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Opinions of Monday, 21 December 2015

Auteur: camernews.com

Lobo: Dans l’enfer de l’autoroute Yaoundé – Douala

Plus d’une semaine après le blocage des travaux, les différents protagonistes campent sur leurs positions.

Tracé de l’autoroute Yaoundé – Douala, lieu dit Pk (point kilométrique) 8. Il est midi. Et c’est l’heure de la pause déjeuner. Sous un hangar, des ouvriers sont à table. Même les arbres aux feuilles encore vertes n’atténuent pas ce soleil de plomb. Au menu, les légumes appelés Okok ou le poisson à la sauce tomate. Des plats soutenus par du manioc. Pour étancher la soif, du vin de palme. Même un conducteur de moto taxi se mêle aux ouvriers, dans une ambiance bon enfant. Ambiance, qui tranche net avec l’atmosphère, qui a l’air d’un chantier abandonné. Néanmoins, le chantier, entre le Pk0 et le Pk 8, offre la splendeur de son relief. La montagne taillée, le passage dans un col ou des descentes sur des pentes abruptes donne l’impression de faire le trajet Ngaoundéré – Garoua, avec ses falaises.
Mais, au Pk1O+300, le retour à la réalité affiche

un tableau de tristesse. Une cinquantaine de personnes – hommes et femmes âgés, adultes et même des jeunes – siègent, qui sous les  arbres, qui dans une hutte faite de palmes, bien couvert de poussière, qui monte à chaque passage d’un véhicule. Pour leur déjeuner de  midi, des arachides bouillies, un casier de bière et un carton d’une bière importée. « Ce sont les Chinois qui nous ont offert cette bière. Ils nous ont dit qu’ils soutiennent notre action et qu’ils reviendront quand on nous aura payés », explique M. Nkoa Ndzana, présenté comme le président du regroupement des populations riveraines en colère.
Quand au bien fondé de leur résistance, l’atmosphère se serait détériorée depuis le début de leur sit-in lundi 7 décembre dernier. « Le préfet est venu ici avec le commandant de compagnie [Gendarmerie, Ndlr] et nous a dit que l’Etat était puissant. Nous lui avons répondu que la force est à la loi et non à l’Etat », a ajouté  M. Nkoa Ndzana qui a martelé : « Nous avons donc décidé d’attendre notre argent ici. Même s’il faut attendre dix ans ». Les grévistes ont une conviction : « Notre dossier est bloqué au ministère des Domaines et des Affaires foncières », croit savoir M. Nkoa Ndzana.

Chinois
Robert Atangana, un pasteur parmi les riverains en colère, se rappelle que « quatre ministres sont venus à Lobo le 27 juillet dernier et nous ont demandé d’attendre deux semaines pour que nous soyons payés. Nous leur avons même donné plus d’un mois. Mais, jusqu’à présent, nous ne sommes toujours pas payés ». Il rappelle également la pomme de discorde, en ce qui concerne les différentes listes des indemnisations et expropriations : « La liste régionale avait 872 noms. La liste définitive avait 382 noms, avec quatre noms, qui ne figuraient pas dans la première liste. Comment comprendre cela ? » Pendant qu’il l’explique, la fumée monte du feu de bois allumée au milieu de la route qui traverse le chantier, à cet endroit et dont la barrière installée empêche tout trafic. Attitude de rébellion ?
« Non. Le chef des renseignements de la délégation régionale de la sûreté nationale est venu ici avec des commissaires de police. On leur a dit qu’on n’avait pas de problème. Mais, qu’on veut seulement notre argent qu’on nous promet depuis le 15 février 2015 », a ajouté Robert Atangana. Si les travaux ont repris après la pause dans la zone du Pk 8 avec le bruit des engins et le mouvement des camions, c’est le grand silence entre le Pk 10 et le Pk 16. Sur ce trajet, trois barrières sont installées. Quelques jeunes veillent au grain, pour s’assurer que ceux qui les franchissent ne sont les pas constructeurs de l’autoroute, qui restent inaccessibles, en dépit de bons points que leur attribuent les populations du Pk10, qui, cependant, semblent très remontées contre l’administration et les hommes politique de la localité. D’ailleurs, le passage du sous-préfet de Lobo, « en toute amitié » à cet endroit hier vers 13h, pendant que le reporter de Repères était sur les lieux, ne leur arrachera aucun signe de sympathie.

