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Opinions of Friday, 30 June 2017

Auteur: quotidienmutations.cm

Le FMI pourra-t-il sauver Paul Biya?- Expert

Le plan du FMI ne peut être réalisé que par un leadership politique fort Le plan du FMI ne peut être réalisé que par un leadership politique fort

Le Fmi a approuvé le lundi 26 juin 2017 Un crédit 666,3 millions de dollar. Par son communiqué de presse n° 17/76 du 07 mars 2017, le Fonds Monétaire International (FMI) a annoncé que ses services ont entamé des échanges avec le Cameroun sur un programme économique et financier triennal jusqu’en 2019.

Dans la circulaire n°001/CAB/PRC signé le 20 juin 2017 par le Président Paul Biya fixant les orientations générales de la politique budgétaire, ainsi que les dispositions pratiques pour l’élaboration du budget de l’Etat pour l’exercice 2018, il est fait expressément mention du Programme économique et financier 2017-2019 en cours de négociation avec le Fmi.

Environ huit (8) ans seulement après la longue période de plus de vingt (20) ans de programmes d’ajustement structurel successifs avec le Fmi (19 septembre 1988 – 30 janvier 2009), qu’est-ce qui peut justifier que le Gouvernement Camerounais envisage ainsi le recours au guichet de financement du FMI ? Ce recours à un programme économique financé par le FMI constitue-t-il une solution pertinente et efficiente au regard des problèmes critiques auxquels fait face l’économie camerounaise en cette période particulière? En fait le Fmi a approuvé un crédit 666,3 millions de dollar americain.

La présente note d’analyse technique est une modeste contribution à cet égard. Elle est structurée en trois (3) points : (i) les repères sur la situation actuelle et prévisible de l’économie camerounaise ; (ii) les problèmes critiques à résoudre pour accroitre substantiellement les performances de l’économie camerounaise et (iii) les solutions envisageables.


1. Repères sur la situation actuelle et prévisible de l’économie camerounaise.

Le tableau ci-après (en anglais) donne les principaux indicateurs de l’économie camerounaise à l’horizon 2020 tels que publié le 14 avril 2017 par S&P Global Ratings, une agence privée internationale de notation financière.

2. Problèmes critiques à résoudre pour accroitre substantiellement les performances de l’économie camerounaise

La revue des principaux indicateurs ci-dessus (économiques, monétaires, budgétaires et extérieurs) sur les performances récentes et prévisibles de l’économie Camerounaise ne semble pas indiquer un réel problème de stabilité macroéconomique notamment de balance des paiements nécessitant le recours au financement du Fmi. Le ratio des réserves extérieures est en baisse depuis 2016 mais reste supérieur à 3 mois d’importations à l’horizon 2020. Un apport financier du Fmi n’aura qu’un impact marginal et en fait négligeable sur la balance des paiements.

La croissance économique camerounaise a suivi une trajectoire positive de rattrapage et de dépassement de la moyenne de l’Afrique subsaharienne. Le graphique de Prescriptor Ltd ci-après montre bien le mouvement de rattrapage de 2009 à 2013 et le maintien de la tendance en dépit de la chute des prix des matières premières en particulier des cours du pétrole depuis 2014. C’est l’effet du programme d’investissement en infrastructures engagé depuis 2010 financé en grande partie par la dette.

Malgré cet effort louable pour combler le gap en infrastructures du pays, le modèle camerounais de croissance économique reste inadapté car marqué par la désindustrialisation ou le rétrécissement de l’industrie manufacturière couplée à la faiblesse structurelle des exportations dominées par des produits primaires avec une contribution négative à la croissance. La faiblesse des revenus d’exportation constitue un facteur de limitation des capacités d’endettement extérieur de l’Etat.

C’est le problème critique de la transformation structurelle de l’économie camerounaise ou encore de la modernisation du système productif. Il est le problème le plus critique à résoudre urgemment et prioritairement. Il n’est pas macroéconomique mais structurel c’est-à-dire méso-économique et microéconomique.

