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Opinions of Lundi, 8 Juin 2015

Auteur: Mariane Simon-Ekane

25 ans du SDF….: Les lignes de démarcation s’affirment

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Le 26 Mai dernier, le sdf fêtait en grandes pompes ses 25 ans d’existence. Tout le monde a remarqué facilement, la présence des « nouveaux hôtes de prestige » du Sdf, accueillis avec beaucoup d’égards. Or, cet anniversaire coïncidait pratiquement avec celui des 25 ans du multipartisme au Kamerun. Mais tout le monde a également remarqué l’absence de certaines figures emblématiques de l’opposition Kamerunaise.

Et pourtant , tous ces absents ont été, pour la plupart, soit à l’origine de la création du sdf, soit à la promotion du leadership de fru Ndi, soit au dévéloppement de la formidable dynamique de l’opposition pendant les chaudes années 1990-1992.

Ces absences s’expliquent –elles par une amnésie incompréhensible du leader du SDF ou bien rentrent–elles dans la nouvelle logique politique du SDF, prélude à un positionnement politique à l’opposé de ses premières alliances ?

Avant d’aborder cette question , ou mieux , pour mieux l’aborder, un petit retour en arrière sur les premières heures du multipartisme et la naissance du SDF.

Sdf est-il devenu trop « people » pour se souvenir de ses amis de la première heure, ceux-là mêmes qui ont toujours été à ses côtés dans la difficulté ? Devant ses militants , est-il de bon ton de s’afficher avec le sultan des Bamouns (qui fut le fameux Ministre de l’Administration Territoriale qui envoya la soldatesque du régime à l’abordage contre les marcheurs du 26 Mais 1990 à Bamenda) ou le secrétaire général du RDPC, le parti au pouvoir qui bloque l’alternance ? Cette question est à l’ordre du jour !

Henriette EKWE, l’amie fidèle des fidèles n’a pas été conviée au festin et encore moins l’UPC des Fidèles ou le MANIDEM. Le Camarade Anicet EKANE n’était pas non plus convié, lui dont le domicile a abrité la réunion de l’opposition qui a désigné John Fru Ndi, comme le candidat de l’opposition à l’élection présidentielle du 11 octobre 1992.

N’était-il pas l’occasion idéale pour reconcilier - avec les anciens Camarades de Fru Ndi partis du SDF- avec son Histoire ? A l’évidence, Ni John Fru Ndi n’est pas Nelson Mandela. Loin s’en faut. Ce dernier rétorquait à Bill Clinton, le président des Etats-Unis qui lui reprochait ses liens avec Cuba et la Libye : « Il y a de la morale en politique. Nous ne pouvons oublier ceux qui étaient avec nous dans les jours les plus sombres de notre histoire ».

Aux glorieuses heures de la fraternité de lutte

Alors parcourons ensemble ces jours passés.

Dans la prison de la Brigade Mixte Mobile (BMM), prison politique de Mboppi où croupissent Me Yondo Black, Ekanè Anicet, Henriette Ekwè, Albert Mukong et les autres, naît l’idée d’une lettre au gouvernement français qui ferme les yeux sur les arrestations du Kamerun. Un Kamerun dont le président a été convié quelques mois plus tôt au Bicentenaire de la Révolution Française à Paris le 14-Juillet 1989.

La lettre reprise par toute la presse internationale ébranle le gouvernement de François Mitterrand. Face à sa colère, la présidence de la République du Kamerun pond un communiqué indiquant que les personnes arrêtées ne l’ont pas été pour avoir voulu créer un parti politique car la Constitution dispose en son article 3 que « les partis politiques concourent à l’expression du suffrage universel ».

Le communiqué poursuit en disant que les personnes arrêtées ont rédigé une déclaration appelant le peuple à se soulever. C’est pour cela qu’ils seront traduits devant le tribunal militaire de Yaoundé. C’était le 14 mars 1990, au journal parlé de la Crtv de 13 heures.

Aussitôt, Albert Mukong passe le message à Fru Ndi à Bamenda lui demandant de saisir cette occasion pour déposer les statuts du Sdf à la préfecture de la Mezam. Lorsque le président du Sdf lance donc la communication sur la marche du 26 mai, il s’agit en réalité du délai de deux mois pendant lesquels il n’a reçu aucune réponse des autorités administratives. C’est donc une disposition réglementaire qui autorise le Sdf a lancé les activités de son parti, car le silence vaut autorisation.

L’épisode de la marche terminée dans les conditions que l’on sait (6 morts), pendant que Me Yondo Black et Anicet Ekané purgeait une peine de trois et quatre ans en déportation, loin de leurs familles, a permi au Sdf de s’offrir une bonne publicité. Mais on ne saurait dire que l’action de Fru Ndi est antérieure à l’action audacieuse des Yondo, Ekané et Mukong.

