Vous-êtes ici: AccueilOpinionsActualités2016 01 07Article 351910

Opinions of Thursday, 7 January 2016

Auteur: Claude Tadjon

La constitution de 1996 n’a pas été complètement appliquée

Constitution de janvier 1996. Pourquoi la loi fondamentale est restée partiellement appliquée 20 ans après son adoption.

Le Cameroun est sans doute l’un des rares Etats au monde à s’être doté d’une constitution qu’il n’applique que partiellement depuis 20 ans. La loi fondamentale a cessé d’être sacrée, les lois ordinaires jouissent même de plus d’égards.

Prévu depuis deux décennies dans la loi fondamentale du Cameroun, le Conseil constitutionnel, organe régulateur du fonctionnement des institutions, instance camer.becompétente en matière constitutionnelle censée statuer sur la constitutionnalité des lois n’a jamais vu le jour.

Ce conseil pèse d’un poids certain, car il veille à la régularité de l’élection présidentielle, des élections parlementaires, et surtout des consultations référendaires. Il en proclame même les résultats. Plus important, précise la constitution du 18 janvier 1996, les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours.

Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives, militaires et juridictionnelles, ainsi qu’à toute personne physique ou morale. Egalement mise sous l’éteignoir, l’institution phare de la décentralisation, les conseils régionaux qui attendent depuis 20 ans de voir le jour. Le conseil régional et le président du conseil régional agissent dans le cadre des compétences transférées aux régions par l’Etat, précise le texte constitutionnel.

Quant à l’article 66 de la Constitution de janvier 1996, il est sans doute celui dont l’application reste la plus attendue. Son libellé est pourtant sans équivoque : « Le Président de la République, le Premier Ministre, les membres du Gouvernement et assimilés, le Président et les membres du Bureau du Sénat, les députés, les sénateurs tout détenteur d’un mandat électif, camer.beles Secrétaires Généraux des Ministères et assimilés, les Directeurs des Administrations centrales, les Directeurs Généraux des Entreprises publiques et para¬publiques, les magistrats, les personnels des administrations chargées de l’assiette, du recouvrement et du maniement des recettes publiques, tout gestionnaire de crédits et des biens publics, doivent faire une déclaration de leur biens et avoirs au début et à la fin de leur mandat ou de leur fonction. »

Manipulation des élections Le temps est vite passé. 20 ans après, le constat est implacable: la construction de l'architecture institutionnelle au Cameroun reste inachevée. Comment le comprendre ? Jean Robert Wafo, ministre du Shadow cabinet du Sdf en charge de l’information et des médias, est catégorique : « La création des Conseils régionaux est bloquée en grande partie par la préservation des acquis budgétivores des hauts commis de l’Etat.

S'agissant de l’article 66 de la Constitution sur la déclaration des biens, la non application de cette disposition est la preuve que la corruption est consubstantielle du régime. Ceux qui nous gouvernent sont de mauvaise foi. S’agissant du Conseil constitutionnel, la non mise sur pied de cette institution a le mérite d’étaler au grand jour les desseins machiavéliques projetés sur notre vivre ensemble, en cas de vacance du pouvoir. »

Pour Okala Ebodé, Secrétaire national adjoint en charge de l'organisation, de la formation et de la mobilisation au Mouvement pour le Renaissance du Cameroun (Mrc), « le fait pour le pouvoir de ne s’être jamais totalement investi dans l’achèvement de la construction de l'architecture institutionnelle au Cameroun 20 ans après l'adoption de la constitution est un défi que le régime et particulièrement son chef, Monsieur Biya, ont lancé à la démocratie camerounaise et à son peuple. » « Cette attitude, poursuit¬il, témoigne de ce que les individus qui profitent du Cameroun sont au-dessus des institutions, que celles¬ci sont à leur service.

L’absence du Conseil constitutionnel et des conseils régionaux illustre parfaitement cette ambition que nourrit Monsieur Biya d’être, à lui tout seul, l’acteur principal de la vie politique. En outre, la nonapplication de l'article 66 de la constitution, ou, plutôt, le refus de faire appliquer cette disposition constitutionnelle confirme le déficit de volonté du système de combattre l’enrichissement illicite et surtout la corruption qui apparait comme le pilier central de ce régime. »

Poussant l’analyse, un politologue contacté par Le Jour insiste pour sa part sur un trait de caractère du chef de l’Etat, qui, selon lui, n’aime pas prendre des risques politiques. Ceci explique pourquoi le Conseil constitutionnel et les conseils régionaux n’ont toujours pas vu le jour : « C'est juste pour garder la main sur deux institutions incontournables dans la manipulation des élections. Les membres du camer.beconseil constitutionnel sont nommés pour un mandat fixe donc plus autonomes par rapport aux magistrats de la cour suprême. Et l'avènement des conseils régionaux lui ferait perdre ce formidable instrument de maîtrise du territoire que sont les gouverneurs. » On le voit, c’est par calcul et ambition personnelle du chef que la construction de l'architecture institutionnelle au Cameroun reste inachevée.