Vous-êtes ici: AccueilOpinionsActualités2018 06 25Article 442095

Opinions of Lundi, 25 Juin 2018

Auteur: Aimé Mathurin Moussy

Ambazonie: voici les vrais bénéficiaires de la guerre

Cette guerre sans justification a rendu les miliciens impopulaires Cette guerre sans justification a rendu les miliciens impopulaires

Le Cameroun a été ensanglanté pendant presque deux décennies. Avant et après l'indépendance de 1960. Entre 1950 et 1970 le Cameroun était en proie à des guérillas urbaines et au maquis.

Les revendications de 1950 initiées et supportées par l'UPC (Union des populations du Cameroun), tablaient sur l'indépendance et la réunification des deux Cameroun : le Cameroun oriental francophone et le Cameroun occidental anglophone. Cette bataille fut sanglante, plusieurs milliers de morts, de déplacés et d'exilés. L'indépendance de 1960 et la réunification de 1961, semblaient avoir résolu le problème.

Après 1960, ceux qui n'acceptèrent pas la réconciliation, reprirent le chemin de la brousse, pour mener la lutte armée dans un pays structuré, doté d'institutions, et une armée unie et professionnelle. Une chose est sûre à part le deuil et la désolation causés au sein des populations, les institutions républicaines ont eu gain de cause sur la rébellion.

A la fin des années 80, après la chute du mur de Berlin, l’éveil démocratique s'est emparé de tous les peuples, notamment en Europe de l'Est et en Afrique. Le Cameroun a connu ses années de braise où la rue dictait sa loi. Le multipartisme interdit en 1962 a été réhabilité en 1991. On demandait la conférence nationale souveraine. Rien n'y a fait, le pouvoir a chancelé, mais n'a pas trébuché. Quand la rue dictait sa loi, tout le monde pensait que les jours du régime de Biya étaient comptés. Vingt-sept ans plus tard, il est aussi bien installé et aussi bien drapé de sa corruption, de son népotisme, de son favoritisme. L'opposition nombriliste et aventurière n'a pas eu raison sur le rompu des messes basses qu'est Paul Biya.

A la première décade des années 2000, avec la montée du populisme et l'intégrisme religieux, l'Afrique n'est pas en reste. La résurgence mondiale de l'ultranationalisme, a accouché le communautarisme au Cameroun. Le fédéralisme et le sécessionnisme sont les nouveaux fonds de commerce des maraudeurs. Tapis dans leurs luxueuses villas,ils agitent le torchon de la haine, de la rébellion et du désordre. Personne de ces gouvernements fantoches ne connaît la guerre et ne sait même pas de quoi il s'agit.

Le vécu des guerres

Il n'est plus gai de libérer sa pensée, de marquer sa différence, sans que vous ne soyez couvert de tombereaux d'injures, de quolibets. Pour plaire aux défenseurs du monolithisme, la différence ne devrait plus exister, les faits historiques devraient être désacralisés.

La guerre est un théâtre où les maraudeurs tirent leurs épingles du jeu. Couchés dans leurs lits douillets leur responsabilité n'est jamais engagée.
En 1970, j'étais un freluquet enfant qui sortant à peine de sa tétée, j'apprenais à affronter la rudesse de la vie, la dialectique du monde. C'était à Bafoussam, ville que j'appellerai, ma vie natale, parce que ce fut dans cette ville que ma masculinité s'est forgée et mes premiers pas à l'école Saint Kisito, m'ont appris à ne voir qu'en autrui, l'humain.

L'humain dis-je, parce que nous venions d'horizons divers, de tribus diverses, de religions diverses, mais nous nous considérions comme des humains. Je ne trouvais aucune peine à cette période d'aller chez les Andze Tsoungui, inspecteur fédéral (Béti), Anagoh Hans (Anglophone), Tataw James (Anglohone), Samobo Pierre (Bamileké), Badjang Aspro (Nordiste), je voyais des humains et vice versa.

Les premiers mots que j'appris à l'école furent en langue vernaculaire Bamiléké (féfé), que je parle encore de nos jours. On nous apprenait à parler la langue de chacun de nos amis, j'ai appris à parler pidgin, Fulbé et Ewondo, parce qu'on voyait dans la langue de l'autre un moyen vivant de communication et d’entente mutuelle. Nous tous supportions le Racing de Bafoussam....

Le soir, comme j'habitais le quartier Tamdja, je traînais mes compagnons chez Talla André Marie, artiste en herbe, pour nous interpréter SIKATI, qui est devenue plus tard, la chanson en vogue ; quand on reprenait en chœur ses chansons, on ne se limitait pas à la langue. Nous parlions le langage de la musique.

Un jour, de cette année-là, ma vie a basculé, quand mon géniteur, colonel et commandant du secteur militaire de l'Ouest de l'époque, qui revenant de mission, sale et préoccupé, nous faisait savoir que les maquisards ont été arrêtés et sont au camp militaire.