A la sortie de prison de Yondo et Ekané, se met en place la Coordination des partis politiques de l’Opposition à laquelle le Sdf refuse obstinément d’adhérer. « Je ne m’associe pas au communistes » dira Fru Ndi en parlant de l’UPC combattante.

Puis vient le procès de Njawé et Monga en janvier 1991. Fru Ndi refuse d’abord de venir à Douala à la première audience du 10 janvier. La Coordination, sous la houlette de l’Upc combattante mobilise la rue pour faire une démonstration de force contre le régime.

Devant les images de la télévision montrant la mobilisation populaire de cette première audience, John Fru ndi fait une apparition tonitruante à l’audience du 17 janvier. La mobilisation populaire avait déjà gagné en intensité et le tribunal prononce la relaxe de Njawé et Monga.

Fru Ndi a montré là son opportunisme à tout crin.

Il faudra attendre le mois d’avril 1991, alors que la Coordination prend en main l’opération des villes mortes initiée par Mbouah Massock, pour que Fru Ndi assiste à la réunion de la Coordination à Limbé où il marque enfin son adhésion.

A l’époque l’Undp est de loin plus active que le SDF dans tout le pays.

Le reste du temps, il se montrera loyal, pendant que le Sdf continue à grandir. Mais, surprise, contre toute attente, il se rend à la Tripartie de novembre 1991 qui vise à tuer la Coordination et surtout à donner à Paul Biya une preuve qu’il peut organiser un dialogue national qui ne soit pas la Conférence nationale souveraine. La Coordination avait émis des réserves pour toute participation à cette tripartite, Fru Ndi n’en a pas tenu compte !

La conséquence est que, en début d’année 1992, la Coordination explose. Une nouvelle alliance pour poursuivre le combat se met en place. Elle s’appelle l’ARC-CNS (l’Alliance pour le Redressement du Cameroun par la Conférence Nationale Souveraine).

A l’annonce de l’élection présidentielle du 11 octobre 1992, l’Arc-Cns se réunit en septembre sous la houlette de Michel Ndoh, président de l’UPC-MANIDEM et Président de L’Arc-Cns, au domicile d’un de ses dirigeants, Anicet Ekané. C’est ce jour-là que Ni John Fru Ndi est désigné comme candidat de ce regroupement. Pourquoi ? On peut se poser la question.

La naissance dans le sang du SDF a déjà fabriqué le mythe Fru Ndi, et ce dernier apparaît également , à cette époque, comme un leader courageux prêt à en découdre avec le régime rdpc. Ce jour-là, le Sdf doit tenir son congrès d’investiture dans l’après-midi au Cinéma l’Eden de Douala. Fru Ndi demande à ses pairs de tenir la réunion de l’Arc-Cns dans la matinée, piégeant ainsi les autres membres de l’ARC-CNS.

Une fois l’investiture obtenue en présence de François Senga-Kouo, Fru Ndi demande à aller chercher son épouse Rose pour qu’elle soit tout de suite associée à cet événement important de sa vie. Immédiatement la séance photos a lieu pour immortaliser cet instant solennel, avant que le Chairman du Sdf ne demande à ses compagnons de l’opposition de l’accompagner au congrès d’investiture du Sdf dans l’après-midi. Fru Ndi avait caché à ses compagnons de l’ARC-CNS qu’il n’était pas encore le candidat de son parti pour l’élection présidentielle.

La colère des prétendants à l’investiture au SDF se fait point attendre. Bernard Muna prend le micro pour fustiger la « manœuvre de l’opposition » qui impose de fait son candidat à leur parti alors qu’elle aurait pu attendre le résultat du vote des congressistes du Sdf.

Le rôle déterminant de l’UPC combattante

L’Arc-Cns prépare désormais la réunion de Yaoundé au cours de laquelle ce regroupement doit présenter une plateforme pour fédérer toutes les forces de l’opposition en vue de l’élection présidentielle.

La veille de cette réunion importante, le secrétariat de l’UPC-Manidem se réunit à Douala et étudie la proposition de son secrétaire général Moukoko Priso. Ce dernier a, non seulement rédigé une plateforme mais a également traduit le texte en anglais et donné à ce nouveau regroupement attendu le nom d’Union Pour le Changement (Union for Change).

Henriette EKWE, Anicet Ekané et Louka Basile représentent ce parti à la grande réunion de Yaoundé, au siège de l’Ufdc à Tsinga.

Toutes les délégations sont unanimes pour adopter la proposition de l’UPC-Manidem. Ainsi naît la force politique qui emportera la victoire historique de l’opposition en 1992. Malheureusement le SDF et son leader en font une victoire de leur parti.

