’une Commission nationale de promotion du bilinguisme et du multiculturalisme, dirigée par un Anglophone, la création d’une section de la Common law au sein de l’ENAM - l’Ecole nationale d’administration et de magistrature, la présidence par un ressortissant anglophone de la section judicaire de la Cour suprême, et plus récemment, l’arrêt des poursuites contre les personnes détenues dans le cadre de cette crise, qui a permis d’élargir 55 activistes et leaders anglophones préalablement aux arrêts.

C’est désormais une lapalissade, l’Onu qui a pris le temps de se documenter sur le problème anglophone à la faveur des enquêtes de terrain menées par son bureau pour les droits de l’Homme à Yaoundé entre janvier et février 2017, se préoccupe désormais de la crise dite anglophone, et exige un dialogue franc et sincère entre les parties, à la suite de la libération de tous les détenus. Le représentant spécial du secrétaire général en Afrique central - François Fall, l’a encore récemment réaffirmé, comme solution à la sortie de crise.

Reconstituer son carnet d’adresses personnel

A l’Onu, les explications de Paul Biya sur cette crise apparaitront comme une contre-offensive du gouvernement à la volonté manifeste des sécessionnistes d’internationaliser la crise anglophone. Une mission qui ne sera pas des plus aisées, dans une assemblée où le président camerounais ne compte plus beaucoup d’amis comme par le passé, au regard des changements intervenus à la tête de certaines instances dirigeantes de l’institution planétaire, mais également des alternances connues par certains pays traditionnellement qualifiés d’amis du Cameroun.

En effet depuis janvier 2017, Antonio Guterres, fait désormais office de patron de l’Onu, où il a remplacé Ban-Ki Moon, réputé ami du Cameroun, au secrétariat général. Si le nouveau secrétaire général avait déjà foulé le sol camerounais en 1995 alors qu’il trônait encore à la tête du Haut-commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, ce qui lui avait donné l’occasion de rencontrer le président camerounais, il n’est pas si sûr que les deux hommes s’apprécient mutuellement, tout au moins pas du même niveau d’affection que Paul Biya et Ban-Ki Moon.

Même si à l’occasion de cette visite en terre camerounaise, Antonio Guterres avait chaleureusement salué les efforts du pays de Paul Biya dans l’accueil et l’encadrement des réfugiés. A la tribune des Nations Unies où il fait office de l’un des vieux briscards désormais, Paul Biya découvrira un nouveau visage dans le fauteuil de président de l’Assemblée générale. Depuis le mois de mai 2017, le nouveau président s’appelle Miroslav Lajcak, le ministre slovaque des Affaires étrangères et européennes y a remplacé Peter Thompson des îles Fidji.

Sur un plan bilatéral, Paul Biya devra apprendre aussi à connaitre le président américain Donald Trump, qui prend part pour la 1ère fois aux travaux, après son arrivée au pouvoir en janvier 2017. Là également, il n’est pas si évident que les deux hommes soient proches, car de sources diplomatiques, à l’instar de bon nombre de pays africains, le Cameroun aurait misé sur la venue d’Hillary Clinton à la Maison blanche, au terme de la présidentielle américaine de l’année dernière.

Emmanuel Macron, le tout jeune président français, lui aussi fait son baptême de feu au sein de cette caste de dirigeants du monde en qualité de chef d’Etat. Si traditionnellement les présidents français se montrent proches de leur homologue camerounais, ce n’est pas encore le cas pour le nouveau locataire de l’Elysée, qui n’a pas encore rencontré le président camerounais. Difficile pour l’heure de parler de rapprochement entre les deux hommes, si distants l’un de l’autre pas leurs âges respectifs, 84 ans pour le président camerounais, contre 39 pour son homologue français, qui n’avait alors que 4 ans quand Paul Biya accédait à la magistrature suprême.

Finalement, parmi les pays membres du Conseil de sécurité, considérés à juste titre comme les « grands du monde », Paul Biya n’est sûr de compter que sur l’attention affective de la Chine, l’Italie et la Russie n’étant pas diplomatiquement réputées proches du Cameroun. C’est dire si au-delà du marketing traditionnel, l’autre enjeu de la participation du président Cameroun à cette 72ème session de l’Assemblée générale de l’Onu, pourrait être de reconstituer son carnet d’adresses personnel, particulièrement face aux manœuvres pernicieuses de déstabilisation que connait le Cameroun de la part de certaines ONG internationales établies dans quelques-uns de ces pays peu sûrs. Surtout aussi à l’orée d’une année électorale qui verra l’organisation de la présidentielle que Paul Biya entend encore briguer, et sur laquelle ses adversaires politiques pourraient surfer pour exiger son départ du pouvoir.