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Opinions of Lundi, 22 Novembre 2021

Auteur: Augustin Roger MOMOKANA

Indépendance financière:' comprendre le pouvoir de la tontine chez les bamilékés'

Le peuple Bamiléké Le peuple Bamiléké

La tontine du café. La tontine du haricot. La tontine du jour du marché. La tontine quotidienne. La tontine pour envoyer les enfants à l’étranger. La tontine pour équiper la maison. La tontine pour acquérir un logement. La tontine pour créer une entreprise. La tontine du mariage. Tout peut être prétexte pour mettre sur pied une tontine.


En fait c’est quoi la tontine ?

La tontine est une organisation communautaire d’épargnants qui a pour objet d’aider ses membres à atteindre des objectifs individuels préalablement arrêtés et uniquement réalisable grâce à la participation de chaque même de la communauté. Le cycle d’une tontine dépend du nombre d’adhérents et du calendrier de cotisations. La tontine du café est annuelle.

« Les tontines ont fait du secteur privé camerounais, celui des commerçants des produits importés, et du Cameroun un grand centre commercial ou mall des productions étrangères. Les conséquences économiquement désastreuses étant : la fuite des capitaux, l’épuisement des devises, les déséquilibres permanents de nos balances commerciale et de paiement, la stagnation du PIB, la rareté de l’emploi… »

Christian NTIMBANE BOMO se trompe de chemin en plein jour. Il n’a aucune connaissance réelle de la tontine bamiléké. Lui qui remet en question l’admiration que l’ex-première dame de la Côte d’Ivoire, Simone GBAGBO, a de la tontine bamiléké. La tontine est un puissant instrument de développement. S’il enquête auprès de 10 entreprises camerounaises, il s’en rendra compte.

Ainsi la tontine ne se trouve pas dans les livres, au sein des communautés qui la pratiquent comme une religion. Il doit aller auprès des communautés pour mieux la comprendre : l’esprit de sa constitution, son mode de fonctionnement, son impact social et économique sur ses membres et sur la société en générale. Elle ne remplacera jamais la banque, certes, mais elle a un impact mesurable sur le développement du Cameroun. Les bamilékés ne se réunissent pas pour manger du soya, mais pour réaliser des œuvres utiles à partir du fruit de la sueur de leur front. Avant, il y avait des tontines pour maintenir le lien familial ou sociale. Cette époque-là est révolue car, de nos jours, qui dit tontine parle avant tout de l’épanouissement de ses membres.

Vous ne devez pas parler d’une tontine comme s’il s’agissait d’une banque. Vous vous noierez comme une personne imprudente qui pense qu’en sautant dans un cours d’eau le poids de son corps restera à la surface.

Pour le bamiléké la tontine est avant tout un outil de socialisation, d’intégration. Elle permet d’améliorer le bien-être ses membres ; même si elle a développé un côté investissement ou productif. Elle n’a donc pas comme essence de se substituer à l’Etat et aux banques qui financent le développement d’un pays.

De « nombreuses micro- finance, sont à l’origine des tontines ».

Il a parfaitement raison. Il pouvait même aller plus loin pour dire que la banque est une espèce de tontine ouverte et à grande échelle, c’est-à-dire qui accepte l’argent de tout le monde, sans distinction d’origine ni de tribu, sans se soucier de la race ni du rang social. Contrairement à la tontine qui est une affaire essentiellement communautariste. La communauté dont il est question ici ne signifie pas tribu, mais un groupe constitué en fonction de certaines affinités marquées. Les employés d’une entreprise, les anciens amis d’un établissement scolaire, etc.

Affirmer que les tontines sont « l’une des principales causes de la faiblesse de l’investissement privé productif au Cameroun, sans lequel aucun développement véritable n’est possible », est une erreur d’appréciation qui dénote de la méconnaissance du sujet. Ce qui empêche la tontine, aujourd’hui, de répondre efficacement à l’appel du développement économique du Cameroun, c’est avant tout son caractère essentiellement communautariste. Vous ne pouvez pas faire le procès de la banque traditionnelle aux tontines.