Le Camarade Anicet Ekané, porte parole officiel de l’UPC-Manidem, prend l’initiative de créer un journal de campagne de l’Union pour le Changement intitulé OBJECTIF Etoudi. Ce journal bilingue, entièrement financé par l’UPC-Manidem, tiré à des centaines de milliers d’exemplaires pendant la campagne , sur plusieurs éditions, contribuera de façon décisive à la diffusion des idées de l’Union Pour le Changement.

Mais paradoxe des paradoxes, le grand Ni John Fru Ndi n’aura même pas l’élégance d’inscrire les upécistes sur la liste des intervenants de la campagne télévisée. A cette époque déjà, Fru Ndi avait en ligne de mire, certains absents de la commémoration d’aujourd’hui.

C’est l’occasion d’évoquer aussi l’événement dramatique où notre camarade aujourd’hui disparu, Jean-Bosco Nkwétché a soustrait le chairman d’une fusillade alors que la police chargeait au cours d’une manifestation à Bafoussam en 1991. Cet « amnésique politique » aurait-il oublié tout cela ? Au plan international aussi, John Fru Ndi fait preuve de la même amnésie politique inquiétante pour ses « amis ».

Ainsi, le président de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, qu’il a connu à l’Internationale socialiste, a eu à l’apprendre à ses dépens.

Et pourtant Gbagbo s’est toujours montré d’une générosité sans borne vis-à-vis du Sdf et de Fru Ndi.

Toujours reçu en grande pompe avec son épouse, suites luxueuses dans des palaces, limousines et du Cfa pour ses courses, sans compter le soutien officiel du FPI en argent au parti « frère » lors d’élections importantes.

Mais lorsque le président Gbagbo s’est trouvé en difficulté aussi bien en 2004 qu’en 2010-2011, on n’a pas entendu un seul son de la voix de Fru Ndi.

C’est l’Upc combattante et le Manidem qui se sont déployés sur les plateaux de télévision et dans la rue pour appeler le peuple kamerunais au soutien des combattants ivoiriens. Pendant ce temps, des dirigeants du Sdf se pavanaient sur les plateaux de télévision pour déclarer leur flamme au pion de Sarkozy, Alassane Dramane Ouattara.

Un documentaire diffusé sur la Radio Télévision Ivoirienne attestera de ce soutien du peuple kamerunais au peuple ivoirien. Ce documentaire mettra en évidence le soutien de ces deux formations politiques au Fpi. Le Manidem tentera même de tenir un meeting populaire au stade Marion de la Cité Sic. Ce meeting se déportera à la permanence du Manidem, qui sera sauvagement saccagée par la soldatesque du régime. Plusieurs manifestants seront tabassés et gravement blessés.

Seul Fopoussi Evariste, dirigeant du Sdf, sera aperçu au siège du Manidem. Où était donc le grand Ni John Fru Ndi ? Dans les sissonghos !!!

La démarcation idéologique

Depuis ces années 90, chacun des partis a pris son chemin propre, mais aussi bien l’Upc des Fidèles que le Manidem sont toujours arrimés à l’opposition, la vraie, la radicale. Cette seule donnée aurait dû suffire pour que ces formations politiques soient conviées au 25ème anniversaire du Sdf.

Sauf bien sûr si, le SDF et son leader ne se reconnaissent plus dans l’opposition radicale et n’assument le rôle de leadership de l’opposition radicale.

Le regroupement du 26 mai 2015 à Bamenda apporte un début de réponse à ce questionnement. En réalité, le 26 Mai 2015 marque une étape importante dans la reconstitution politique (pas organisationnelle) de l’ancienne UNC. Le camp du maintien du système néo-colonial, de sa réforme, ou de son aménagement s’est reconstitué à Bamenda.

La magie de l’Histoire a fait en sorte que presqu’au même moment, à Douala le 23-24 Mai, lors du 3ème Congrès du Manidem, baptisé « Le Manidem au cœur du patriotisme », le camp de la Rupture avec le système néocolonial se consolidait. L’Histoire est en marche ……

Il n’est point question de pousser le SDF vers le régime rdpc. Mais le temps est venu pour que la clarification politique guide les masses Kamerunaises dans leur engagement, dans leur mobilisation , et dans leurs choix. Les passerelles ne sont pas coupées, sauf avis contraire de nos anciens amis politiques, mais au moins, les messages politiques du Front Progressiste et Panafricaniste, ne doivent plus être brouillés par la démagogie, le mensonge et la manipulation.

« La lutte du peuple Kamerunais », disait Um Nyobé, « est comme le train qui va de Douala à Yaoundé. Certains montent à Douala, d’autres montent ou descendent sur le parcours, mais le train lui arrivera à Yaoundé » Pensez-vous que ce train est si éloigné de yaoundé ?

Tic tac tic tac tic tac …tic !BOUMMM !!!

Man no run oooohhh !!!

Mariane Simon-Ekane

Membre du Bureau Politique du Manidem

Membre du Front Progressiste et Panafricaniste