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Opinions of Vendredi, 21 Avril 2017

Auteur: Wiliam TCHANGO

Coupure d’internet: une perte énorme pour le Cameroun

Les banques dont les serveurs sont  installés à Douala et Yaoundé ont été paralisées Les banques dont les serveurs sont installés à Douala et Yaoundé ont été paralisées

93 jours c’est la période pendant laquelle les populations des régions du Sud-ouest et du Nord-Ouest ont été privées de la connexion internet. La décision prise le 17 janvier 2017 par le gouvernement pour rendre impossible la circulation d’images montrant les brutalités policières exercées contre les avocats ou les étudiants qui manifestent depuis novembre 2016 a été levée ce jeudi 20 avril 2017, sur instruction du Chef de l’Etat.

La résistance du gouvernement face aux multiples pressions pour l’amener à mettre fin à cet isolement numérique a été remarquable. La campagne #Bringbackourinternet, les multiples sorties d’Internet Sans frontière, l’indignation du célèbre informaticien américain Edward Snowden et de plusieurs autres personnalités politiques au Cameroun (Maitre Akere Muna) et à travers le monde l’ont laissé de marbre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette coupure d’internet dans la partie anglophone du Cameroun a occasionné d’énormes perturbations. « J’ai vu des gens agglutinés sur un pont parce qu’à cet endroit précis les smartphones parvenaient à se connecter, C’est donc là qu’ils viennent quelques minutes, le temps de télécharger leurs e-mails, avant de repartir. » relate à Jeune Afrique Franck Fokam, le patron d’un fournisseur d’accès internet.

Sur le plan économique, les pertes auront été énormes. Les entreprises basées dans ces deux régions du pays ont souffert le martyre. « Nous sommes revenus à l’âge de pierre. Faute de connexion, nous sommes obligés de transporter physiquement les données sur CD ou clé USB. » Se désolait un des cadres de la Cameroon Development Corporation (CDC). Les banques dont les serveurs sont pour la plupart installés à Douala et Yaoundé ont été particulièrement pénalisées. Certains d’entre elles ont dû instaurer de nouvelles procédures incluant l’usage du téléphone tandis que d’autres plus fortunés ont investi dans l’acquisition de d’un V-Sat un moyen de communication par satellite permettant notamment de transférer des données, a constaté le journal de Béchir Ben Yahmed.

L’on n’oublie pas les jeunes startuppers de la Silicon Mountain qui se sont vu imposer trois mois d’inactivité. « Il est regrettable qu’une faction de “sécurocrates” ait inspiré une telle approche à la plus haute autorité politique du pays. La plupart de ces jeunes [les startuppers de la Silicon Mountain] ont lancé leur entreprise avec de maigres moyens, souvent aidés par leur famille et leurs amis. Le gouvernement ferait mieux de soutenir leurs efforts plutôt que de les entraver. » A dénoncé Christian Penda Ekoka, économiste et conseiller technique à la présidence qui déplore notamment des « conséquences financières inimaginables » pour ces jeunes.

Il y a enfin les entreprises de téléphonie mobile qui se sont diversifiés dans la fourniture d’accès à internet. Selon un chef d’entreprise du secteur qui s'est confié à Jeune Afrique, la baisse inévitable de leur chiffre d’affaire aura forcément un impact fiscal. Ces gros contributeurs aux recettes budgétaires de l’État s’étaient acquittés de 617 milliards de FCFA d’impôts et taxes sur la période 2010-2014. Avec l’instauration en 2016 d’une nouvelle taxe sur les communications téléphoniques et les services internet, l’État prévoyait d’accroître cette cagnotte. «Sa réaction jusqu’au-boutiste à la crise anglophone risque fort de contrarier ses prévisions», note Jeune Afrique