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Opinions of Monday, 13 June 2022

Auteur: www.camerounweb.com

Discours de Samuel Eto'o: les conséquences à court terme, selon Nadia Fotso

Samuel Eto'o s'adressant aux joueurs Samuel Eto'o s'adressant aux joueurs

Dans une tribune de ses récentes tribunes que la rédaction de CamerounWeb vous propose, Christelle Nadia Fotso se demande si les joueurs de la sélection nationale du Cameroun voudront encore écouter Samuel Eto'o dans quelques mois, après le discours arrogant que ce dernier leur a servi il y a quelques jours.


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"Comme Aliou Cisse, je pense que le calendrier actuel pénalise avant tout et surtout les équipes nationales africaines de football. Difficile et délicat de préparer une coupe du monde en novembre qui sera suivie en juin par une coupe d’Afrique dont les éliminatoires se passent maintenant.

Cameroun-Burundi était donc un match prévisiblement particulier pour les Lions Indomptables qui sont une équipe en pleine construction avec un entraîneur qui apprend sur le terrain et une fédération dont les batailles internes ne peuvent que s’intensifier.
La diatribe de Samuel Eto’o après ce match n’était guère surprenante. Elle est camerounaise, confirme que les Camerounais sont des adeptes de la pensée magique et n’ont pas réellement d’égards pour la camerounité en elle-même . Ses mots ont été analysés en personnalisant trop sans véritablement poser la seule vraie question : est-ce qu’ils sont efficaces ? Imaginons Roger Milla brutaliser Samuel Eto’o et ses coéquipiers en leur parlant de son époque, des raisons pour lesquelles il n’a pas gagné la coupe du monde en espérant ainsi les galvanisant avant le Mondial...oh wait...

Entendre après un match un président de fédération parler du joueur qu’il fut, s’enorgueillir de faire plus que ce que sa fonction lui demande et enfin brutaliser toute une équipe devant son entraîneur en laissant ses propos être filmés puis diffusés peut-il produire des résultats plus rapidement que des changements récents qui doivent devenir la norme justement pour cesser de compter sur du miraculeux comme à Blida ? Contrairement à trop de Wandafulkistanais, je refuse de croire que les Camerounais ne sont que des bêtes de somme, des nègres qui ne fonctionnent qu’à la chicote et à la menace du njitapage. Leur plus grand problème est tout ce qu’ ils embrassent et cette inculture effarante qu’ils ont trop souvent par coquetterie.

De mon point de vue, le plus grand sportif camerounais est Yannick Noah et j’écoutais une de ses interviews dans laquelle il affirmait que pour se faire bien entendre, il faut parler doucement... Je me souviens surtout de Noah, capitaine de Coupe Davis, la dernière fois qui clamait avec passion et conviction à ses joueurs après leur élimination en demi-finale pour les motiver pour l’année suivante qu’il n’y avait pas de Roger Federer parmi eux et qu’ils étaient tous des Nadal donc condamnés à travailler pour réussir. C’est cela que j’ai toujours admiré en Noah, sa concentration sur l’effort, le travail conscient qu’il n’y a pas de magie, que la régularité est essentielle, sa capacité à se mettre au niveau des autres pour communiquer avec eux sans prendre toute la lumière. Maintenant qu’il vit au Cameroun, je ne comprends pas comment Yannick Noah n’est au moins Ambassadeur des Lions Indomptables alors qu’il a tant à leur apporter.

Voir Samuel Eto’o qui n’a même pas encore fait une année à la tête de la fédération tenir des propos brutalistes à des joueurs qu’il peut écraser parce qu’aucun n’a son talent, son palmarès ou peut-être son argent est une parfaite illustration de ce qui ne va pas au Cameroun. Dans ce pays qu’il clame trop fort aimer à mourir, tout est question de force et les faibles ne sont rien. Il y a cette présomption nuisible qu’on peut écraser, posséder, tout se permettre avec ceux qu’on « gère ». Il semble ne jamais venir à l’esprit de Samuel Eto’o qu’en essayant de donner aux joueurs tout ce dont ils ont besoin, ce qu’il n’a pas eu pour gagner pour user de son langage, il fait tout simplement son j.o.b et que ceux qu’il brutalise ont certes des devoirs pas envers lui mais envers leur pays mais ont aussi des droits dont celui d’être respectés bien qu’ils n’ont pas son palmarès et son statut.

