Opinions of Sunday, 10 April 2016

Auteur: camerounlink.com

Affaire Monique: L’analyse du Pr Jean Bahebeck

Le samedi 12 mars dernier, le Cameroun d’abord, puis le monde tout entier en suite, furent ébranlés à travers les réseaux sociaux, par les photos du corps éventré d’une femme ainsi que ses deux jumeaux au sein de l’Hôpital Laquintinie de Douala (Hld).

A la suite de cela, les autorités entreprirent interpellations, interrogatoire et garde à vue des divers intervenants ; les populations elles manifestèrent dans la rue, le ministre de la Santé publique fut contraint à un point de presse le lendemain cependant avant que les journaux s’emballent dans ce qui est désormais l’« affaire du décès de madame Monique Koumatekel et ses deux jumeaux en pleine ville de Douala ».

L’affaire a mis et continue de mettre en action clairement trois parties à savoir : la famille et amis des trois victimes (Monique Koumateke et ces deux jumeaux), la santé publique (les équipes hospitalières destinées à la prise en charge de la victime, l’office de police judicaire qui a fait des interpellations, le ministre de la Santé), et enfin, l’opinion publique (le public qui manifeste dans les rues de Douala, les leaders d’opinions qui prennent position, les partis politiques qui demandent des comptes et sanctions).

L’affaire quant à elle est grave, très grave même et pourrait déchirer la République si rien n’est fait pour la clarifier et calmer les esprits. L’Upc, par le billet de son Secrétaire général, prend ses responsabilités en clarifiant les questions exactes du débat et se prononçant sans ambages et par écrit afin que nul n’en ignore sur chaque question essentielle relative à l’affaire du décès de madame Monique Koumatekel et ses deux jumeaux en pleine ville de Douala.

Mais avant tout, l’Upc présente sa sincère et profonde compassion à la famille si durement éprouvée par trois décès en un; et recommande au président de la République de dépêcher au plus vite un émissaire spécial auprès de la famille à Douala, aux fins de toutes les diligences nécessaires pour des obsèques dignes conformément aux traditions Nkamoises et chrétiennes auxquelles appartenait Monique Koumatekel ; Sans oublier la mise sur pied urgente d’une commission d’enquête multipartite neutre aux fins de retracer de la façon la plus objective les faits tels qu’ils se sont déroulés, comme disent les juges « la vérité, toute la vérité et rien que la vérité », de faire le clair des responsabilités et d’en tirer toutes les conséquences.

En attendant de connaître « la vérité, toute la vérité et rien que la vérité », nous avons tout de même le droit de se poser quelques questions dont les plus communes et les plus importantes sont au moins : Y a-t-il eu faute (s), si oui, combiens à quel niveau ? Nicole T qui a effectué la césarienne post mortem a-t-elle eu tort ? Après Françoise Foning il y a moins d’un an, après le Dr Ngo Nkana il y a quelques mois, voici Monique Koumatekel ; que faudrait-il faire pour que ce genre de décès évitables ne survienne plus dans notre pays ? Pour échafauder des ébauches de réponse à ces questions, on ne peut, au stade où nous en sommes, que s’en tenir aux déclarations officielles, c`est-à-dire, celle du ministère de la Santé sur les antennes nationales le lendemain des évènements.

Cette version révèle en résumé que Monique Koumatekel enceinte et presqu’à terme d’une grossesse gémellaire est d’abord arrivée dans un hôpital de district Nylon ; que par la suite, elle a été conduite par la même voiture à l’hôpital Laquintinie où elle fut déclarée morte dès l’accueil, avant d’être éventrée en post mortem devant la morgue, sans que cela ne permette de sauver les deux bébés.

Première question : Y a-t-il eu faute (s), si oui, combiens et à quel niveau ?

