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Culture of Friday, 19 June 2015

Source: doualackomentmag.com

Mario Epanya, une success-story noire foncée

Mario Epanya Mario Epanya

Son nom ne vous dira peut-être pas grand-chose, mais par beaucoup il est considéré comme l’un des ambassadeurs de ce qu’il a lui-même coutume d’appeler la «beauté noire» !

Armé de son appareil photo, l’artiste Mario Epanya est de ceux-là qui ambitionnent de faire connaitre au monde entier la beauté de la femme africaine, fière de ses nuances ébène.

DCK vous amène aujourd’hui à la rencontre de ce photographe de talent.

Bonjour Mario Epanya, déjà merci pour ces quelques minutes que vous nous accordez. Comment allez-vous ?

Bien Merci. J’espère que vous aussi.
Egalement… Pour ceux de nos lecteurs qui ne vous connaissent pas, une petite présentation ?

Je suis Mario Epanya. Je suis originaire de Douala, j’y suis né et j’y ai grandi. Très tôt je me suis intéressé aux métiers de l’art et j’ai décidé de faire de cette passion mon gagne-pain. Je me suis pour cela installé en France il y a une quinzaine d’années, et j’y travaille depuis comme Photographe et Directeur artistique de ma propre boite «Studio Epanya Paris».

Nombreux au Cameroun sont ceux qui classent encore les métiers de photographe ou de maquilleur dans la catégorie des « petits métiers ». Comment devient-on photographe et maquilleur professionnel ? Plus encore, comment devient-on photographe de mode ?

Oui, malheureusement les métiers de l’art ne sont pas vraiment considérés dans certains pays en Afrique. C’est peut-être culturel j’en sais rien mais bref …de façon traditionnelle, l’on devient photographe ou maquilleur professionnel en s’inscrivant dans une école de Photographie ou de Maquillage afin d’apprendre les bases des métiers, bien que cela n’ait pas été mon cas.

Je suis autodidacte et très ambitieux. J’ai appris en assistant de grands maquilleurs et photographes, et selon moi il n’y a pas de meilleure école.

On rentre directement les mains dans le cambouis, on apprend vite le métier, ses avantages et inconvénients et on rencontre des personnes créatives, qui peuvent nous faire évoluer dans le milieu de la mode juste en claquant des doigts et cerise sur le gâteau, on ne dépense pas un sou, on y gagne plutôt.

Par contre devenir Photographe de mode est une autre paire de manches car il ne s’agit pas seulement de photographier des robes, il faut avoir une grande culture de la mode, anticiper, connaitre l’histoire de la mode, les grands noms de la photo de mode et acteurs de ce milieu, les directions artistiques des maisons, assister aux défilés de mode, savoir faire la différence entre la collection de la saison dernière et la nouvelle, etc… Un vrai combat en soi.

Devenir un photographe de mode n’est pas chose facile car une fois qu’on a ce bagage intellectuel et technique, la seconde étape est de se créer un réseau. Et ce n’est pas gagné car le milieu de la mode est très fermé.
Quel regard portez-vous sur l’évolution de la mode au Cameroun ?

Difficile à dire car je n’y vis pas et je ne sais pas ce qui s’y passe, mais le K-walk est une belle initiative. Et je pense que les choses vont dans le bons sens mais il en faut plus… Des agences de coiffure, maquillage, photographie, des écoles d’art, des agences créatives de communication et une main d’œuvre bien formée sur place.

Des salons sur les fabrications de textiles, des concours, des bourses… Je pense qu’il faut aller dans cette direction car la mode et tout ce que cela englobe est un secteur économique pas du tout négligeable, qui crée beaucoup d’emplois et pourra avec de l’efficacité se porter fer de lance d’un savoir-faire made in Cameroun à travers le monde.

K-walk, Africa connection, Annual Show, sont quelques uns des nombreux évènements organisés au Cameroun pour promouvoir la mode camerounaise et africaine. Dans les colonnes de Forbes Afrique vous affirmiez que le concept de fashion week en Afrique devrait être repensé. Qu’il fallait je vous cite : «ralentir le rythme». Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Pour beaucoup La Fashion Week est juste un show, mais au-delà de ce cliché c’est avant tout un rendez-vous d’acheteurs de grandes enseignes du monde entier, organisé par les différentes chambres syndicales de prêt-à-porter ou de créateurs de mode, des pays figurant sur la liste officielle. Ils viennent regarder les nouvelles collections des maisons de coutures et prêt-à-porter afin de voir ce qu’ils mettront dans leurs chaines de magasins. La Fashion Week permet également aux stylistes de se distinguer, de s’exprimer face aux rédacteurs de magazines avant-gardistes.

Ceci dit, le but premier reste de VENDRE, et aussi de faire la fête avec son équipe après avoir passé 6 mois enfermés à préparer une collection entière, et repartir pour une nouvelle saison.

J’ai juste l’impression qu’on privilégie plus le côté «show» avec toutes ces Fashion weeks. Dans certains pays en Afrique, elles ne sont pas organisées par une chambre syndicale avec un calendrier précis et acheteurs, les collections pour la plupart du temps ne sont dans aucun showroom, et il n’est pas évident de trouver en boutique les créations de certains stylistes africains.

Je pense que les ministères de l’artisanat et culture devraient aider ces créateurs à mieux s’organiser et produire un calendrier harmonieux qui permettra a l’Afrique de rentrer dans la cour des grands, et que les créateurs, couturiers et tous les acteurs du secteur puissent en profiter.
Vous aviez pour ambition de promouvoir l’image de la femme noire, et de la femme africaine à travers le projet « Vogue Africa ». Pourquoi selon vous le projet n’a-t-il pas abouti ?

Pas de boutiques Gucci et Prada en Afrique .Et ce magazine s’adresse à une clientèle ciblée avec des codes spécifiques et c’est un choix stratégique de s’adresser a une certaine classe .C’est un peu plus complexe que ça. Certes, on n’a pas encore la version papier du Vogue Africa, mais le Vogue Italie a créé sur sa plateforme digitale une version du Vogue Africa baptisée «Black Vogue» six mois après ma proposition. Et je ne vais pas m’étaler sur l’ampleur qu’a pris la mode et les codes afro sur la mode internationale …Donc pour moi, c’est une plutôt réussite car tout ceci se banalise peu à peu.
Quelques mois après cet échec, vous avez lancé «Winkler Magazine». Dites-nous en plus.

Oui, il s’agissait plus d’un test en effet «pour voir», mais bon la communauté aurait visiblement préféré que Condé Nast fasse un magazine car à chaque fois que Vogue ou autre magazine consacre un numéro « aux blacks », c’est la rupture de stock assurée pour eux, d’où l’engouement plus prononcé de la communauté pour le Vogue Africa que pour Winkler. Nous africains sommes très réputés pour ne pas soutenir le business de nos frères, c’est toujours mieux quand c’est fait par l’autre … l’étranger.
Vous qui magnifiez tant la beauté noire, avez-vous un message à passer à celles d’entre nos sœurs qui rêvent de peau blanche ?

LOL ! Ce serait prétentieux de ma part de dire aux femmes ce qu’elles doivent faire ou pas elles sont majeures et vaccinées. Je ne montre que ce que moi je trouve beau après on peut être d’accord ou pas. Moi j’aime beaucoup la peau foncée, je la trouve belle, un vrai ornement.

Merci Mario pour cet entretien édifiant. Comme il est de coutume pour nos invités, dites-nous, votre Douala C’Koment ?

Merci à vous également, et bonne continuation dans votre projet … Mon douala c’était l’insouciance, les rires, les beignets-haricots le soir… Voilà !