Opinions of Saturday, 22 November 2025

Auteur: Dr Balep ba Gwomb

Anicet Ekane, le souffle confisqué : chronique d’une agonie imposée

Dans la nuit profonde d’un pays qui s’égare, un homme lutte pour chaque bouffée d’air. Anicet Ekane, silhouette frêle mais âme indomptable, est aujourd’hui la figure tragique d’un combat qui dépasse sa propre vie. Privé de son appareil d’oxygène, confisqué par un colonel de la gendarmerie, il incarne l’ultime affront : celui d’un pouvoir qui, pour mieux faire taire, choisit de couper le souffle à ceux qu’il craint.

Dans sa cellule, l’air est devenu une denrée rare, une faveur arrachée à la cruauté de l’arbitraire. Chaque inspiration est un acte de bravoure, chaque expiration un adieu possible. Le colonel, figure d’autorité sans visage, détient entre ses mains le destin d’Anicet, mais aussi celui de la justice, de la compassion, de l’humanité tout entière. Il ne s’agit plus seulement d’un homme : Anicet est devenu symbole, miroir tendu à une société qui doit choisir entre la barbarie silencieuse et la révolte solidaire.

Ses avocats, porteurs d’une espérance fragile, frappent à toutes les portes, multiplient les appels, implorent qu’on restitue à leur client ce souffle vital. Mais l’écho de leur voix se perd dans les couloirs froids du pouvoir, où la raison se heurte à la surdité volontaire de l’autorité. L’attente se prolonge, chaque seconde pèse comme une sentence, chaque minute qui passe rapproche Anicet du point de non-retour.

Pourtant, dans la rue, dans les cœurs, la colère monte. Peut-on laisser mourir un homme pour une question d’ego, pour affirmer une domination qui n’est que faiblesse déguisée ? Peut-on détourner les yeux, rester muet face à l’injustice qui s’incarne dans la privation d’air ? Anicet Ekane, dans son agonie, nous interpelle tous. Il est le cri étouffé des oubliés, le souffle coupé des opprimés, la voix que l’on voudrait faire taire mais qui, par sa souffrance même, devient tonitruante.

La justice, ce mot galvaudé, trouve ici son épreuve de vérité. Car il ne s’agit pas seulement de lois, de procédures ou de droits formels : il s’agit de vie ou de mort, de la capacité d’une société à reconnaître l’autre comme frère, à ne pas laisser l’arbitraire décider qui a le droit de respirer. Priver Anicet de son oxygène, c’est priver chacun de nous de notre humanité.

Mais l’histoire d’Anicet Ekane n’est pas seulement celle d’une victime. C’est aussi celle d’un résistant. Chaque souffle arraché à la fatalité est un acte de courage, un refus de céder. Ses soutiens, ses avocats, les citoyens indignés, deviennent la chaîne invisible qui relie l’homme à l’espoir. Ensemble, ils rappellent que l’air appartient à tous, que la dignité n’est pas négociable, que l’indifférence est déjà complicité.

Rendez-lui son oxygène ! Rendez-lui sa vie ! Car il n’y a pas de paix possible dans une société qui laisse mourir ses enfants en silence. Que le cri d’Anicet Ekane traverse les murs, qu’il bouscule les consciences, qu’il fasse naître la honte chez les puissants et la solidarité chez les humbles. Car tant qu’un homme sera privé de son souffle, nul ne pourra respirer en paix.