Un mois et demi après son réaménagement ministériel qui a créé des postes vacants, le président de la République n’a toujours pas comblé le vide laissé dans certaines administrations pourtant stratégiques.
Vendredi 2 octobre 2015, le président de la République procède à un réaménagement ministériel et nomme d’autres responsables à la présidence de la République. Cette décision, que le peuple attendait depuis belle lurette, plonge le pays dans une effervescence marquée par le décryptage du gouvernement Yang III.
Mais, ceux qui gardent la tête froide relèvent que ce réaménagement devra être suivi rapidement par d’autres nominations qui incombent uniquement au prince d’Etoudi. Le chef de l’Etat a en effet appelé aux fonctions ministérielles des patrons de l’administration.
Il y a la Dg des Douanes, Minette Libom Li Likeng, nommée ministre des Postes et télécommunications ; Paul Elung Che, jusque-là Dg de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (Csph), est nommé ministre délégué auprès du ministre des Finances ; Séraphin Magloire Fouda, alors secrétaire général adjoint à la présidence de la République est promu secrétaire général des services du Premier ministre ; quant à Dieudonné Samba, il part de son poste de délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Bertoua pour être conseiller spécial du président… D’autres postes d’envergure font également partie de cette liste.
Logiquement, l’on s’attend à ce que Paul Biya procède au remplacement des personnes qu’il vient ainsi de promouvoir. Les oreilles sont tendues, dès le 5 octobre, pour entendre la suite des décrets présidentiels comblant les postes vacants. Un mois exactement après, rien n’a véritablement bougé. Seuls quelques remplacements ont eu lieu, le 23 octobre, dans la préfectorale, Joseph Beti Assomo, devenu ministre de la Défense, est alors remplacé par Samuel Ivaha Diboua au poste de gouverneur de la région du Littoral.
D’autres personnes sont promues gouverneurs le même jour. Ces décrets, évidemment, créent d’autres postes vacants : on a ainsi deux préfectures sans patrons, des directions au ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation (Minatd) sans boss, etc.
Inefficacité des administrations
Le Messager s’est rapproché de la direction générale des Douanes. On y explique que jusqu’à présent, Minette Libom Li Likeng continue d’officier comme Dg. Malgré ses nouvelles fonctions harassantes au Minpostel, c’est toujours elle qui gère les «gros dossiers», même si elle n’est pas présente de manière permanente.
Du côté de la Csph, Paul Elung Che est toujours aux commandes, même s’il s’appuie davantage sur ses collaborateurs qui, parfois, sont obligés de lui faire suivre les dossiers au ministère des Finances. Quant à Dieudonné Samba, depuis qu’il a été nommé conseiller spécial du président de la République, on ne l’a plus revu à Bertoua. C’est le secrétaire général, Dominique Sabolo Meyama qui gère les affaires courantes. En cas de besoin, nous indique une source, des dossiers sont acheminés dans la capitale pour que Dieudonné Samba les apprécie et appose sa signature.
Bien entendu, cette situation constitue un réel blocage pour que l’action de ces administrations soit efficace. « Cette lenteur à désigner de nouveaux responsables à ces postes pénalise le bon fonctionnement des services concernés puisqu’ils ne disposent plus de responsables », analyse Eric-Mathias Owona Nguini, enseignant chercheur et politologue. Seulement, relève-t-il, le retard n’est pas imputable au seul président de la République.
« Ladite lenteur est celle du système qui, en général, a atteint un niveau élevé d’inertie», indique-t-il. Même si l’on peut mentionner au passage que ledit système est l’émanation, sinon la création de celui qui est au pouvoir depuis trois décennies. Et Eric-Mathias Owona Nguini de relever qu’ailleurs, cela se passe différemment : en décidant de nommer à un autre poste quelqu’un qui occupait déjà des responsabilités, on s’arrange immédiatement pour que celui laissé vacant soit pourvu. Malheureusement, au Cameroun, ce n’est pas le cas.
Et la question sur le cumul des fonctions est, bien entendu, remise au-devant de la scène. Un cumul qui bloque l’action des institutions publiques et parapubliques car «un cumulard ne peut pas agir de manière efficace dans plusieurs administrations à la fois», conclut notre interlocuteur.
Paul Biya, qui a tout «le temps du président» comme aiment à le dire ses plus mordants laudateurs, pourrait donc être à l’origine de quelques dysfonctionnements dans ces différentes administrations, puisqu’il tarde à mettre fin à la situation, étant la seule personne autorisée à nommer à ces postes.
Il oublie peut-être que les jours passent assez rapidement… Dans un système prébendier et clientéliste comme celui en vigueur au Cameroun, l’heure serait aussi aux marchandes de toutes sortes. C‘est à qui paierait plus pour occuper un poste « juteux ».