Première réponse : Oui, il y a bel et bien eu faute, il y a eu faute à l’entrée dans les deux hôpitaux ! Pour bien le comprendre, il faut s’imaginer que dans des pays équivalents au notre, mais sérieux, non seulement la venue à l’hôpital de district d’une femme en fin de grossesse se fait par l’ambulance du Samu ou des Sapeurs-pompiers (service d’aide et de médecine d’urgence), mais aussi, le transfert de l’hôpital de district à un hôpital supérieur se fait par le même mode que cidessus ou alors par l’ambulance de l’hôpital de district ! La faute ici, c’est d’avoir laissé une femme enceinte à terme, qui s’est déjà débrouillée à venir en taxi jusqu’à l’hôpital de district, continuer vers Laquintinie en taxi, même éventuellement déjà morte ! Cette faute est celle de l’hôpital de district à condition que le ministère l’ait doté de l’ambulance, du carburant, du chauffeur, et de tout ce qu’il faut pour fonctionner ; dans le cas contraire, la faute sera celle du ministère de la Santé.

La deuxième faute est celle de Laquintinie ; pour le comprendre, il faut s’imaginer que dans les pays comparables où le système de santé est viable, tout accompagnant qui arrive aux urgences avec une personne en détresse morte ou vivante, en est gentiment séparée par une équipe médicale qui s’occupe de la victime, tandis qu’une autre personne s’occupe dans une salle différente, de l’encadrement psychologique de l’accompagnant s’il apparait très affecté ; en tout on ne lui confirme la mort de sa personne que lorsqu’on la juge prête à accepter la vérité la plus dure pour l’être humain : le décès d’un être cher !La faute de Laquintinie, c’est d’avoir annoncé facilement la mort alors même que la défunte gisait dans la voiture ; pire encore de charger la famille de la conduite du corps à la morgue. Cela constituait un vrai abandon à elle-même ! Mais entendons-nous bien ; le personnel travaille comme il est formé ; c’est l’enseignement de la médecine et des sciences de l’infirmière qui est réduit au Cameroun à une accumulation des connaissances livresques et psychomotrices et non pas à une éducation complète qui intègre l’éthique, la discipline et la formation du caractère qui est en cause ici !

Deuxième question : Nicole T qui a effectué la césarienne post mortem a-t-elle eu tort ?

Réponse : Non, Nicole ne peut avoir tort d’avoir voulu sauver les vies de deux bébés ! En plus, l’histoire de la médecine nous apprend que pendant près de 1800 ans, c’est ainsi que l’humanité faisait depuis que l’empereur Jules César décréta une loi 100 ans avant Jésus-Christ, condamnant toute personne qui laisserait mourir dans le ventre un bébé dont la mère était morte ! Oui c’est ainsi que l’intervention pris le nom du roi devenant la « césarienne » !

Et c’est seulement au dix-neuvième siècle qu’avec la découverte de l’anesthésie, l’intervention fut possible sur les femmes vivantes ; pendant près de deux millénaires on ne la faisait que sur les mamans décédées ou mourantes ! Nicole T a la jurisprudence en sa faveur ! On doit plutôt primer sa brave intention malgré le résultat nul !!!!

Troisième question : Après Françoise Foning il y a moins d’un an, après le Dr Ngo Nkana il y a quelques mois, voici Monique Koumatekel que faudrait-il faire pour que ce genre de décès évitables ne survienne plus dans notre pays ?

Réponse : Oui s’en est effectivement trop ! Il faut sanctionner les coupables après avoir établi la vérité et la responsabilité des faits. Mais ce ne sera qu’une solutionnette qui calmera les esprits surchauffés ; la solution, vraie solution est la dissolution complète de ce système de santé hérité de la colonisation et la fondation entière d’un vrai système de santé nationale qui comporte au moins : un réseau national de Samu, une assurance maladie universelle, un réseau national des centres hospitaliers régionaux et universitaires, un système de prise en charge particularisée des groupes sociaux à risques et des maladies graves, un plan de carrière et motivation rationnel et objectif des praticiens fondé non pas sur la discrétion, mais sur le rendement, la discipline, et l’éthique vis-àvis des citoyens sans lesquels nous ne sommes rien !