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Opinions of Vendredi, 16 Mars 2018

Auteur: Abdelaziz Moundé Njimbam

Conseil Constitutionnel: voici le sens des perruques sur la tête de ses membres

Le président du Conseil Constitutionnel camerounais Le président du Conseil Constitutionnel camerounais

L'Afrique doit revisiter de fond en comble ces tenues pompeuses de magistrats, venues dans les cales coloniales, que même les Anglais ne veulent plus.

Les magistrats et personnalités récemment nommés à la Cour Constitutionnelle du Cameroun sont d'un âge respectable. On les imagine cheveux poivre-sel et pas vraiment blonds comme des Vikings, batisseurs de l'Angleterre venus des terres d'Islande, de Norvège, du Danemark ou de Suède. Que Coco Argentée ou les nouvelles stars de la musique urbaine en mette pour le prochain show ou clip, passe encore ! Mais des crânes d'oeuf du droit coiffés de la sorte, c'est une coquetterie dont les Sages d'Afrique peuvent très bien se passer.

Au Kenya, ancienne colonie britannique où la polémique sur ces reliques de la période coloniale à récemment fait rage, un sénateur, Peter Anyang Nyong’o, a d'ailleurs qualifié, ces tenues " d'horribles et de ridicules ", portées sous un soleil de plomb, après la prestation de serment du nouveau " Chief Justice ", la plus haute autorité judiciaire du pays. « La garder fait de nous des Noirs avec un masque de Blanc », s’indignait le grognard de la politique kényane.

Dans son sillage, les « speakers » du Parlement tombaient la perruque, qu’ils ne portaient plus qu’en des circonstances exceptionnelles. « L’idée était de démystifier la justice, de la rendre plus proche des gens, dans le sillage de la nouvelle Constitution », se souvient Isaac Okero, président de la Law Society of Kenya, qui représente plus de 13 000 avocats kényans. La circulaire de Mutunga remplaçait la formule « My Lord » pour s’adresser aux magistrats et avocats par un « Votre Honneur » ou un « Mheshimiwa » swahili.

Le wig, perruque poudrée et drapée d’une lourde robe pourpre noire au Kenya et rouge au Cameroun, n'a pourtant plus bonne presse en Angleterre, son pays d'origine. Les magistrats du Royaume-Uni, soucieux d'une justice plus humaine et débarrassée de la pompe, des lourdeurs et des théatralisations d'Ancien Régime abandonnent progressivement ces vestiges des vieilles monarchies, féodalités et noblesses anglo-saxonnes. Il est tombé en disgrâce au point d'être complètement abandonné dans les affaires civiles en Angleterre et au Pays de Galles.

L'Afrique est donc le musée vivant de ces breloques coloniales, que nos maîtres rangent dans les tiroirs de l'histoire. Sur le continent, le Cameroun et le Kenya ne sont pas seuls à s’entêter du couvre-chef, qu’on porte encore sans honte dans de nombreux pays d’Afrique, anciennes colonies britanniques (Ghana, Gambie, Zimbabwe, Sierra Leone…). Avec ces textures jaunes, blanches, blondes.

Les symboles du pouvoir, de l'autorité et de l'impartialité du pouvoir judiciaire existent pourtant à foison sur le continent et au Cameroun. La paresse intellectuelle, le mimétisme et l'assimilation coloniaux, le refus de repenser de fond en comble nos sociétés et Etats, en revisitant symboles et signes exaltants de notre patrimoine, fait la part belle à ces tenues désincarnées, hors du temps, qui malgré leur banalisation, refletent la violence de notre acculturation.