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Opinions of Lundi, 16 Octobre 2017

Auteur: Boris Bertolt

Depuis sa cellule Atangana Mebara tacle sévèrement Paul Biya

Ne laissons pas nos sentiments l’emporter sur notre raison - Atangana Mebara Ne laissons pas nos sentiments l’emporter sur notre raison - Atangana Mebara

Depuis bientôt un an, les régions anglophones du Cameroun sont perturbées. De mon exil carcéral, j’ai pu suivre l’évolution de ce qu’on appelle maintenant la crise anglophone. Ici, j’ai même eu le privilège de recevoir, à leur demande, quelques leaders du mouvement anglophone, venus, par la force des choses, me rejoindre en prison pour quelques mois pour certains d’entre eux. Nos longs échanges m’ont donné l’occasion de me faire une meilleure opinion personnelle sur leurs revendications.

A l’issue de ces échanges, j’ai acquis la conviction que cette crise n’aurait jamais dû atteindre les niveaux enregistrés, si elle avait été gérée autrement. L’évolution enregistrée ces derniers jours dans les régions anglophones, et certains propos, entendus de la part de quelques élites coutumières et citoyens francophones, notamment dans le département du Mfoundi, ne peut laisser indifférents les citoyens et patriotes de ce pays. Malgré mon incarcération, je me considère comme citoyen et patriote. Du reste, aucune décision de justice ne m’interdit de continuer à m’intéresser aux affaires de mon pays et, surtout, d’apporter, avec humilité, ma contribution à certains débats importants.

La crise anglophone, à son stade actuel, ne peut plus être l’affaire du seul gouvernement ou du seul Président BIYA, bien que sa responsabilité constitutionnelle soit engagée, pour avoir prêté serment de défendre et de préserver l’intégrité territoriale du Cameroun.

Aussi, chaque Camerounais et tous ceux qui aiment ce pays devraient se sentir interpellés. A travers le présent article, je prends le risque de participer à un débat qui se complexifie, jour après jour, sur la crise anglophone.

Auparavant, je voudrais redire tout mon attachement et ma loyauté à cette Nation, telle que l’on rêvée ceux qui ont décidé, il y a quelques décennies, librement, de constituer une Nation bilingue, avec une entité anglophone et une francophone. Je veux aussi partager mon désir, demain, au sortir de cette prison et si Dieu le veut, de pouvoir emmener mes enfants visiter ces localités que j’ai eu le privilège d’apprécier : Bamenda, Buéa, Mamfé, Bachuo-Akagbe, Kumba, Kumbo, Mbengwi, Limbe, Bali-Nyonga, Bakingili, Idenau ; et ce, sans avoir à demander de visa, sans crainte aucune, et avec le sentiment que nous pouvons y rester, autant que nous le voulons, dans la paix et la quiétude. Ma modeste contribution consiste d’abord en certaines interrogations. Celles-ci seront suivies de quelques idées pour la poursuite du débat.

Je prends au préalable la précaution de dire que dans ma situation, je ne dispose pas de tous les éléments d’information pour une analyse approfondie et détaillée. J’implore l’indulgence du lecteur pour cela.

1-Les termes du problème

Qu’entend-on depuis quelques années?

En parcourant ou suivant certains medias camerounais, j’ai entendu certains compatriotes, francophones pour la plupart, affirmer et soutenir qu’il n’y a pas de problème anglophone ; certains ajoutant, comme argumentaire, que les frères et sœurs Anglophones souffrent des mêmes problèmes que les citoyens des autres régions du Cameroun. .

J’ai aussi entendu un haut responsable anglophone du nord-ouest dire que les anglophones n’ont aucun problème.

Il y a aussi ceux qui, dans les services d’information de l’Eta et dans les cercles de quelques élites anglophones, soutiennent que les militants de la sécession sont minoritaires dans les régions anglophones. Je n’en suis pas aussi sûr. Cependant, même si tel était le cas, ne serait-il pas judicieux et opportun de régler rapidement (et pacifiquement) la crise en cours, pour éviter que bientôt les « sécessionnistes » deviennent majoritaires dans ces régions ?