Le deuxième problème critique concerne le niveau encore anormalement bas des recettes publiques camerounaises en rapport avec le Pib. Le graphique ci-après tiré de l’analyse de Moody’s Investors Service (l’une des trois principales agences privées internationales de notation financière) publiée le mars 2017, indique que les revenus de l’Etat du Cameroun se situent à 16-17% du Pib, soit un gap moyen de recettes publiques de 5% du Pib par rapport au niveau médian des pays notés B comme le Cameroun et aussi de l’Afrique subsaharienne (21-22% du Pib).

Le modèle budgétaire inadapté de l’Etat est également un problème de transformation structurelle de l’économie qui découle du taux très élevé de criminalité économique (niveau très élevé de contrebande, de corruption et de détournement de fonds publics) associée à la mauvaise gouvernance des affaires publiques. La hausse structurelle des revenus de l’Etat au niveau normal réduirait substantiellement les ratios de la dette publique qui semblent focaliser à tort l’attention.

3. Solutions envisageables pour accroitre les performances de l’économie camerounaise

Pour chacun de ces deux problèmes critiques de transformation structurelle de l’économie, le Fmi nous semble mal placé pour assister et accompagner avec efficience l’Etat du Cameroun. Par contre et dans une moindre mesure, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement pourraient probablement y apporter une contribution.

Modèle de croissance économique. Pour passer à une croissance forte, durable, inclusive et créatrice d’emplois requise pour réduire le chômage et la pauvreté, l’accélération de l’industrialisation du pays est indispensable et absolument urgente. La solution consiste à passer sans délai à un modèle de croissance tirée par l’industrie manufacturière tout en gardant le cap sur le rattrapage en infrastructures.

Au plan d’investissement conséquent en infrastructures, il faut mettre en œuvre un plan robuste d’industrialisation visant l’accroissement substantielle de la production des produits manufacturés dont une bonne partie destinée à l’exportation induisant ainsi une hausse des revenus en devises et des réserves extérieures. Le recours à l’aide et aux concessions financières dont la raréfaction est établie pour financer les plans de transformation structurelles est inapproprié et à éviter.

Au regard des marges de manœuvre disponibles, l’endettement à effets de levier positifs est l’unique moyen efficient et à la portée de l’Etat du Cameroun pour financer et réaliser les plans d’infrastructures et d’industrialisation. La circulaire présidentielle sur la politique budgétaire 2018 de l’Etat s’appuie encore malheureusement sur le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi 2010-2019, le plan d’urgence triennal pour l’accélération de la croissance 2016-2018 et le plan triennal spécial jeunes 2017-2019.
L’industrialisation n’est pas un impératif pour tous ces instruments de planification stratégique de l’Etat. Le plan directeur d’industrialisation approuvé en décembre 2016 ne semble malheureusement pas encore à l’ordre du jour. Un programme avec le Fmi est un moyen sûr pour reléguer l’industrialisation au plus bas de l’agenda économique de l’Etat.

Modèle budgétaire de l’Etat du Cameroun. Pour rationaliser le modèle budgétaire, il ne s’agit pas de créer les nouveaux impôts ou d’augmenter les taux des impôts existants. Il s’agit d’élargir l’assiette fiscale par la mise en œuvre d’un plan robuste de réduction de la criminalité économique (contrebande, contrefaçon, corruption, détournement de fonds publics, évasion fiscale, etc.) couverte en l’occurrence par certains acteurs politiques et administratifs bien placés dans la hiérarchie de l’Etat.

La hausse structurelle des revenus de l’Etat à un niveau normal ou compatible avec le Pib est directement proportionnelle à la baisse de la criminalité économique et donc à l’amélioration radicale de la gouvernance publique. Ce type de plan de transformation structurelle ne peut être piloté et réalisé que par un leadership politique fort, intègre et affirmé. Le Fmi même s’il était volontaire, n’y peut véritablement rien.