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Opinions of Saturday, 20 April 2024

Auteur: AMBA SALLA PATRICE IPRF(D) HE

Cameroun : sanctionner les maires indélicats, un autre défi

L’on pourrait valablement se satisfaire de l’acte de l’Autorité des marchés L’on pourrait valablement se satisfaire de l’acte de l’Autorité des marchés

La communauté nationale lit de temps à autre la suspension de divers Maitres d’ouvrages, dont des maires, des activités des marchés publics, par le MINMAP agissant comme Autorité des marchés, suite à des malversations en ce domaine, commises par ces maitres d’ouvrages par ailleurs ordonnateurs du budget communal.

Par activités des marchés publics ainsi visées on entend:
- Les acquisitions: élaboration des dossiers d’appels d’offres, publication des appels d’offres, émission des bons de commandes, attribution des offres, signature des contrats (marchés, lettres commandes);

- Le suivi de l’exécution desdits contrats ponctué par l’émission des ordres de services divers et avenants le cas échéant;
- La réception des prestations ou la résiliation des contrats selon les cas;
- Le paiement des prestations (ordonnancement).

C’est donc toutes ces activités que l’autorité des marchés interdit, à titre temporaire, à un Maire d’effectuer, sur la base des malversations dont il se sera rendu coupable et qui sont, soit dénoncés par les concurrents dans une procédure d’appel d’offres, soit mis en lumière et à nu par l’Agence de régulation des marchés publics (ARMP) qui suit le processus au fil de l’eau.

L’on pourrait valablement se satisfaire de l’acte de l’Autorité des marchés qui ambitionne de neutraliser les acteurs perturbant le processus qui garantit le jeu de la concurrence et ses effets bénéfiques escomptés dans la réalité des coûts et la qualité des prestations.

Mais au regard de la qualité d’ordonnateur (exclusif) de la Commune que lui reconnait la loi portant code général des CTD, l’enthousiasme s’estompe et la mesure perd son effet dissuasif, revêt des relents de gesticulation et prend les contours d’un « buzz ».

En dépit de la clameur que soulève ces actes de suspension temporaire, présomption de l’arrêt de la prévarication des ressources communales de plus en plus consistantes par le biais de diverses fautes de gestion authentiques, la mesure semble conforter les verbalisés dans leurs pratiques en ce sens qu’ils utilisent le pouvoir d’ordonnateur qui leur reste pour mener au doigt et par le bout du nez tous les acteurs du processus. Ne dit-on pas que l’argent est le nerf de la guerre?

Si la volonté de l’État de mettre hors d’état de nuire tous les agents perturbateurs de l’approfondissement du processus de décentralisation en cours est constante et déterminée, il faut faire produire à ces décisions du MINMAP, Autorité des marchés, tous leurs effets par une articulation qui fait d’elles le facteur déclencheur d’une suspension intégrale des maires maitres d’ouvrage par son collègue MINDDEVEL. C’est elle seule qui peut garantir le transfert de la plénitude de l’activité des marchés publics à son adjoint tel que l’écrit le MINMAP.

Pour le démontrer il suffit de décrire le tableau que produit la décision de suspension du maire des activités des marchés publics pendant qu’il demeure ordonnateur(I) et projeter en l’analysant la démarche qui semble idéale(II).
I-UN MAIRE SUSPENDU PAR LE MINMAP, MAIS DEMEURANT ORDONNATEUR DE LA COMMUNE TRANSFORME LE MANDAT EN MONNAIE D’ÉCHANGE POUR OBTENIR CE QUE LA SUSPENSION LUI A OTÉ:

À la lecture de la décision de suspension du Maire de la Commune de KOBDOMBO qui fait l’actualité, on est renseigné sur les motifs de la décision. En dépit d’une régulation instruisant l’annulation du processus d’analyse de demande de cotation procédant d’une séance de travail contradictoire, le maire-Maitre d’ouvrage a allègrement poursuivi ses analyses et attribué le marché à une entreprise dont l’offre était disqualifiée. Cet entêtement a des ressorts égoïstes évidents.