L’obligation la plus élémentaire d’un président est de servir sa fédération et de pourvoir à tous les besoins de l’équipe nationale. Tous les présidents des fédérations des équipes qui joueront le prochain Mondial le font ; en dépit de leur travail et de leur passion, il n’y en aura qu’un qui pourra célébrer une victoire finale au Qatar. Des présidents de fédération qui font le job avec la même hardiesse que Samuel Eto’o depuis plus longtemps devront assumer des échecs cuisants sans en faire un drame personnel ou national. Ce problème très camerounais d’irréalisme, ce refus de travailler dans la durée en acceptant enfin l’importance d’être constant. Cette confusion que font les surdoués et qui a piégé Fotso Victor : sentimentaliser et personnaliser lorsqu’il était question de leur village et de leur pays pour ne finir que par croire qu’aux beaux geste et au pouvoir du matériel ne pouvant miser sur l’efficace parce que c’est tellement plus difficile et parfois insupportable. Ah, cette impossibilité d’accepter qu’on ne construit ni une fédération ni un pays de haut en bas en portant, avec un courage et un égo surdimensionnés TOUT ou TROP... Jésus préfère être crucifié pour sauver le monde parce qu’il est plus aisé de mourir et de retourner au ciel que d’y rester pour construire la terre des hommes en travaillant avec eux. Il y a une humilité constante et essentielle que doivent avoir ceux qui ont grandement réussi lorsqu’ils choisissent de se mettre au service de l’ensemble. C’est elle qui permet le réalisme et le pragmatisme indispensables pour se faire entendre et faire des ambitions qu’on a pour son pays des passions et des aventures collectives. Yannick Noah se mettant au niveau de ses pairs non pas pour leur exprimer exalté ses états d’âme mais cette envie sincère qu’il a de les voir gagner pour eux-mêmes, leurs familles, et leur pays.

Rigobert Song aurait pu avoir une diatribe vive après le match et parler à ses joueurs de lui non seulement parce qu’il est l’entraîneur mais parce qu’il a été un joueur qui sans avoir le talent d’Eto’o a réussi en ne comptant que sur son travail et sur sa détermination. Song aurait été efficace parce qu’il sait se mettre au niveau des autres et de ses joueurs.

En écoutant très rapidement la diatribe de Samuel Eto’o, je me suis demandée s’il sera encore entendable dans quelques mois. Que dira-t-il avant et après chaque match du Mondial ? Que dira-t-il avant celui contre le Brésil et surtout après si comme en 1994 et en 2014, le Cameroun perd lourdement ? L’équipe aura-t-elle vraiment encore envie de l’écouter et voudra-t-elle, en plus de jouer pour le Cameroun, tout donner pour quelqu’un qui fait de tout une affaire personnelle sans savoir/pouvoir se mettre en retrait. Qu’on l’apprécie ou pas, ce qu’il faut souhaiter à Samuel Eto’o est de durer à la tête de sa fédération pour assumer pleinement et longuement le poids de ses ambitions en finissant pour les accomplir par adopter la méthode Yannick Noah : parler doucement, construire en cessant d’être accro autant aux coups de sang que d’éclat qui lui font croire que les lions indomptables et le Cameroun, c’est lui.

Samuel Eto’o, votre pays n’a pas besoin que vous mouriez pour lui. Ce serait une mort sotte, vaine et de trop.. Sur votre lit de mort, il y a des choses auxquelles vous ne penserez plus ; vos regrets ou vos remords auront tout à voir non pas avec les erreurs et les ratés mais le gâchis, ce qui était faisable mais ne semblait pas suffisamment glamour ou titillait votre égo. La meilleure manière pour vous de ne pas être njitapé lorsque vous serez âgé, seul, nu et impuissant est de travailler certes pour le Cameroun mais de vivre et d’être prêt à mourir pour votre épouse et tous vos enfants. C’est dans leur regard, en leur présence ou leur absence que vous saurez lorsque sonnera le glas ce qui restera de vous.

Lorsqu’on meurt njitapé, seul, extorqué, dans une modeste chambre de l’Hôpital Américain de Paris, on réalise qu’on a beaucoup gueulé, grondé, brutalisé mais qu’on n’a jamais certainement été entendu et probablement même réellement aimé ou juste respecté".