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Opinions of Friday, 5 June 2015

Auteur: Le Jour

Hôpitaux Publics: Les malades pris dans le piège de la greve

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Lenteur décriée dans le service à Yaoundé et Douala. Deux dames du service d’entretien sont assises devant le bâtiment abritant l’axe « Accueil, urgence, réanimation» de l’hôpital Laquintinie de Douala ce mercredi 03 juin 2015. Il est environ 11h30. Elles discutent. A la salle d’accueil, il n’y a personne à la guérite. Le caissier aussi n’est pas en poste. La salle d’attente est pleine à craquer.

Le contrôle pour l’accès aux urgences n’est pas strict comme à l’accoutumée. Un vigile est en poste, mais on se retrouve facilement dans la salle des soins. Ici, trois accidentés sont étalés sur des brancards au sol. D’autres victimes sont dans les chambres.

Un médecin assisté de jeunes infirmiers en stage s’occupe d’une des victimes. Au fond de la salle, un autre patient se tord de douleurs. « Donnez au moins des antalgiques à ce monsieur-là. Il souffre », supplie une infirmière stagiaire à son collègue.

« On lui a déjà fait des injections n’est-ce pas ? », rétorque-t-il. Non, insiste la jeune fille en blouse blanche. Mais rien n’y fait. Le patient qui présente une blessure sur le pied droit devra attendre. Il halète. Trois femmes vêtues de « kaba » sont en pleurs. Un de leurs proches admis aux urgences vient de rendre l’âme. «Il y a une dizaine de patients. Personne ne peut vous répondre actuellement. On est débordé. On n’a pas assez de personnel.

On a réduit au strict minimum. Si les choses trainent, on risque avoir du retard dans les traitements et nous seront obligés de transférer des patients vers d’autres formations hospitalières », prévient un responsable des urgences.

Pour Marie Ngami, le service se fait déjà au ralenti depuis lundi 1er juin, jour du début de la grève du personnel médico-sanitaire. La quinquagénaire indique qu’elle a patienté plus de deux heures pour obtenir les résultats des examens de sa fille de 29 ans.

Les cas urgents

Le reporter a appris que les consultations ne se font plus dans le service « Ophtalmologie» de l’hôpital depuis lundi, à l’ exception des cas urgents. «Les patients qui ne sont pas dans une situation d’urgence, on les renvoie à la maison. S’ils sont fâchés, on les demande d’aller voir à la direction de l’hôpital », confie un médecin.

La dame qui n’arbore pas de blouse blanche ce mercredi sert de guide à l’un de ses proches venu effectuer un scanner. Au service « Echographie», on déplore aussi des lenteurs dans les prestations. « Des femmes enceintes ont patienté plusieurs heures sur place hier (mardi) avant d’être reçues », relève un infirmier qui prend part à la grève entamée depuis lundi 1er juin 2015.

Ce mercredi 03 juin, le personnel médico-sanitaire de Laquintinie a en effet poursuivi la manifestation. Postés non loin du portail à l’intérieur de l’hôpital, ils ont entonné plusieurs fois l’hymne syndicale.Des pancartes étalées à même le sol racontent l’essentiel de leurs revendications qui tournent tout autour des meilleures conditions de travail.

Hôpital du jour

Ambiance lourde aussi à l’hôpital central de Yaoundé ce mercredi 3 juin. Des patients sont assis sur deux longs bancs disposés à l’entrée de l’hôpital du jour, l’unité de prise en charge des personnes vivant avec le Vih/sida. Une cinquantaine d’autres, la mine visiblement triste, attend dans la grande salle d’accueil. Dans son bureau situé un peu plus loin, le seul médecin s’occupe à la consultation.

Pour certains malades, l’attente dure depuis deux jours : « J’ai acheté mon billet depuis lundi, c’est ce mercredi à 11h qu’on m’a reçu. On nous fait acheter les billets de consultation sans nous informer pourquoi il n’y a pas le personnel », se plaint un patient lors d’un échange avec l’un de ses proches au téléphone.

Simplice T, un patient, est lui aussi en colère. Ce quadragénaire, arrivé depuis 5h du matin n’a pas encore rencontré le médecin. Pourtant son rendez-vous se fait une fois par trimestre. Le malade n’est pas au courant de la grève lancée depuis lundi par le personnel de santé de cet hôpital pour exiger de meilleures conditions de vie et de travail.

« J’ai acheté mon billet de consultationau prix de 1600F.Cfa. Il est déjà 11h, je n’ai pas encore été orienté vers un médecin. Chaque fois que je viens ici, ce sont les médecins qui nous conseillent de ne pas rater un seul rendez-vous, parce que ce retard peut avoir un impact négatif sur notre prise en charge. La major nous a dit le matin qu’elle va nous orienter chez un médecin mais nous attendons toujours », déclare Simplice.

Plus de 10.000 personnes vivant avec le Vih/sida sont prises en charge à l’hôpital du Jour. Depuis lundi dernier, les patients ne sont pas servis à temps. Un personnel soignant a reconnu hier que les conséquences de la grève se font ressentir aussi dans ce service: « Les conséquences sont mineures, nous faisons tout pour servir nos malades, mais ils sont seulement nombreux, raison pour laquelle ils doivent patienter », affirme un infirmier travaillant à l’hôpital du jour.

Dans les autres pavillons, les soins sont administrés par les stagiaires, a-t-on appris.

L’ambiance est également triste au niveau du pavillon pasteur, à en croire Ludovic Ondoa, un garde malade qui déclare : « Mon petit frère est hospitalisé la bas depuis le 14 mai dernier. Depuis lundi, ce sont les stagiaires qui s’occupent de lui alors qu’il a une fracture au niveau de la colonne vertébrale. Lorsque nous voulons les services d’un personnel qualifié, nous sommes obligés de sortir de l’argent ».

Lundi dernier, Pierre Joseph Fouda, le directeur de l’hôpital central de Yaoundé a tenté de minimiser la mobilisation des grévistes affirmé : « Notre hôpital dispose environ 700 personnels soignant, il y a juste une vingtaine de personnes qui manifestent dehors, cela ne peut pas avoir un impact », faisait –il entendre.