Electricité
Par contre, les populations de Nkol-Meyang, au Pk16, semblent très remontées contre les Chinois. « On vivait grâce à notre sable. Ils ont tout détruit. Après nos revendications, ils nous ont coupé l’eau alors qu’ils ont fini de polluer nos rivières. On suffoque ici », se plaint Marcel Onana, l’un des plus âgés de cette communauté, qui a par ailleurs vu son pont en bois endommagé « par les gros engins des Chinois », se plaint aussi un jeune du village. Ici, au Pk16, une maison en terre battue est perchée sur une petite colline, sur le tracé de l’autoroute. Elle n’a pas encore été détruite. 50 mètres plus loin, une base de la société chinoise de construction de l’autoroute. Et dans l’air, de l’électricité comme celle dont ne jouissent pas ces populations, à qui on a promis de la lumière en compensation des arbres fruitiers à abattre, gratuitement. « Une compensation mensongère », pour reprendre Stanislas Bita Engamba, l’un des membres de la communauté, qui assiste à la dernière concertation de la journée, avant que chacun regagne sa case, pour une autre nuit d’inquiétude, depuis la nouvelle descente dans le chantier.
A l’ordre du jour : accord sur la position à prendre lors d’une réunion convoquée hier soir en début de soirée au domicile de « leur » sénateur, Jean Marie Mama, à Yaoundé. Réunion à laquelle ont pris part le ministre Benoit Ndong Soumhet, le Pr Ntuda Ebodé, le sous-préfet de Lobo et le préfet de la Lékié. Il a été convenu que le blocus doit être levé. En échange, le sénateur a promis aux populations de faire accélérer la procédure. Il a d’ailleurs promis de descendre sur le terrain demain jeudi, afin de rassurer lesdites populations. Selon Stanislas Bita Engamba, l’un des participants à cette réunion, le sénateur a promis que la liste devrait être celle initialement faite. A savoir, 872 noms, au lieu de 382.

Abdou Kaïgama, sous-préfet de Lobo: « Que les populations riveraines patientent »
Le chef de terre explique pourquoi le conflit n’est pas encore résolu et ce que fait le gouvernement.

Comment comprendre que, dix jours après le début des revendications, l’administration n’ait pas encore pu trouver une solution ?
Les travaux sont bloqués tout simplement parce que les populations réclament leurs indemnisations. Elles disent avoir assez attendu. Même l’administration est informée de cette situation. Ce n’est pas que nous ne faisons rien. L’Etat est le gestionnaire de l’intérêt général. Pendant que les problèmes se posent ici, ceux plus urgents se posent également ailleurs. Et ce n’est qu’une question de temps. L’Etat n’utilise l’argent de personne. Par exemple, si l’on prend le cas des fonctionnaires, l’Etat finit toujours par leur payer leur argent. Que les populations riveraines patientent. Aucun Camerounais n’ignore que nous sommes sur plusieurs fronts inattendus aussi bien à l’Est qu’à l’Extrême-Nord avec la lutte contre Boko Haram. Ce qui entraîne des dépenses supplémentaires. Quand un Etat est en guerre, il dépense énormément. Et c’est difficile que les populations le comprennent.

Qu’avez-vous fait concrètement pour les calmer, en attendant ?
Notre travail est de rendre compte fidèlement à la hiérarchie. La décision n’est pas au niveau local. Et, c’est ce que nous avons toujours fait. Car, nous vivons les réalités avec ces populations. Lesquelles réalités sont connues de la hiérarchie. Et il n’y a aucun plaisir à savoir qu’elles vont dormir à la belle étoile.

Au moins, vous auriez pu intervenir lorsqu’elles se sont plaintes qu’elles étaient privées d’eau après que leurs rivières et ruisseaux ont été pollués…
Il fallait un dialogue entre les constructeurs chinois, le gouvernement et les populations. Mais, le problème qui se pose est celui du suivi de cette concertation.