Mais j’ai été aussi frappés d’entendre d’autres compatriotes francophones affirmer qu’ils soutiennent totalement le mouvement anglophone, parce que, selon eux, ce mouvement peut être le prélude au Grand Soir, le soir du « bouleversement soudain et radical de l’ordre existant »…Heureusement que ce soutien ne se manifeste que par la pensée, la parole et, pour certains par la prière. La question qui vient à l’esprit à l’adresse de ces concitoyens est la suivante : pourquoi les francophones sont fatigués du régime du Président BIYA, pourquoi ne s’organisent-ils pas entre eux, dans le cadre des lois de la République ? Pourquoi essaient-ils de se dissimuler derrière les frères anglophones pour atteindre leurs objectifs politiques ?

Quelque soit ce que les uns et les autres pouvons penser du Président BIYA, de son régime et de son règne, pouvons-nous réellement prendre le risque de déconstruire ce pays que nos parents et nous-mêmes construisons depuis de nombreuses années, avec ses réussites et ses insuccès, juste pour un homme ?

Rien, à mon sens, ne peut justifier quelque action pouvant conduire à briser l’unité de la Nation...
Le Cameroun, tel qu’il se présente aujourd’hui, est le fruit du travail de plusieurs générations et cultures ; et en tant que tel, il n’est l’héritage de personne. Ce pays n’appartient à aucun individu en particulier, pas même au Président BIYA. Il est le bien commun à tous les Camerounais, nés Camerounais ou devenus Camerounais par naturalisation.

Ne laissons pas nos sentiments l’emporter sur notre raison.

Qu’entend-on de nos frères et sœurs anglophone?

Nos frères et sœurs Anglophones, dans une grande majorité, expriment un mal-être dans la République telle qu'elle fonctionne. On les a vus, ces hommes et ces femmes, dans les artères de plusieurs villes du Nord-ouest et du Sud-ouest, des jeunes et moins jeunes, crier leur détresse et leur désillusions, dénoncer le traitement qui est réservé à leur groupe par l’Etat et ses serviteurs. Dans leur majorité, ils disent « nous souffrons dans cette République». Certains disent même ne plus vouloir faire partie de cette République. Nous avons vu les victimes des violences, certains tués par des balles. Au vu tout cela, comment certains peuvent-ils continuer à soutenir qu’il n’y a pas de problème anglophone ?

Lorsque les frères et sœurs anglophones se demandent pourquoi aucun d’entre eux n’a jamais occupé certaines fonctions dans l’appareil de l’Etat, les francophones peuvent-ils en dire autant? Les fonctions comme Secrétaire général de la Présidence, Ministre de la Défense, Ministre de l’Economie et/ou des Finances, Ministre de l’Administration Territoriale, Ministre du Plan, Ministre de la fonction publique et de la Réforme Administrative, Ministre des Relations Extérieures, Secrétaire d’Etat à la Défense chargé de la Gendarmerie, Délégué Général à la Sureté Nationale ; peut-on dire que c’est un problème commun aux francophones et aux anglophones?

A ces fonctions, il faut ajouter, sans être exhaustif, la direction des sociétés et organismes publics et para-publics comme la SNH, la SONARA, la CNPS, la CRTV, CAMTEL, le PORT AUTONOME DE DOUALA, le DIRECTEUR NATIONAL de la BEAC.

Qui peut sérieusement blâmer nos frères anglophones lorsqu’ils demandent, même bruyamment, par quelle étrange et funeste prédestination eux et leurs enfants ne peuvent, au mieux, qu’être seconds dans ce pays, alors que parfois, ils ont les mêmes compétences, voire des qualifications meilleures, que les francophones qui occupent ces fonctions?

Qui peut expliquer pourquoi, dans les régions francophones surtout, (mais aussi dans certains localités anglophones) de notre pays, les écriteaux devant les édifices et services publics, sont rédigés en une seule langue ? Et pour quoi, lorsque les inscriptions sont dans les deux langues officielles, celles en français sont en caractères plus gros que les inscriptions en anglais? Existe-t-il une loi ou une directive gouvernementale allant dans ce sens ?

Lorsque nos compatriotes anglophones disent que les fonctionnaires qui sont affectés dans leurs deux régions obligent les citoyens anglophones à parler français, qui peut dire que ce n’est pas vrai ? Peut-on dire que les fonctionnaires anglophones obligent les citoyens, en zones francophones, à leur parler en anglais?

