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Opinions of Friday, 17 November 2017

Auteur: camer.be

A l'intérieur de la théorie du complot Marafa-Harissou

La notion de sûreté est un droit inaliénable dont tout individu jouit La notion de sûreté est un droit inaliénable dont tout individu jouit

Maître Harissou a été libéré de prison le dimanche 12/11/2017 en pleine nuit après trois (03) années de confinement inutile dans les cachots du régime de Yaoundé. Dans un pays normal, Maître Harissou doit être indemnisé en conséquence pour une autre erreur judiciaire flagrante commise par le régime en place depuis 35 ans. La raison pour laquelle Maître Harrissou a été incarcéré est la présomption qu'il planifiait un coup d'État pour installer son ami d'enfance, le ministre d’état, Marafa Hamidou Yaya, lui-même incarcéré sous l'accusation fallacieuse de «complicité intellectuelle de détournement de deniers publics».

C'est là que le CL2P devrait clarifier encore et encore les notions de sûreté et de sécurité nationale.

La notion de sûreté est un droit inaliénable dont tout individu jouit. Ces droits inaliénables sont même antérieurs à l'État-nation. L'érudit allemande Hannah Arendt définit ou lie ce droit à la condition de la natalité, par conséquent, nous avons tous ces droits juste parce que nous sommes nés. D'un autre côté, l'État-nation est responsable de l'ordre public afin que les gens ordinaires puissent jouir de leurs droits inaliénables en toute sûreté.

Dans le cas de Marafa Hamidou Yaya et de tous les autres prisonniers politiques reconnus par le CL2P, même dans l'hypothèse improbable où nous le considérions coupable, le détournement d'argent n'est pas une menace pour l'ordre public. Le détournement d'argent est un crime de droit commun. Cependant au Cameroun il devient curieusement un crime de sécurité nationale, puisque tous les prisonniers politiques reconnus par le CL2P font l'objet d'accusations directement instruites par un cabinet noir placé sous le commandement direct du président Paul Biya (par l'intermédiaire de son cousin Jean Foumane Akame). Il nous est dit qu'ils sont jugés par un régime de droit commun tout en étant pour certains incarcérés dans une prison de haute sécurité (le fameux Sécrétariat d'État à la Défense – SED), donc sous une chaîne de commandement militaire. C'est là qu'il est important de rappeler que ce n'est pas le CL2P qui a fait de ces messieurs des prisonniers politiques mais en réalité le régime de Yaoundé lui-même. Le CL2P a pris et prend simplement acte de ces actes de despotisme légal.

De plus, en raison des activités d'intense sensibilisation menée par de nombreuses organisations de droits de l'Homme, y compris le CL2P, le régime de Yaoundé a réalisé que la condamnation du ministre d’état Marafa Hamidou Yaya pour des accusations grotesques de «intelligence» étaient de plus en plus ténues. Aussi, de nouvelles charges ont été concoctées par le cabinet noir du président pour inclure des accusations (indirectes) de trahison, de complicité d'assassinat, de détention et possession illégale d'armes et de munitions, d'hostilité contre la patrie, de révolution et outrage au Président de la République. Le cabinet noir à mis le paquet contre Maître Abdoulaye Harissou (présenté ou réduit opportunément comme le notaire de Marafa) afin précisément de piéger le ministre Marafa dans une politique meurtrière voulue de lutte contre le terroriste (de Boko Haram) et donc le présenté comme la menace contre la sécurité nationale numéro 1 du Cameroun. Cette mascarade liberticide a été conçue par le cabinet noir du président avec des accusations si farfelues et non étayées par des faits que le régime est fini par réaliser qu'il ne pouvait pas désespérément attraper un éléphant avec le piège d'une souris. Cet autre stratagème politiquement chronométré pour ruiner définitivement la vie de deux grands hommes ne pouvait ainsi pas fonctionner parce que – bien qu'étant amis depuis l'enfance - ils n'appartenaient pas à la même sphère sociale et politique.

Mais une chose est importante à retenir ici: l'accusation d‘« outrage » au président de la république. L'accusation d'outrage est un effet résiduel du code napoléonien qui signifie en fait crime de lèse-majesté. Cette accusation est en vigueur dans une monarchie de droit divin, telle que la Thaïlande, où la personne du roi, en tant qu'incarnation de Dieu sur la terre, est inviolable et sacrée.

Le président du Cameroun et ses semblables devraient clarifier devant les Camerounais ordinaires si nous sommes oui ou non dans une démocratie ou une monarchie.

Car comme l'écrivait Jacques Rancière, chercheur français, la démocratie par nature est scandaleuse. Cela signifie que n'importe qui peut être président comme aux États-Unis. Si le Cameroun est une démocratie, les accusations d‘« outrage au président » ne peuvent donc pas être retenues ni prospérées.

Ainsi, le recours à «l’indignation» est en réalité un outil répressif que le régime utilise pour insinuer une conspiration néfaste que tout le monde est censé connaître. C'est un outil pour faire appel à la vanité intellectuelle et à l'insécurité, un exemple classique du style paranoïaque, inférant ou subodorant des intentions mauvaises dans des faits objectifs, à savoir que M. Marafa a demandé au président Paul Biya de ne plus se présenter dès 2011 et le président l'a aussitôt considéré comme un ennemi. Pourtant tout Camerounais y compris un proche collaborateur peut conseiller ou demander au président de démissionner sans être victime de la théorie du complot et envoyé systématiquement en prison. Essentiellement parce qu'il est un président pas un roi.

Par contre, dans un régime comme au Cameroun où le pouvoir est défini avant tout par l'appartenance ethnique ou tribale, le serment d'allégeance et toutes sortes de réseaux clientélistes néfastes, beaucoup considèrent que dire la vérité au pouvoir est un crime et ce n'est pas le cas. Dire la vérité au pouvoir est un droit dans une démocratie. Il est vrai que le président et ses semblables croient que Marafa Hamidou Yaya veut «l’attraper», mais les motivations de Marafa ne sont même pas importantes dans une démocratie puisque ce sont les électeurs qui décident et non le président. Par conséquent, pourquoi le président Biya ne laisse-t-il pas Marafa se présenter contre lui et concéder enfin au peuple camerounais la liberté de décider?