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Opinions of Mercredi, 23 Septembre 2015

Auteur: Haman Mana

Doit-on avoir peur de la Garde présidentielle ?

L’histoire, la géographie, la politique et la géopolitique le démontrent : les gardes individuelles sont des facteurs de déstabilisation.

Quelle que soit l’issue de l’aventure tentée par le millier de soldats, officiers et sous-officiers du Régiment de Sécurité présidentielle du Burkina Faso, l’existence même de ces « armées dans l’armée » qui est observable sous des conditions particulières ici et là, interroge.

Ces groupes d’hommes en armes au service de la protection d’un souverain ont pour nom des armées prétoriennes. Dans la Rome antique, c’est ainsi que l’on désignait les unités dédiées à la protection de l’empereur. La première caractéristique d’une garde prétorienne, c’est qu’elle est toujours au service d’un homme qui tient et entretient son pouvoir par la force. Cela s’appelle un dictateur…

Ce sont des hommes triés sur le volet, souvent pour leur compétence, toujours pour leur fidélité ou filiation au souverain qui a besoin de protection. On suppose que c’est un homme qui est prêt à donner sa vie pour protéger celui qui en retour lui concède des avantages importants. C’est ici qu’apparaîtra le côté « mercenaire » de cet homme qui est surpayé et choyé pour se battre. Et c’est là qu’il y a problème, car tous les spécialistes vous le diront : une troupe embourgeoisée ne sait plus se battre, ou alors, se bat uniquement pour sauvegarder ses privilèges.

Jamais pour préserver la vie de l’individu qu’ils sont payés pour protéger. La seconde caractéristique d’une garde prétorienne, c’est qu’elle joue essentiellement sur l’intimidation par sa capacité supposée. On les dit toutes « surarmées », « surentraînées » et on en passe certainement.

L’effet simple à obtenir correspond à la dissuasion, élément stratégique, s’il en est. Faut-il aller regarder dans l’histoire récente pour illustrer ce que nous venons de dire ? Allons-y : lors de la fuite de Mobutu au Zaïre, devant la poussée des rebelles de Kabila, que fit la « redoutable » « Division présidentielle » ?

Eh bien, elle entra en débandade et chacun utilisa son arme pour se frayer un chemin ; pire, certains éléments de la division retournèrent en dernière minute à Gbadolite leurs armes contre Mobutu dont l’avion décolla sous leur feu. Faut-il évoquer ici les « amazones » de Khaddafi ? Ce sera juste pour dire jusqu’où le ridicule dans le genre a été atteint ; ou alors suivre le regard de Annick Cojean, journaliste au Monde, qui dans son livre « Les Proies », suggérait à quoi servaient les gardes rapprochées du « Guide ».

Parlons de la Garde présidentielle de Saddam Hussein qui, à la veille de la première guerre du Golfe (1991) était présentée comme l’une des troupes les plus féroces au combat, juste pour l’anecdote… Au Cameroun aussi, nous avons notre Garde Présidentielle, née sur les cendres de l’ancienne Garde Républicaine des années Ahidjo.

Le plus grand attentat contre les institutions républicaines de Cameroun a été fait le 6 Avril 1984 par cette Garde Républicaine, dans un mouvement dicté une fois de plus par la protection des intérêts de ses membres et de leur communauté. Tout le monde le sait désormais, les forces de défense du Cameroun n’ont dû leur équipement et leur capacité d’action actuelle qu’en réaction à la menace Boko Haram.

Autrement dit, s’il n’y avait pas eu celle-ci, notre armée serait restée en sous équipement, face, eh oui, face à la Garde présidentielle. En effet, les concepteurs de ces systèmes arment et équipent la « garde » en vue d’une menace qui en fait n’est autre que l’armée régulière…Ceux qui y voient un paradoxe n’ont qu’à aller se frotter les yeux, pour mieux voir et comprendre ce qu’est cette absurdité d’une troupe qui est préparée pour combattre ses « frères ».

Au cours de son existence d’ailleurs, en dehors de ses déploiements spectaculaires lors des sorties du chef de l’Etat, on a vu la « GP » à l’oeuvre, une première fois en 91, lors de la marche de la Coordination des partis d’opposition pour l’obtention d’une Conférence nationale souveraine. Les Ndam Njoya, Fru Ndi et autres, Dika Akwa Nya Bonambela furent stoppés par les blindés du colonel Titus Ebogo, dès le Rond-point de la préfecture à Nlongkak. Ils voulaient marcher sur Etoudi.

L’autre fois, c’était en Février 2008, au cours des émeutes dites de la faim. Ils se déployèrent autour du palais, laissant sans doute le « sale boulot » aux autres unités. Retournons au Faso, pour emprunter à Sankara un de ses puissants mots : « un militaire sans éducation politique est un criminel en puissance », disait le jeune capitaine qui sera emporté par sa révolution qui n’en finit pas…

Les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets : les Camerounais, au vu des agissements d’une structure similaire, ont le droit de s’interroger sur le sort qui pourra être le leur demain, si un jour, les valeurs républicaines sont en jeu, contre des intérêts d’un clan.