Ma dernière question est celle-ci, évidemment théorique : quelles auraient été les analyses et les opinions des uns et des autres, si les statuts étaient inversés? Si les francophones avaient été minoritaires dans ce pays, et les Anglophones majoritaires ? Comment les minoritaires Francophones auraient vécu la discrimination devant certaines fonctions de l’Etat ? Ne revendiqueraient-ils pas, à tout le moins qu’on leur explique pourquoi ils sont traités ainsi?

On ne peut pas oublier tout ce que nous avons bâti ensemble, les frères et sœurs anglophones et francophones depuis 1961. Je me permets juste de rappeler qu'au début des années 1990, ce sont nos compatriotes anglophones, notamment M. FRU NDI et les jeunes qui l’entouraient à l’époque, qui ont fait avancer la démocratie au Cameroun, parfois en sacrifiant leurs vies.

Je suis conscient qu’avoir rappelé certains faits et posé les questions qui précèdent peut me valoir une fatwa de la part d’une partie de la bien-pensance gouvernementale. Qu’importe ! Se battre pour la préservation de l’Unité du pays, dans l’harmonie des cœurs, mérite bien d’autres sacrifices !

2- Quelques idées pour le débat

Tout d’abord, j’ai le sentiment que les compatriotes francophones doivent, avant tout, en toute humilité, accepter que les régions anglophones ont des problèmes spécifiques, parce que, comparés aux régions francophones, elles ont leur spécificité.

Comme le disait justement Achille MBEMBE, en début d’année 2017, « reconnaitre (qu’il y a) une spécificité de la question anglophone… est un préalable au dénouement du conflit en train de se mettre en place » (27 janvier 2017 Facebook).

Il faut bien se rappeler que les populations des régions anglophones du pays ont, pendant de nombreuses années, de 1919 À 1961, soit environ 50 ans, ont vécu sous le système de l’ « indirect rule », où avec leurs autorités coutumières, elles géraient les affaires de leur localité sans attendre que les ordres viennent de la capitale. Ils n’ont pas subi la colonisation française qui a développé, dans la partie francophone, cette culture de la soumission quasi-religieuse, à la moindre autorité de l’Etat (au prétexte que tout pouvoir vient de Dieu). Nos compatriotes anglophones peuvent donc être plus mal à l’aise que les francophones dans cet Etat au fonctionnement de plus en plus centralisé, là où les francophones peuvent être tolérants, sinon carrément heureux.

Reconnaître cette spécificité ne veut pas dire que je ne méconnais pas les problèmes de gouvernance qui affectent les autres régions du pays et qui impactent négativement sur la vie de nos concitoyens.

La deuxième idée que je soumets au débat, concerne le dialogue auquel le Président BIYA et de nombreux autres Camerounais veulent maintenant voir les protagonistes s’engager.

Je veux d’abord apporter mon soutien à tous ceux qui, anglophones ou francophones ont prôné ce dialogue.

Maintenant que chaque partie a montré sa détermination et ses capacités, à faire mal, parfois, malheureusement avec des victimes innocentes, il faut ouvrir la porte à un dialogue véritable. Et je peux dire qu’il y a des compatriotes anglophones qui veulent et attendent cette occasion.
Il y a un proverbe chinois qui dit que « toutes les guerres finissent là où elles auraient dû commencer, autour d’une table ».

Et l’histoire du monde est riche d’exemples de dialogue constructif entre frères ennemis d’hier: on peut citer le cas de l’Irlande du Nord en Europe, ceux de l’Afrique du Sud et de la Côte d’Ivoire en Afrique, et plus récemment celui de la Colombie en Amérique Latine. Tôt ou tard, les Camerounais des deux rives du MOUNGO doivent se parler, dans le cadre d’un dialogue fraternel et sincère, incluant les diverses opinions.

Si les compatriotes francophones veulent en savoir plus sur les plaintes et les revendications de leurs frères et sœurs anglophones, la meilleure opportunité, à mon humble avis, est de leur parler, dans le cadre de ce dialogue.

Je supplie les extrémistes des deux bords de s’abstenir d’hypothéquer ou d’empêcher ce dialogue annoncé et voulu.