L’argent de la tontine est gardé dans un compte bancaire. Les tontine ne gardent plus de l’argent chez les individus. Cet argent qui est déposé dans les banques tous les lendemains des réunions sert aussi bien aux banques pour les emprunts à la clientèle dans le besoin. La tontine revient à la banque en cas de nécessité. Donc, de nombreux clients de la banque ont accès au crédit parce que les tontines font des versements sur la durée.

Cet argent déposé dans une banque y reste pendant toute une année. Parce que les tontines tiennent leur assemblée générale au bout d’une année. C’est à cette occasion que les intérêts des épargnes sont redistribués aux membres. Cet argent que les gens ont épargné n’est pour aller au restaurant ni à paris. Il est soit pour soutenir la scolarité des enfants, soit pour payer des études aux enfants, soit pour investir dans l’acquisition d’un bien quelconque, soit pour prendre une épouse.

S’agissant de l’acquisition d’un bien, nous pouvons dire qu’en fonction de la capacité financière d’un groupe, une tontine peut investir dans un projet industriel, elle peut investir dans l’immobilier, elle peut investir dans l’enseignement, elle peut investir dans une entreprise de services.

Je vous prends le cas d’une tontine. Elle compte 15 membres. Les quinze membres se réunissent tous les premiers lundi du mois. Ils ont baptisé leur association BOMO 15. Lors de chaque séance, le membre doit déposer sur la table : la cotisation mensuelle dont le montant est de 100 000 FCFA, la banque dont le montant est volontaire, mais ne peut se situer en déca de 25000 FCFA, le rafraichissement arrêté à 3000 FCFA. Ne parlons pas de l’assurance parce que tous ont déjà versé leur assurance qui est déposée à la BCS BANK. Chaque membre s’est assuré à 100 000 FCFA à titre de sécurité sociale.

Au sortir de chaque séance, le membre bénéficiaire empoche 1 500 000 FCFA. S’il s’est endetté, on retranche sa dette avant de lui verser son argent. Avec cet argent il va réaliser le projet qui lui tient à cœur.

Si par contre ces gens se sont réunis dans le but de mobiliser les moyens nécessaires pour ouvrir une entreprise dont le capital oscille entre 14 et 20 000 000 FCFA, il leur faudra une seule année pour réaliser leur rêve. Sans solliciter les banques qui sont trop réticentes quant à financer les projets dont elles n’ont pas une garantie certaine. Non seulement ils contribuent au budget de l’Etat, mais aussi ils participent à la création d’emplois.

Ceci signifie que l’argent versé par chaque tontinard a été déposé dans une banque. Pour l’instant il n’est pas productif au sens de Christian NTIMBANE BOMO. Mais lorsque l’investissement pour lequel la tontine a été mise en place sera sur pied, on ne pourra plus dire qu’il s’agit d’un investissement latent.
Dans tous les cas, on parle d’investissement productif ou latent en connaissance des objectifs de mobilisation des fonds. La tontine qui permet à ses membres d’accéder à un logement décent ou à équiper leur maison n’est pas un investissement perdu. Dans la mesure où elle vise le bien-être.

Qui a donc induit Christian NTIMBANE BOMO en erreur ? L’argent des tontines est remboursé dans une échéance arrêtée par les membres au moment de la formation de leur groupe. Et comme indiquée plus haut, toutes les tontines ne visent pas le même objectif.

Si vous vous parcourez le pays bamiléké, surtout la Menoua, les Bamboutos, le Haut-Nkam, le Moungo et le Noun, vous vous rendrez compte que les grandes concessions ont été construites grâce à la « tontine du café », que certaines familles ont pu envoyer leurs enfants à l’école grâce à la même tontine, que les premières écoles ont été construites grâce aux cotisations des planteurs, etc.