Il laisse imaginer ce qui adviendrait au concurrent de cette entreprise couvée par le maire lorsqu’arrivera le temps d’ordonnancer ses paiements. Le pouvoir d’ordonnancer devient de ce simple fait un traquenard non seulement pour l’entreprise qui viendrait à emporter la mise, la municipalité qui attend la livraison des équipements dans les centres de santé ainsi exposée aux surenchères d’un maire revanchard, mais surtout son remplaçant comme maitre d’ouvrage qui peut voir la conduite des opérations qui lui incombent hypothéquée considérablement.

En tout état de cause, ce maire reprend, par le pouvoir financier, le contrôle de toutes les étapes qui sont censées lui échapper par l’effet de la suspension du MINMAP. Un effet totalement pervers pour cette décision qui réprime une authentique malversation/violation du texte qui par ailleurs lui reconnait ce pouvoir d’ordonnateur.

Sur un autre plan, on peut bien envisager que cette posture soit également prise lorsqu’il sera question de payer les frais de multiples sessions aux membres de la commission des marchés et sous commission d’analyse. Un chantage pourrait bien avoir cours si les commissaires n’analysent pas dans le sens voulu par le maire suspendu, mais seul pouvant leur payer leur dû.

Cette description procède de la prise en compte des dispositions de l’article 206 (1) et (2) de la Loi 2019/024 du 24 décembre 2019 portant code général des collectivités territoriales décentralisées qui précisent les pouvoirs du maire et soulignent qu’il est l’ordonnateur du budget de la commune, l’unique. Budget qui intègre aujourd’hui d’importantes ressources transférées sous forme d’autorisations de dépenses valides annuellement avec arrêt des engagements en fin novembre. Un calendrier suffisamment contraint et exigeant qu’une mise à l’écart d’un maire indélicat soit franche et rapide.

II- LA NÉCESSITÉ ET L’URGENCE DES ARRÊTÉS DU MINDDEVEL POUR PLUS D’EFFICACITÉ:
Dans sa section III du Chapitre II traitant de la suspension , de la cessation des fonctions et de la substitution de l’exécutif communal, l’article 225 du code général des collectivités territoriales décentralisées prévoit en son alinéa 1 que « En cas de violation des lois et règlements en vigueur ou de faute lourde, les maires et adjoints, après avoir été entendus ou invités à fournir des explications écrites sur les faits qui leur sont reprochés, peuvent être suspendus par arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales, pour une période n’excédant pas trois mois… » Cette suspension peut, selon le cas, évoluer vers une révocation par décret du président de la République.

Et l’article 235(1) complète en indiquant que « lorsqu’un maire est révoqué ou suspendu, son remplaçant exerce la plénitude de ses fonctions jusqu’à l’élection du nouveau maire, laquelle intervient dans un délai de soixante jours à compter de la date de…la suspension ».

La suspension dont les maires sont victimes de la part du MINMAP fait suite à la violation de divers textes législatifs et réglementaires. Elle est faite par décision. Les faits incriminés sont des concussions, faux et usage de faux entrainant disqualification des offres, intérêt dans les actes, prestations pour les communes dont on assure la direction, bref des choses pouvant et devant avoir des conséquences pénales.

Il parait tout à fait envisageable et hautement souhaitable que le gouvernement parle d’une seule et même voix en ce domaine de régulation du processus constitutionnel de décentralisation. Ainsi, la décision de suspension du MINMAP doit être le déclencheur de l’arrêté du MINDDEVEL, moyennant une audition devant le conseil municipal ou un mémoire explicatif d’un maire convaincu de malversations portant à conséquence. L’arrêté dont il s’agit ici ferait mieux place nette au responsable devant assurer la continuité du service public.

Par cette voie, les constats de malversation sortent de la compétence spécifique et étriquée du MINMAP pour être traités par la loi dont l’application et le suivi de la mise en application incombent au MINDDEVEL de façon prépondérante.

Ne pas agir ainsi réduit les actes du MINMAP en poncif dont personne véritablement ne peut redouter les effets d’une part, et d’autre part, endurcit les maires dans leur mauvaises façons de faire qui tendent à écarter chaque jour d’avantage la norme.

Cette omission constitue la véritable entrave à la mise en place d’un creuset de bonne gouvernance à la base ainsi que le proclame pourtant l’article 5(2) de la Loi portant code général des collectivités territoriales décentralisées.
Il est grand temps d’agir!

AMBA SALLA PATRICE IPRF(D) HE.
Conseiller Municipal
Ancien Maire d’Ayos
Ancien ministre des travaux publics.