Les questions qui se posent alors sont les suivantes : Quel type de dialogue ? Entre qui? Pour parler de quoi? Et quels peuvent en être les résultats anticipés?

Quel type de dialogue?

J’incline à penser que pour que ce dialogue porte des fruits, il doit être sincère et inclusif, regroupant les Camerounais de toutes les régions et de différentes opinions.

S’agissant de sincérité, il peut, de premier abord, paraître difficile de convaincre les leaders et les élites anglophones que le dialogue proposé sera sincère. Parce que, pour beaucoup d’Anglophones, sinon la majorité, depuis, 1961, les politiciens francophones n’ont pas toujours été sincères que ce que pouvaient espérer les Anglophones. A chaque fois, ils ont eu le sentiment qu’on leur avait dissimulé quelque chose. En 1961, les frères et sœurs Anglophones ont accepté de rejoindre la République du Cameroun, avec le désir, sans doute sincère, et le projet politique de constituer une République Fédérale. Douze années plus tard, en 1972, la République Fédérale a été abandonnée au profit de la République Unie du Cameroun, avec un système présidentiel très centralisé.

D’aucuns pourraient arguer de ce que cette évolution est intervenue, « démocratiquement », à la suite d’un referendum national. Cela est vrai, mais il convient de rappeler que lorsque les Anglophones ont accepté de rejoindre la République du Cameroun, les Francophones n’avaient pas été consultés, que seuls les Anglophones avaient participé au referendum organisé par les Nations-Unies.

Douze années après le passage à la République Unie du Cameroun, soit en 1984, cette nouvelle République a été remplacée par la République du Cameroun, matérialisée, entre autres, par la disparition de la deuxième étoile de notre drapeau, à la suite d’une réforme constitutionnelle votée par l’Assemblée Nationale. Certains Anglophones ont ressenti cela comme le retour pur et simple à la République du Cameroun de 1960. Plusieurs compatriotes des régions anglophones disent aujourd’hui qu’en acceptant la Réunification, ce n’était pas pour se dissoudre dans une République du Cameroun où plus rien, même le drapeau national, ne peut plus rappeler la République Fédérale pour laquelle leurs leaders politiques de l’époque avaient accepté de s’unir au Cameroun francophone. Et d’autres arguent, non sans pertinence, de ce que, si les populations anglophones avaient voté, lors du référendum de 1961, pour être rattaché au Nigéria, les deux régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest auraient constitué au moins un des Etats Fédérés du Nigéria. On ne peut pas les empêcher de formuler de telles comparaisons.

La majorité des frères Anglophones, surtout les jeunes générations, ont le sentiment que la Réunification a été un « marché de dupes ».

Les compatriotes Francophones doivent aussi y penser et toujours se rappeler d’où nous venons, si nous voulons vraiment nous engager dans un dialogue sincère.

Avec ce qui s’est passé et ce qui s’est dit ces derniers mois et surtout ces dernières semaines, j’ai peur que la méfiance et même la défiance vis-à-vis des politiciens francophones se soient aggravées. Aussi, j’ai des difficultés à imaginer, maintenant, un dialogue direct entre le gouvernement et les nouveaux leaders Anglophones, ceux qui, dans la rue ou sur les réseaux sociaux, sont désormais considérés comme les porte-parole légitimes des revendications anglophones. Les nouvelles générations anglophones pensent, et parfois disent, que leurs aînés, leurs élites au service de l‘Etat aujourd’hui, parfois à des niveaux élevés, ont abandonné les idéaux de la Réunification, ou même qu’ils ont trahi les populations anglophones, pour leurs seuls intérêts.

Dès lors, il me paraît difficile que le Président de la République choisisse parmi ces élites anglophones décriées, ceux qui pourraient participer au débat annoncé, avec des chances d’être acceptés et écoutés par la majorité des populations anglophones.

La tentation est alors grande de chercher ou de solliciter un Médiateur international.

