Opinions of Monday, 18 August 2025
Auteur: Moussa Njoya
Nous sommes tous des "Gato international" ou un peuple qui a l’art de vénérer ses bourreaux ! "Gato international" est le nom de scène de ce Camerounais passablement jeune et à la couleur de peau très variable, qui s’essaie avec un talent et un succès très relatifs à faire rire les gens, principalement sur les réseaux sociaux.
Il y a de cela quelques jours, après une sortie médiatique jugée offensante, car évoquant un passé peu ou prou assumé d’une ses "collègues" devenue elle aussi célèbre par la force de cette inculture qui nimbe désormais de toute sa volupté l’espace public camerounais, il a été interpellé par des gendarmes à Douala, et déporté sur Yaoundé (apparemment la déportation des individus est désormais la lubie des nouveaux "riches" au Cameroun), où il aura été gardé à vue durant cinq jours (bien que la loi dispose que la durée de la garde à vue est de 3 jours au maximum).
Alors que de nombreux "blogueurs", "lanceurs d’alerte" et autres "justiciers" de nos temps qui peuplent les réseaux sociaux s’étaient engagés à réclamer sa libération, tant le mobile que la manière semblaient à plus d’un titre illégaux, "Gato international" a surpris l’opinion publique nationale et internationale en multipliant des sorties dans les réseaux sociaux et dans lesquelles il adulait le couple qui était à la source de tous ses déboires. Ce qui n’a pas manqué de provoquer la furie de certains, ahurie par un tel manque de dignité.
Mais à y regarder, et même pas de près, l’on peut aisément constater que nous sommes tous des "Gato international", un peuple si porté à vénérer ceux qui leur ont pourtant fait tant de mal !
« Merci à la Camwater pour les citernes d’eau »
La semaine dernière a été marquée par une de ces scènes des plus affligeantes dont seul le Cameroun a désormais le secret : la distribution par la Camwater de véhicules citernes devant distribuer de l’eau dans les quartiers de certaines capitales régionales, notamment du septentrion. Nous sommes là en 2025, au Cameroun, pays dont la quasi-totalité des départements portent le nom d’au moins un cours d’eau, et qui a l’une des hydrographie et pluviométrie les plus importantes du monde !
Alors que ce type de « distribution », qui vient ainsi confirmer et sceller toute l’incapacité de cette société publique à remplir ses missions les plus fondamentales, à savoir fournir de l’eau dans les villes et villages de l’ensemble du territoire national, l’on a plutôt eu droit à des cérémonies de psalmodiassions où les populations jusqu’aux gouverneurs de régions se sont littéralement agenouillés pour remercier les responsables incompétents pour cette action qui illustrait pourtant à merveille tous leurs manquements, là où les citoyens de tout autre pays les auraient plutôt lapidé et pris en chasse !
« Merci de m’avoir permis d’être candidat ! »
Et comment les citoyens camerounais sauraient se comporter autrement alors que ceux qui sont censés être les opposants au système gouvernant sont si prompts eux-aussi à se coucher pour remercier les gouvernants pour ce à quoi ils ont pourtant droit.
C’est ainsi que la cérémonie de proclamation des candidats retenus pour la prochaine élection présidentielle nous a encore offert une de ces scènes où la tragédie se disputait la bouffonnerie la plus ubuesque : des responsables de partis politiques qui jubilaient, se prosternaient, pour remercier le conseil électoral d’Elecam de les avoir admis sur la liste des « élus » !
Alors que dans tout pays, même pas normal, mais qui remplit juste les caractéristiques de base pour être appelé État, la participation à une élection présidentielle pour un parti minimalement constitué est un allant de soi. Mais au Cameroun, pays où la candidature indépendante est plus qu’une vue de l’esprit et le code électoral une véritable chimère, les soi-disant opposants en sont réduits à aduler un organe électoral à l’indépendance quasi-inexistante, et dont les actes sont très loin d’être des plus incontestables.
Que dire du conseil constitutionnel qui nous a pourtant gratifié des décisions des plus iniques, mais au sortir duquel on a vu un avocat, qui plus est vice -président d’un parti d’opposition, littéralement en transe, pour avoir échappé à toute l’incurie de cette institution dont le minimum syndical est pourtant de dire le droit en matière électoral. Ce comportement traduisant et trahissant le fait que nous sommes tous conscients du fait que le conseil constitutionnel fait tout, sauf dire le droit.
