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Opinions of Dimanche, 19 Juin 2016

Auteur: camer.be

L’honneur perdu de la préfectorale

En remettant de façon exubérante des véhicules de luxe à ses gouverneurs de région, lors d’une parade spectaculaire sur l’esplanade de l’hôtel de ville de Yaoundé, au mois de janvier dernier, René-Emmanuel SADI n’avait pas caché l’intention de la personne dont il portait la parole, de voir davantage consolidée l’image de marque de ces hauts dignitaires de la préfectorale sur lesquels reposent tant d’attentes, en termes de préservation de l'équilibre politique global du système.

En tout, 02 milliards de francs CFA pour les seuls dix gouverneurs, et le restant des autres 02 milliards et demi, pour l’ensemble des préfets et sous-préfets. Et voilà que, quelques mois plus tard, patatras ! Sur les dernières semaines en effet, une dizaine de membres de cette caste mis en détention, pour s’être notoirement fourvoyés dans la gestion des fonds publics liés aux indemnisations. Sordide retournement de bâton, dans un système d’impunité généralisée où la corruption a depuis largement fait son lit.

A Kribi donc, presque vingt personnes à ce jour aux arrêts. Montant querellé ? Entre 04 et 10 milliards de francs, selon les estimations. Et ce n’est pas tout : sur la longue liste de capturés de cette fameuse Opération Epervier en retour de grâce, se trouve aussi le sous-préfet de Bankim et une douzaine d’autres fonctionnaires du même acabit. Plus au sud, du territoire, l’ex préfet de Nanga et Eboko, également emprisonné, pour son gourmandise sur les indemnisations de la route Mbandjock-Nanga Eboko.

Une vague d’arrestation qui n’est qu’une fenêtre supplémentaire pour voir à quel point le phénomène tant décrié de la corruption s’est massifié et généralisé, notamment dans ce corps de la préfectorale qui, autant que les autres et parfois même beaucoup plus que les autres, fait montre d’une ingéniosité rare, dans le siphonage systématique des biens tant publics que privés.

Difficile de savoir jusqu’où pourrait aller Paul Biya dans cet exercice de punition collective, par lequel apparaît de façon fort tragique, la ruine morale et fonctionnelle de ce propre système de gouvernement, dont la GIZ estimait en 2011, dans une étude dévastatrice, qu’elle coûte annuellement à l’Etat autour de 40 pour cent du total des ressources publiques, mises à disposition pour la développement du pays.

Le naufrage généralisé de la préfectorale devant la question des indemnisations sonne ainsi comme un miroir irréfutable pour le naufrage de cette puissance publique qui ne semble plus assurer que l’accaparement du bien collectif, à destination des plus forts.