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Opinions of Thursday, 30 July 2015

Auteur: Jean-Bruno Tagne

Défaillances: Le prix du laxisme

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Comment les autorités camerounaises sont rattrapées par leurs propres turpitudes.

La peur règne sur la ville de Maroua. En l’espace d’une semaine, la capitale de la région de l’Extrême-Nord, que l’on croyait jusque-là éloignée du terrain des opérations de la secte islamiste Boko Haram, a subi deux attaques kamikazes. De source officielle, ces agressions ont fait 34 morts et de nombreux civils estropiés.

Prises de panique, les autorités administratives ont décrété un certain nombre de mesures dont le but est d’éviter de nouveaux bains de sang aussi bien dans la région de l’Extrême-Nord que dans d’autres régions du Cameroun.

Parmi ces mesures, on note l’exigence pour les propriétaires de motos d’en avoir les papiers, l’interdiction des surcharges sur les engins à deux roues, l’interdiction du commerce ambulant et de la mendicité, etc. « Nous avons instruit aux bailleurs de déclarer leurs locataires, les djaoros de faire l’identification de tous les étrangers et les écoles coraniques de leurs quartiers. Les enseignants, les apprenants et les imams de toutes les mosquées ainsi que les églises doivent être connus de nous », a décidé le gouverneur de la région de l’Extrême- Nord, Midjiyawa Bakari.

Les mesures jusque-là prises par les autorités administratives montrent à quel point les comportements les plus licencieux ont depuis longtemps été érigés en règle au Cameroun. Ainsi donc, le gouverneur de l’Extrême-Nord et ses homologues d’autres régions nous apprennent qu’on peut ouvrir une école coranique sans que les autorités administratives sachent qui en est le promoteur, ni même sa localisation

; qu’on peut être propriétaire d’une moto qu’on conduit crânement à longueur de journée, sans le moindre document, et parfois faire de la surcharge sans être inquiété ; qu’il n’existe pas un fichier clair et actualisé du nombre de mosquées, d’églises et autres lieux de prière et de culte dans nos différentes villes, etc.

Il faudra bien qu’on se rende compte - passés l’émotion et le choc des insupportables tueries que nous impose Boko Haram - que ces tragiques événements viennent lever un coin de voile sur le laisser-aller et le laisser-faire dont le Cameroun s’est depuis longtemps accommodé. Combien de bars en règle sont répertoriés dans la ville de Yaoundé ?

Combien d’Eglises et de mosquées en règle figurent dans le fichier administratif de la ville de Douala ? Poser ces questions aux autorités de ce pays est une grosse colle. En août 2013, le sous-préfet du premier arrondissement de Yaoundé, Jean-Paul Tsanga Foe avait courageusement lancé une croisade contre des églises dont les activités étaient jugées contraires à la loi et aux bonnes moeurs.

Cette initiative avait ouvert la boîte de pandore. L’on apprenait alors dans la foulée que 500 lieux de culte avaient ouvert sans autorisation, rien que dans la capitale. Mais la croisade du souspréfet contre les églises illégales va s’arrêter net, avec la bénédiction de sa hiérarchie, au moment même où ses homologues d’autres régions du pays voulaient lui emboiter le pas.

L’on est tranquillement revenu à la fameuse « tolérance administrative » qui justifie tant d’écarts de conduite dans notre pays. Que dire du spectacle de ces voitures qui circulent sans immatriculation dans les rues de Yaoundé, ou de ces louches quidams qui roulent en toute quiétude à bord de voitures aux vitres non transparentes (fumées) ? Il faudra peut-être que des bandits armés dissimulés dans ces voitures glauques commettent un forfait pour que l’autorité administrative se souvienne qu’il existe une réglementation en ce qui concerne les voitures aux vitres non transparentes.

Les mesures prises par certaines autorités administratives depuis l’intensification des attaques sanglantes de Boko Haram montrent que le Cameroun est rattrapé par ses propres turpitudes. Il est aujourd’hui impératif de revenir à des choses simples. Ces petites choses si ordinaires qui fondent une république normale : l’application de la loi dans toute sa rigueur. C’est aussi par là que commence la sécurité.