Cependant, je ne suis pas sûr qu’il soit opportun, maintenant, d’internationaliser le débat entre camerounais. Nos amis et partenaires qui nous ont aidé, il y a plusieurs décennies, ou récemment, et ceux qui veulent nous aider dans le cadre de cette crise, devraient, à mon avis, rester derrière les rideaux ; ils pourraient être plus efficace dans l’ombre. Dans un couple, quand survient une crise, les conjoints ne cherchent-ils pas d’abord à régler le problème entre eux, avant éventuellement de faire appel aux parents et/ou aux amis ? Essayons d’abord, de trouver entre nous, les solutions à cette crise, en toute sincérité et fraternité. Et si nous devions commencer par une médiation internationale, quelle option nous resterait-il si celle-ci venait à échouer? A l’inverse, si un dialogue organisé par les Camerounais eux-mêmes, (avec l’appui discret de nos partenaires, le cas échéant), venait à échouer, nous pourrions alors faire appel à la médiation internationale.

Je me souviens de la fin de l’année 1990, alors qu’ici et là, certains compatriotes organisaient des marches, derrière leurs leaders régionaux ou tribaux, pour dire NON au Multipartisme et à la Démocratie Précipitée, le Président BIYA, dans un discours aux congressistes de son parti politique, le RDPC, a pris les uns et les autres de court, en demandant à ces « camarades de se préparer à la compétition ». Ils étaient ahuris.

Ne peut-on pas imaginer, dans un rêve apaisant, que le même Président BIYA, très bientôt, juste après son retour au Cameroun, prenne de nouveau de court les faucons de son régime, et qu’il prononce un discours à la Nation, ou fasse une déclaration officielle, à Buéa ou à Bamenda, dans lequel il annoncera à ses compatriotes, en anglais :
“I do recognize the specificity of Anglophone Regions; I have therefore decided to set up a national commission of compatriots, that will be charged to propose measures that will concretise and officialise this specificity. Et il ajoutera : “I solemnly reiterate that all Anglophone citizens are fully entitled to benefit of the rights the other citizens of this Nation en joy”

Dans cette perspective, je soumets alors à la réflexion que soit créé un Comité National de Conciliation, composé de citoyens Camerounais libres et crédibles, à l’instar de celui mis en place en 1990, baptisé “Commission des lois et des libertés”.

Il y aurait autant d’Anglophones que de Francophones, hommes et femmes, jeunes et adultes, issus des différents milieux sociaux et professionnels de notre pays, mais la majorité provenant de la société civile : des universitaires, des religieux, des avocats, des médecins, des commerçants, des journalistes, des syndicalistes.

Un tel Comité pourrait être présidé par une personnalité religieuse indépendante comme l’Archevêque de Douala, Monseigneur KLEDA, ou toute autre personnalité d’une autre confession religieuse.

Parmi les participants à un tel Comité, si je pouvais citer quelques noms, je verrais des citoyens comme le Professeur Daniel MUNA, M. David ABOUEM à TCHOYI, Mme Dr ACHA MORFAW Diana, Pr KONTCHOU KOUEMEGNI, Pr AJAGA NJI, Me Alice NKOM, Pr Jean KOUFAN, Dr DZE NGWA, Pr Daniel MUNA, Dr FONTEM NEBA, Me AGBOR-BALLA Mme Margaret TENDO, les Journalistes BOH Herbert et Valentin ZINGA, Dr Carlson AYANGWE, Cheikh Houssaini WAZIRI, Dr Simon MUNZU, le magistrat retraité Toussaint ZIBI NSOE, des Chefs traditionnels comme le Fon FORBUZIE, et d’autres…

Ce Comité pourra entendre tout citoyen, tout expert national qui peut leur paraitre utile à leur mission.

Le Comité disposera d’un délai maximum de trois mois pour déposer son rapport et ses propositions.

De quoi débattront-ils?

Ils débattront de tout ce dont se plaignent nos frères et sœurs Anglophones depuis 1961 jusqu’à ce jour ; et pour chacun des problèmes identifiés, le Comité listera toutes les solutions possibles, celles qui sont praticables.

Dans un courrier récemment adressé à un certain François-Marc MODZOM, Mr Abdelaziz MOUNDE NJIMBAM a soulevé, très brillamment et correctement, les torts et les plaintes soulevés par les Anglophones du Cameroun.
Je ne vois pas de sujet tabou pour ce Comité. Je ne trouve aucune objection à ce que le Comité débatte des options de fédéralisme possible, surtout s’il apparaît que cela pourrait être une solution efficace pour un vivre ensemble plus harmonieux dans notre pays.