Mais au lieu que nos « proposants », comme un seul homme, se lèvent pour qu’enfin adviennent des institutions à même d’organiser des élections libres, transparentes et crédibles, ils sont plutôt si contents d’avoir pu tirer leur épingle du jeu, au détriment de leurs adversaires …. opposants !
« Merci de m’avoir restitué mon salaire que vous avez illégalement confisqué ! »
Toujours dans le sillage de cette comi-tragédie électorale, le Cameroun nous a, une fois de plus, donné à voir un de ces spécimens de « candidat » dont il a souvent le secret : Bessiping Léopold, président d’un de ces innombrables partis politiques obscurs dont les propriétaires se baladent avec le « siège » dans leurs cartables.
Au sortir d’Elecam où il venait de déposer son « dossier » de candidature, dont la composition se réduisait à peu près en une simple « demande » mal libellée, il avait surpris l’opinion publique en avouant qu’il n’avait pas joint la quittance de cautionnement, car il ne pouvait pas ajouter l’argent sur … l’argent !
La faute aux ministères de la fonction publique et des finances dont les responsables avaient indument et illégalement décidé de suspendre sa solde, comme ils le font souvent quand l’envie et le plaisir les prennent !
Mais au lieu que cette situation provoque l’émoi généralisé, et donne lieu pourquoi pas à des manifestations publiques, tellement ce type d’injustice est plus que récurent, nous en avons plutôt tous rit. Chacun y allant de sa parodie et de sa moquerie.
Il aura fallu toute la témérité de notre « candidat » qui a porté sa cause jusqu’au conseil constitutionnel, pour que quelques « héros » sortent de l’ombre pour l’aider à résoudre son « cas », sans oublier au passage de le brandir comme un de ces trophées de chasse de notre vilenie institutionnelle.
Et notre « type » n’y est pas aussi allé de mains mortes dès qu’il a entrevu la « terre promise » de son « rappel » : il s’est tout aussi réjoui de voir enfin sa situation s’être résolue !
Pour tous ceux qui se seraient attendus à ce qu’il profitât de sa « tribune » pour plaider également le sort de tous ses semblables qui sont également victimes de ce « sortilège administratif », repassez plus tard ! Bessiping Léopold est désormais occupé à vivre « la vie du poulet » dans les snacks bars de Douala, Yaoundé et Bandjoun, d’où il est régulièrement filmé en charmante compagnie, ayant au passage changé sa tenue de combat fétiche. Ne manquant pas une seule occasion pour remercier ceux qui avaient pourtant injustement son modique salaire !
« We thank the hate of state ! »
Kobo est le nom de scène d’un artiste camerounais, l’un de ces génies surgi des entrailles douloureuses de la crise anglophone, et qui nous a gratifié il y a environ quatre ans d’un opus des plus géniaux, « boyses and girlses », inspiré tout droit de l’une de ces « fulgurances » de la langue anglaise que nous avait servi Paul Atanga Nji lors de sa descente sur le terrain suite à l’assassinat en 2020 des élèves à Kumba, ville qu’il avait par ailleurs réussit la prouesse de situer dans le département du Fako, tout ministre de l’Administration territoriale qu’il est !
Bref, ce qu’il y a de plus intéressant dans cette chanson de Kobo, c’est sa manière ludique et quelque peu cynique de décrire l’obséquiosité avec laquelle les Camerounais remercient au quotidien l’État pour toute la haine qu’il lui sert.
Car comment qualifier autrement le comportement des gouvernants camerounais, en dehors de la haine, lorsque ceux-ci prennent un malin plaisir à nous priver des services et prestations des plus basiques, et pour lesquels ils sont pourtant si grassement payés ! Éprouvant une véritable extase face aux souffrances du peuple !
Et ce n’est pas de leur faute, c’est de la nôtre ! Nous qui, au lieu de les chasser, nous plaisons à les aduler pour tous les « sévices rendus » !
Car comme qui dirait, « le Cameroun c’est le Cameroun », comme pour dire un pays caractérisé par le refus de ses citoyens à accéder au minimum de bien-être universellement acquis partout ailleurs !