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Opinions of Friday, 16 December 2022

Auteur: Souleh Onohiolo

Frustrations et colère noire contre Biya: récit des derniers jours de Mendo Zé

Gervais Mendo Zé Gervais Mendo Zé

Les derniers moments de la vie du prof Gervais Mendo Zé ont été douloureux; très douloureux. L'ancien "ami" de Biya tombé en disgrâce a vu quelques uns de ses proches avant de mourir. Avant sa mort, Souleh Onohiolo parle d'un homme brisé et très frustré.


"Même s'il n'est guère bavard, ni ouvertement plaintif sur sa disgrâce, le désaveu ; à travers son visage buriné, le regard fuyant qu'il affiche, l'on peut lire: la grogne silencieuse, les frustrations; le traitement déshumanisé et déshumanisant que lui fait subir le système du Renouveau.

Embastillé dans la maison d'arrêt de Kondengui où il y purge une peine d'emprisonnement ferme depuis près de six ans, la maladie qui le paralyse et le tyrannise voici des longs mois, le tient malgré lui, prisonnier à l'hôpital central de Yaoundé. Hélas.

Amaigri, stressé, angoissé, désaxé et définitivement lâché par son grand-frère (Paul Biya), le Professeur Gervais Mendo ze a le cœur qui balance entre les sentiments de regret, de mélancolie et d'amertume.
Lui, un grand homme d’État ; "l'homme-soldat" du président-lion; lui qui a tout donné pour le triomphe de Paul Biya, peut-il se permettre de renier son frère président; même si celui-ci tolère que s'abattent sur lui divers types de supplices et tortures?

Mendo ze hésite. Il ne semble plus capable de se dédire. Et pourtant il souffre dans sa chair de la trahison et l'indifférence du frère-président. Il y en a qui affirment (parce que le connaissant "homme de parole" et de bonne foi), que Gervais Mendo ze pourrait se donner en holocauste; mourir sans parler, sans-gêne pour Paul Biya. Mais pourquoi autant de mépris, la méprise et l'ingratitude en retour?

Le président Paul Biya serait-il devenu un "monstre" insensible, amnésique et désincarné? Doit-on penser que la mémoire joue des tours à Paul Biya ( presque sourd et aveugle) alors que l'année prochaine, le 06 novembre 2022, on arrêtera le temps pour célébrer ses quatre décennies de chef d'État, Président de la République du Cameroun; un pays dit de multipartisme démocratique mais dont le droit de l'alternance est l'exclusivité, la propriété individuelle d'un même veinard ?

Tous à la moulinette-broyeuse

Par ces temps où la santé du professeur Gervais Mendo ze inquiète, désole et donne à réfléchir, des interrogations prolifèrent sur la fin des trajectoires des hommes d'État au service du Renouveau. Tout se passe comme s'il leur est réservé une destinée commune: la broyeuse, la moulinette, l'inquisition, l'échafaud.

On peut toujours bavarder, ergoter, impressionner, tenter de convaincre sans grande certitude que le Régime du Renouveau de Paul Biya lutte contre la corruption de manière sentencieuse et outrancière. On peut citer en exemple l'opération Épervier comme stratégie de lutte; un instrument pour sévir et neutraliser tous ceux qui par des coups de vol, des détournement, des malversations et les actes délictueux de distractions financières, pillent la fortune publique.

Mais à la vérité, cette opération est suicidaire, de la poudre aux yeux. Au mépris de la loi, par n'importe quel déni de justice bien huilée et macéré, le Régime choisit ses "proies" pour la majorité dociles et résignées qu'il envoie à l'abattoir. Le Cameroun ressemble à une arène spectaculaire où le même pouvoir gouvernant choisit parmi ses dragons qu'il engendre ceux qui le moment venu doivent passer à l'inquisition pour être brûlés sur le feu de l'autodafé.

Déstabilisation et autoflagellation

L'opération de lutte contre la corruption a été dévoyée, fragilisée. L'auto-flagellation a le vent en poupe. Tel un bateau dans la tourmente (qui prend beaucoup d'eau), l'opération de lutte contre la corruption a perdu toute crédibilité. Elle se délite, se discrédite au point d'être réduite à une scène de théâtre où: les moins chanceux , ceux sans défense (devenus inoffensifs pour la majorité) sont identifiés, tourmentés, déstabilisés, désarmés, neutralisés et électrocutés telles des mouches en errance ou en sursis.

Le Renouveau se présente sous une face hideuse qui étale dans toutes ses laideurs, le mélodrame des puissants d'hier qui, une fois défavorisés, en perte de confiance, tombés en disgrâce (à l'avantage d'une poignée des courtisans et privilégiés) sombrent dans le désarroi et la déchéance.