Ce qui attisait ma curiosité, c'est mon papa. Il disait à maman qu'il fallait qu'il appelle l'aide de camp du président Ahidjo, pour une urgence absolue, car le tribunal militaire devrait statuer sur le cas des maquisards.

Ce soir-là, dans la jeep militaire, mon papa est venu avec un maquisard pas comme les autres, WAMBO LE COURANT, qui sanglotait et pleurait. Nous tous avions pleuré, tant ses cris nous arrachaient les cœurs. Et je demandai à mon papa de le relâcher. Mon papa implacable de par son métier de militaire, m'a dit : « j'attends que le président donne son ordre ». Je demandai à mon papa de le laisser fuir. Son regard me fit savoir que c'était impossible.
Wambo Le Courant, clamait toujours son innocence et disait qu'il n'avait pas agi de son propre chef, et il avait été trompé. Wambo Le Courant était accusé de meurtres et d'abus sexuels, de vol etc. C'était un jeune à la fleur de l'âge. Il fut embarqué dans une aventure sans issue.
Cette nuit-là, ma maman offrit un repas à Wambo Le Courant, et nous échangeâmes longtemps avec lui, et je pensais qu'il n'allait plus repartir au camp militaire, tellement il paraissait gentil. Mon papa malgré son métier de militaire était pris de compassion pour Wambo Le Courant, il souhaitait que le président le gracie.

Dans la même nuit, un message porté vint de la Capitale ; Sommant leur exécution sur la place publique.

Mon papa a attendu que nous nous endormions, et, Wambo Le Courant a été reconduit au camp militaire sous bonne escorte. Le lendemain matin on demandait à toute la population de se rendre au terrain de football. En tant que fan de Racing, je pensais aller voir mon équipe favorite. Non. Ce n'était pas le match de football, toutes les écoles étaient fermées, on devrait assister à l'exécution des maquisards.

Quand j’aperçus Wambo Le Courant, menotté et conduit vers le pilori, ma maman écrasa une larme. Je convulsai, dans l'immédiat, je fus transporté aux urgences. Mon subconscient refoulait cette exécution. Tout Bafoussam ce jour sentait de la poudre, un silence monastique planait sur la ville. Wambo Le Courant, Fotsing et d'autres maquisards ont été exécutés !

La responsabilité pénale devant une cour martiale, ne tient pas compte des sentiments, de l'âge, mais des faits. Les faits sont souvent têtus et ce sont eux qui libèrent ou condamnent.

Paralyser l’État et installer le désordre

Pour beaucoup d'acteurs de l'indépendantisme, la victoire sur la République, consiste à rendre les contrées anglophones ingouvernables. Cette déstabilisation passe par la rue, les médias, la diplomatie .Il y a une volonté, une manifestation, de paralyser l'appareil de l’État. Ils l'affirment et l'assument fièrement.

La décapitation du mouvement indépendantiste (Ambazonie), dont le chef et son bureau, incarcérés ou en exil, crée un vide de pouvoir. Les militants sans boussole, sont devenus insouciants. Pour protester, ils coupent les routes, tuent les militaires, affrontent la police.

Cette situation cocasse profite aux vendeurs de la mort et pêcheurs en eau trouble. Les maraudeurs tirent un grand bénéfice financier. Ils vendent des effigies, des livres, des gadgets, pour renflouer leurs comptes.

Au niveau des actions sur le terrain, les opérations militaires, sont disparates, désordonnées, et parfois incontrôlées. N'étant pas des professionnels et n'ayant pas un officier formé à leurs têtes, ils démontrent leurs limites tant sur le plan tactique, logistique, qu'humain. On remarque avec aisance l'impréparation et l’improvisation. Il dénote des comptes rendus de terrain que, les combats des factions dites sécessionnistes, s'apparentent plus au grand banditisme qu'à une lutte d'indépendance. A la longue au lieu d'avoir l'adhésion populaire, cette guerre sans justification a rendu les miliciens impopulaires.

L'offensive de la justice camerounaise, qui a mis sous les verrous plus de quarante dirigeants indépendantistes (la manière dont ils ont été cueilli démontre à n'en plus douter l'amateurisme des leaders) et lancé des mandats d'arrêt internationaux contre quatorze autres, dont le président actuel, montre bien qu'ils sont désemparés et ne sont pas maîtres du jeu. Le temps de la justice, n'est pas le temps politique.

En République, la lutte armée n'a jamais produit la démocratie, mais la dictature. Tous les pays où la révolution armée a pris le pouvoir sont devenus des dictatures. Contrairement à ce qu'ils font croire, ils ont perdu la bataille diplomatique, ils sont sur le ban de la communauté internationale, et d'ici peu, leurs leaders seront interdits de voyager, leurs avoirs gelés, et leurs partis politiques inscrits sur la liste des mouvements terroristes. Qui vivra verra.