Si le Comité estime qu’il y a un problème qui est d’un intérêt pour les autres régions, francophones, le Comité doit formuler des propositions de solutions.

J’entends certaines personnes appeler à une sorte de Conférence Nationale, à l’effet de discuter du malaise global de la Nation, le problème anglophone étant un des éléments de ce malaise. Cela pourrait être une voie à explorer. Mais l’expérience des années 1990 me permet de douter que ce qui a été refusé à la Coordination de l’Opposition en 1990/1991, soit accepté aujourd’hui, par le Président de la République, le même qui avait déjà dit que « la Conférence Nationale est sans objet. ».

Bien plus, ma conviction est qu’il faut éviter l’amalgame lorsqu’on veut résoudre la crise à laquelle le pays fait face. Je veux dire qu’il y a un problème grave, de mal-vivre dans cette Nation, que pose nos concitoyens Anglophones; respectons-les et ne nous fermons pas les yeux et les oreilles ; écoutons-les ; et essayons de leur faire retrouver le désir de poursuivre ensemble notre destin commun, librement, avec entrain, plaisir et joie. Puis, après, nous pourrons, ensemble et plus forts, affronter et essayer de résoudre les problèmes liés à la gouvernance globale de l’Etat.

Quels pourraient être les résultats anticipés?

Le Comité aurait pour mandat de présenter des suggestions consensuelles pour mettre un terme à la crise et pour évoluer vers un Cameroun plus harmonieux entre les communautés anglophones et francophones. Les propositions du Comité peuvent tout aussi bien porter sur les aspects institutionnels qu’administratifs de notre vivre-ensemble. Il m’apparaît clairement, de quelque côté que l’on aborde cette crise, qu’il sera difficile d’éviter de graver, à l’avenir, dans le marbre de la Constitution, la spécificité des régions anglophones de notre pays.

Les membres du Comité devraient particulièrement et profondément y réfléchir. Leurs propositions du Comité devraient préciser celles qui sont à réaliser urgemment dans le court terme, et celles qui devraient être réalisées dans les six prochains mois, avec un chronogramme indicatif précis. Les suggestions et propositions du Comité seraient alors adressées au Président de la République pour transmission au Parlement. Celui-ci pourrait alors être convoqué en session extraordinaire pour adopter les lois qui seraient proposées.

De quelque côté qu’on prenne la chose, il me paraît difficile d’éviter de graver, dans le marbre de la constitution, les mesures matérialisant la spécificité des régions et des populations Anglophones du Cameroun. Les membres du Comité devraient particulièrement, réfléchir de manière approfondie et détaillée sur les mesures et moyens pour atteindre cette idée.

En guise de conclusion, je reconnais que pour que le dialogue envisagé soit efficace, il y a des mesures qui doivent être préalablement prises, en vue de détruire le mur de défiance et de méfiance entre les protagonistes, et pour créer la confiance qui facilitera le débat entre Camerounais.
Parmi ces mesures, il y a, je crois, entre autres, la libération de toutes les personnes arrêtées dans le cadre des évènements de cette crise.

Une autre mesure d’apaisement pourrait consister à remettre en liberté certains citoyens Anglophones, ayant occupé des postes importants dans la gestion du pays, et qui ont été arrêtés puis condamnés dans le cadre de la fameuse opération « Epervier », sans évidence de leur culpabilité. Ils pourraient aussi contribuer positivement à trouver des solutions pour sortir de cette crise.

A ce propos, le Président de la République pourrait trouver bénéfique pour la Nation, de renouveler, fondamentalement, les Elites anglophones servant l’Etat à des niveaux élevés. Et je sais qu’il y a de brillants jeunes Anglophones, aujourd’hui dans l’anonymat des administrations publiques et para-publiques, autant que dans le secteur privé.

Par-dessus tout, parmi les mesures d’apaisement, instructions devraient être données à certains officiels du Gouvernement et ceux du parti au pouvoir, de prendre quelques moments de repos, en tout cas, d’arrêter de jeter de l’huile au feu par des propos provocateurs et menaçants, particulièrement contre ceux qui ne pensent pas comme eux. Le dialogue envisagé a besoin de paix dans les esprits, de part et d’autre