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Opinions of Mardi, 18 Septembre 2018

Auteur: JEAN François CHANNON

Ambazonie: et si la solution était entre les mains de Philemon Yang?

Yang Philémon n’a pas pris la mesure du pouvoir qui est le sien en tant que Premier ministre Yang Philémon n’a pas pris la mesure du pouvoir qui est le sien en tant que Premier ministre

Il y a des hommes comme cela, que la providence divine donne à un pays une fois par siècle. Ils sont caractérisés par une volonté tenace de construire et de réussir à travers une force et une abnégation dans le travail qu’ils puisent dans le sacrifice et la patience. Et au bout de ces efforts marqués très souvent par des épreuves et par des chutes, ils réussissent à bâtir quelque chose de grand, et ainsi, devenir de grands hommes, et des hommes grands de leur temps. Notre père à tous, Kadji Defosso qui vient de nous quitter pour un retour à Dieu, et dont les obsèques ont eu lieu le week-end dernier, fait partie de ces grands hommes de notre temps dont le Cameroun et plus largement, l’Afrique peut en être fière. L’histoire de cette singulière nation qui sera racontée aux générations futures, dans 100 ans, 1000 ans et plus, inscrira inéluctablement son nom en lettres d’or, parmi des hommes de cette nation qui a pour nom Cameroun, partis de rien, juste avec un coup de pouce du destin, et qui ont pu devenir des bâtisseurs de l’économie camerounaise.

Les images des obsèques officielles décrétées par le président de la République, à la mémoire de Kadji Defosso, de Douala à la merveilleuse ville de Bana, où il était jusqu’à sa mort, le premier magistrat, ont ému toute une multitude. Mieux, elles ont réconcilié le temps d’un adieu à un homme dont le cheminement politique aura quelques fois été éprouvant. Il n’est pas question simplement de célébrer la mémoire du « père Kadji ». Il est question de vivre avec sa mémoire. En voyant son corps être déposé dans les entrailles de cette terre du Cameroun, pour laquelle de nombreux patriotes ont versé leur sang dans la quête de la liberté de notre peuple, et de notre émancipation collective, retenons de la merveilleuse vie essentiellement de travailleur, de bâtisseur et de sacrifices de notre père à tous Kadji Defosso, qu’il a tout donné pour le Cameroun, et à des nombreux Camerounais, afin qu’à travers un emploi acquis dans son immense empire patiemment bâti, ils puissent vivre en toute dignité. Que son retour à Dieu lui soit paisible. Chapeau bas à notre père à tous !

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Hélas, Kadji Defosso tire sa révérence au moment où son pays bien aimé, le Cameroun, qu’il a contribué à construire vit une fracture unitaire des plus troublantes. La douloureuse crise anglophone qui s’est considérablement étendue ces derniers mois, au point de devenir une guerre en régions anglophones du Cameroun, avec des crimes odieux, des assassinats et des morts regrettables, s’inscrit désormais comme une tragédie profonde de notre histoire. Kadji Defosso part ainsi certainement avec un regret, celui de n’avoir pas pu voir se résoudre de son vivant cette crise transformée en guerre qui divise profondément les fils d’un pays qui se voulait uni par ses pères fondateurs.

Pendant longtemps, nous avons modestement cru bon au Messager, d’attirer l’attention de ceux qui nous gouvernent, du haut de leurs hyperpuissances, sur la profondeur des causes initiales qui fondent cette crise anglophone. Notamment en faisant observer la pertinence des revendications des leaders de la fronde anglophone qui a pris du volume dès octobre 2016. Nous faisions alors remarquer qu’il n’est pas serein pour un pays comme le Cameroun, avec ses deux cultures politiques héritées de la colonisation, à savoir la francophonie et l’anglophonie, que sur le plan des occupations en terme de postes des grandes institutions du Cameroun, que le président de la République, le président du Senat, le président de l’Assemblée nationale, le président du Conseil constitutionnel, le président du Conseil économique et social, le premier président de la Cour suprême du Cameroun, et le procureur général auprès de la Cour suprême du Cameroun, soient tous de culture politique francophone, et que les anglophones se contentent strictement d’un poste de Premier ministre, dont les pouvoirs réels relèvent subséquemment de ceux que lui procurent le président de la République. Nous étions fondés de le dire ; même avec du recul, en ce moment tragique de la guerre en régions anglophones, nous continuons de dire qu’il y a lieu pour le pouvoir de Paul Biya, aujourd’hui candidat à sa propre succession, après 36 ans de présidence de la République, d’écouter le cri de nos frères anglophones qui croient en leur marginalisation en République du Cameroun.

