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Opinions of Mercredi, 13 Juin 2018

Auteur: Michel Biem Tong

Ambazonie: voici comment Ahidjo a détruit le fleuron économique

Le Southern Cameroon était plus riche que la République du Cameroun Le Southern Cameroon était plus riche que la République du Cameroun

Lors de son discours prononcé à l’Assemblée fédérale le 6 mai 1972, le président de la République d’alors, Amadou Ahidjo, pour justifier sa volonté de démanteler la structure fédérale de l’Etat, avait avancé comme argument le fait que la Fédération coûtait trop chère au contribuable camerounais et que le déficit budgétaire dans le Southern Cameroon coûtait plus de 2 milliards de F CFA au gouvernement fédéral.

Pourtant, il n’y a rien d’aussi faux. Avant le 1er octobre 1961, le Southern Cameroon qui s’est rattaché à la République du Cameroun pour un Etat fédéral à cette date était un territoire économiquement riche. Le Southern Cameroon exportait plus de 3,7 milliards de F CFA de produits agricoles vers l’Europe et les Usa y compris la banane, le caoutchouc et le cacao qui généraient des bénéfices de l’ordre de plus de 745 millions de F CFA. Cet argent permettait au Southern Cameroon de construire des infrastructures et même de verser des subventions au Northern Cameroon.

Le Southern Cameroon était plus riche que la République du Cameroun qui alors dépendait de l’aide de la France. Son économie était florissante. Pour soumettre économiquement les ressortissants du Southern Cameroon à la République du Cameroun, Ahidjo, dans son processus d’instauration d’un Etat unitaire fort et centralisé entre 1961 et 1972, a procédé au démantèlement progressif du fleuron économique du Southern Cameroon : Powercam, un barrage hydroélectrique basé à Yoke, La Cameroon Bank à Buea, l’aéroport de Tiko, les ports maritimes de Tiko et de Limbé, l’Autorité du développement de la région de Wum, Public Work Developpement (en charge de la construction des routes), etc. ont été fermés par Ahidjo.

En paralysant ainsi le tissu économique du Southern Cameroon, Ahidjo a trouvé une bonne raison d’instaurer un Etat unitaire qu’il a imposé par un référendum alors que la constitution fédérale qu’il a taillée à sa mesure, en ses articles 47-1 et 47-3 interdisait toute révision de la constitution portant sur la remise en question de la forme fédérale de l’Etat et par voie de référendum. D’ailleurs, après la proclamation des résultats de cette mascarade référendaire du 20 mai 1972, Ahidjo dû déployer l’armée de la République du Cameroun dans le Southern Cameroon afin de contenir la colère des populations. Ce fut sans doute la première étincelle de la crise anglophone actuelle.

En réalité, le concept « Cameroun un et indivisible » que le régime d’Ahidjo hier et de Paul Biya aujourd’hui opposent aux ressortissants du Southern Cameroon et que certains francophones par naïveté ou par suivisme reprennent en chœur vise à permettre à la France de faire appliquer plus aisément les accords secrets de décembre 1959 avec le Cameroun sur l’accès prioritaire de ce pays aux ressources du sous-sol camerounais dont le pétrole. En effet, la compagnie pétrolière française Elf a découvert dans le Southern Cameroon d’importants gisements de pétrole on shore et offshore vers la fin des années 1950. Et le système fédéral rendait difficile son exploitation par la France. D’où le processus vers un Etat unitaire.