Telle une hydre qui arrive très souvent à se reconstituer, un nouveau réseau parvient à émerger ; pour mieux affiner, raffermir, conforter, contrôler les intérêts de ses membres; à se bâtir un bon positionnement aux affaires avant de devenir à son tour, une cible pour les autres. L'opération Épervier affiche des allures monstrueuses d'une broyeuse qui en plus de renforcer l'autoflagellation; est utilisée comme une purge, un tamis pour désorienter, éliminer, atomiser les éventuels concurrents.

Paul Biya. . . Seul est debout

Les battailles de réseaux, les actes d'anti-jeu, les tacles par derrière, les oraisons macabres, funéraires et apocalyptiques contribuent à sauvegarder, à éterniser le président de la République Paul Biya; seul jusqu'à ici à même de faire le consensus des convergences. Très craint, il a le dernier mot sur le choix de "l'agneau du sacrifice".

La "théâtralisation" de la lutte contre la corruption au lieu de produire, générer des résultats probants, légitime l'accélération des pillages, les gaspillages, les dérapages et le "Viol" sur la fortune publique.
À bien regarder, on assiste plutôt à l'escalade: des détournements des fonds publics, les malversations financières, les actes licencieux de corruption en bandes organisées. L'appel à l'assainissement de la dépense, à la moralisation de la fortune publique reste un leurre; une vue de l'esprit.

De l'art de l'esbroufe au péril collectif

L'autodestruction, les règlements de comptes, les haines, la trahison perpétuelle, la guerre surdimensionnée des egos, les batailles de clochers et la lutte effrénée pour une meilleure occupation des espaces de pouvoir bien aménagés et avantageux sont en passe de devenir la carte d'identité, l'ADN du Renouveau en perte d'assurance.

Le Cameroun présente le visage cosmétique d'une République où se disputent la scène: l'indiscipline, la roublardise, l'imposture et le tribalisme. . . L'antidote et les remèdes de thérapie sont rares. Et même Inexistant.
Une tête coupée, brûlée sur le feu de l'autodafé, foudroyée dans la moulinette-broyeuse ou jetée en prison en fait renaître mille. Et le sang répandu de mille conjurés appréhendés en flagrant délit, ou non rend l'empreinte de management du Renouveau plus maudite et non plus assurée.

Le non-respect, le refus de faire appliquer l'article 66 sur la déclaration des biens, l'accentuation des actes de prise d'intérêts sur la chose de la République; l'enrichissement illégal, illicite et sans cause; les délits d'initié; une constellation de forfaitures managériales impunies discréditent, décrédibilisent et disqualifient le Régime en place fortement ancré dans la corruption, à lutter contre celle-ci.

Être à la fois juge et partie

Le Renouveau n'est pas éligible, ni compétent pour faire son propre procès. Dans le contexte actuel et épidémique de la corruption, c'est une pure distraction pour le Président de la République Paul Biya de penser qu'il est possible d'arrêter la saignée, de tordre le cou à ceux qu'on accuse d'avoir distrait ou pris trop-plein de liberté sur la fortune publique. Les juges et les bourreaux d'aujourd'hui peuvent avoir beau rôle, narguer, moquer, envoyer à la potence les victimes incriminées. Mais au moindre coup de tête du "gourou-sacrificateur" en chef, ils peuvent se retrouver de l'autre côté, déchanter à leur tour, être indexés, affligés, flingués et châtiés.

Après quatre années de banqueroute, de lutte vaine contre la corruption, le Régime du Renouveau de Paul Biya qui certainement a fait sa part dans certaines strates de la République, gagnerait à s'effacer, à passer la main et à laisser la succession faire le "nettoyage".

Vent de liberté ou soins de santé décents

En attendant, il n'y a pas que Gervais Mendo ze qu'il faut gracier; il est souhaitable aussi de libérer cette multitude d'hommes d'État qui comme le professeur, sont incarcérés, détenus dans des conditions inhumaines, vivent dans un état de santé inquiétant et fragile. Gervais Mendo ze, Marafa Hamidou Yaya, Atangana Mebara, Iya Mohamed, Amadou Vamoulké, Emmanuel Gérard Ondo Ndong. . .Faute de mieux, le président Paul Biya peut faire preuve d'humanisme et de l'humanitaire. Il pourrait permettre à Gervais Mendo ze et les autres, d'accéder aux soins de santé décents et dignes.

Ne l'oublions pas. De l'outre-tombe, le fantôme de certains hauts commis de l'État poussés au suicide, fauchés à la vie par la mort en milieu carcéral, continue de hanter la conscience collective: Dieudonné Angoula, Catherine Abena, Boto à Ngon, Henri Engoulou, Jerome Mendouga. . . Rideaux . Bon sang!"