Au-delà évidemment de la profondeur de cette tragédie… Mais en réalité, si Paul Biya, fortement encerclé par ceux qui souhaitent la guerre totale en régions anglophones, ceux-là que Achille Mbembe appelle « une armée de sycophantes », s’est montré véritablement indifférent aux revendications pertinentes des leaders anglophones (non pas sécessionnistes), c’est bien parce qu’une certaine élite anglophone ou alors originaire des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et qui participe au pouvoir à la détermination et l’élaboration de son pouvoirs, n’a pas su prendre la mesure des réels pouvoir qui lui ont été donnés. Parmi ceux-ci, il y a précisément Yang Philémon, l’actuel Premier ministre du Cameroun, qui cumule près d’une dizaine d’années à ce poste. Certes, on sait que le pouvoir de Paul Biya, fondé sur un rapport de force qui s’appuie sur une géostratégie des tribus, cède très peu à ses cachoteries dominantes. Le portail du Cameroun en Belgique. En clair, lorsqu’on donne un poste de Premier ministre à un anglophone, on fait tout pour lui imposer les parallélismes caustiques d’un secrétaire général de la présidence de la République hyperpuissant, qui le fragilise à tout instant. Mais Yang Philémon savait qu’il a un pouvoir de Premier ministre qui lui donne d’être chef du gouvernement, et qu’il doit gouverner le Cameroun avec dynamisme et poigne, il n’aurait pas pu se montrer aussi timoré dans des grands dossiers déterminants de la vie de notre nation, qui ont fini par générer les revendications pertinentes des leaders anglophones, lesquels ont débouché sur une révolte, et récupérés par les esprits maléfiques des tueurs que sont les sécessionnistes.

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Le moins qu’on demandait au Pm, c’est surtout de ne pas se laisser dominer par la politique politicienne d’un biyaïsme dont les folklorisations tonitruantes voudraient essentiellement célébrer à travers des slogans ronflants du genre, « le guide éclairé », « l’homme de paix » et autres rodomontades ubuesques et dégoutantes, la primauté d’un « vieillard fainéant, cynique et jouisseur » (dixit Achille Mbembe). Ebremac. On lui demandait simplement d’être un Premier ministre de culture anglo-saxonne susceptible de s’armer de courage, et capable de mettre en route et en œuvre au plus vite, la politique de décentralisation du Cameroun, qui aurait pu aujourd’hui garantir une forte autonomie des régions et laisser les peuples à participer eux-mêmes à la conduite de leur destin. Si Yang Philémon pouvait comprendre qu’en tant que Premier ministre chef du gouvernement, il devait dominer les ministres récalcitrants et en voie d’émancipation de son autorité, au lieu de se laisser dominer par ceux-ci, et s’imposer comme plaque tournante de conduite du gouvernement de la République, jamais ne on aurait pu voir la crise anglophone se transformer en guerre en régions anglophones.

Yang Philémon pouvait et se devait de remettre au pas, les membres de son gouvernement détenteurs des portefeuilles dont les revendications ont été à l’origine de la crise anglophone. Il n’aurait pas dû laisser s’imposer à lui les intrusions d’un secrétariat général de la présidence de la Républiques s’incruster dans son action, parfois des moments cruciaux du déploiement du gouvernement. Pour illustration, on apprend que les multiples points de presse du porte-parole de son gouvernement le ministre de la communication, Issa Tchiroma Bakary, sur la crise anglophone et sa tragique réalité actuelle, se conçoivent et se préparent, non pas à l’Immeuble Etoile comme devrait l’être, mais plutôt au Palais de l’Unité, précisément au secrétariat général de la présidence de la République où on lui dicte pratiquement quoi dire et comment le dire. Toutes choses qui font croire que Yang Philémon n’a pas pris la mesure du pouvoir qui est le sien en tant que Premier ministre. Et l’impopularité qui le caractérise aujourd’hui dans son fief du Nord-Ouest en particulier, où il a été incapable de ramener le calme et les malfaisants sécessionnistes à leur funeste passion de nuire au Cameroun. Comme quoi Yang ne sait pas qu’il peut…
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