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Culture of Tuesday, 21 August 2018

Source: camer.be

Je ne triche pas à l’art- Sam Mbende

Sam Mbende annonce une tournée camerounaise et africaine Sam Mbende annonce une tournée camerounaise et africaine

Absent de la scène depuis quelques années déjà, Sam Mbende annonce une tournée camerounaise et africaine et la sortie de son prochain album. L’artiste musicien rencontré par Mutations parle également du droit d’auteur et des problèmes qui minent ce secteur.

On ne vous voit plus dans le combat sur le droit d’auteur au Cameroun. A l’inverse, vous êtes visibles dans plusieurs pays africains, européens et américains avec les organismes de droits d’auteurs. Quel est votre rôle dans ces organismes internationaux dans ces pays ?

Je suis le président de l’Alliance panafricaine des auteurs compositeurs de musique, connue sous le nom de la Panafrican composer’s and song writer’s Alliance (Pacsa). C’est une organisation née en 2010 sous l’impulsion de grosses pointures de la musique africaine telles que Salif Keita, Youssou Ndour, Papa Wemba, Angelique Kidjo, Richard Bona et bien d’autres.

Les auteurs africains, via le réseau Cisac ont ainsi fait le choix de créer une organisation dont le rôle est de faire du lobbying auprès des gouvernements africains, des institutions nationales et internationales afin de défendre les droits des artistes africains. Face à l’ampleur des problèmes de droit d’auteur en Afrique et surtout avec l’arrivée du numérique qui ne facilite pas les choses. Vous comprenez aisément pourquoi je travaille comme un forçat.

Est-ce la raison pour laquelle vous ne faites plus de spectacles ?

Il y a deux sortes de spectacles pour les Camerounais. Il y a ceux-là qui sillonnent certains domiciles privés où on mange les beignets et le haricot en faisant des playbacks. S’ils appellent ça spectacles, je leur dis chapeau. Par ailleurs, il y a de vraies salles de spectacles. Je me refuse de prendre l’option de dire que j’organise un spectacle dans un ou deux ans. Cependant, je suis en train de préparer mon glamour tour, au Cameroun et en Afrique. Et cela demande du temps, pour aller jouer dans des salles de spectacles, et en live. C’est de cela qu’il s’agit car je ne triche pas avec l’art.

Vous parlez de la préparation de votre Glamour tour. Qu’en est-il de votre prochain album ? A quand la sortie ?

Je ne peux pas répondre à cette question avec certitude. Je sais quand j’entre en studio, mais je ne sais pas quand j’en sors. L’album en gestation s’appelle « En duo majeur ». Pour cet album, j’ai choisi des auteurs que j’aime bien écouter et qui ne chantent pas forcement dans le même registre que moi. Si Sam Mbende et Greg Belobo doivent par exemple chanter ensemble, c’est deux registres différents. Il est un ténor et je suis un soprano. Je fais quelque chose qui est à l’opposé de ce qu’il fait. Et il faut pouvoir le faire, chanter avec des gens qui ne sont pas dans mon registre et ce n’est pas facile.

La Société nationale camerounaise de l’art musical (Sonacam) a vu le jour il y a bientôt un an. Avez-vous déjà rencontré les dirigeants de la Sonacam et des autres sociétés de droit d’auteur pour un travail en commun ?

Je suis demandeur de la paix. Depuis 2008, j’ai été le plus vilipendé. Mais, personne ne peut m’empêcher d’apporter mon expertise. J’ai une expertise à faire valoir et je le ferai dorénavant pour ouvrir les yeux aux gens.

On ne peut pas continuer à venir escroquer les bars sous le prétexte fallacieux qu’on a un agrément. Les sociétés camerounaises n’ont même pas des accords de représentation entre elles. En matière de droit d’auteur, on parle de contrat de représentation. En d’autres termes, je représente ton répertoire et tu représentes le mien. Et on signe. C’est clair qu’il manque d’expertise et de ressources humaines dans le domaine au Cameroun. Le désordre persiste dans le secteur de l’art musical et ce n’est pas uniquement du fait des artistes. L’Etat, qui était supposé mettre de l’ordre dans le secteur, surprend par son piétinement violent des décisions de justice et ses actes administratifs qui sont pris sans aucune base juridique.

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En 2008, c’est le ministère des Arts et de la culture qui, au mépris des dispositions législatives et réglementaires, a créé la Socam. L'information claire et nette. En 2017, c’est encore le ministère des Arts et de la culture qui, à travers un acte d’autorité entaché d’illégalité parce que violant le principe de la liberté contractuelle tel que prescrit par la loi N°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins du droit d’auteur et le décret N°2015/3979/PM du 25 septembre 2015 fixant les modalités d’application de ladite loi, modifié et complété par le décret N°2016/4281/PM du 21 septembre 2016, en matière de création d’un organisme de gestion collective, a créé la Sonacam. L’impact de cette crise se révèle dévastateur aujourd’hui. Et la seule évocation de ce contexte suffit à révéler l’acuité et l’urgence des problèmes à résoudre.

Les exploitants des débits de boisson se plaignent de la pression que leur mettent les sociétés de droit d’auteur. Qu’elles peuvent en être les causes ?

Il ne faut pas qu’on s’acharne pour rien sur les exploitants des débits de boisson. Ils ne sont pas les seuls usagers du droit d’auteur. Pourquoi ces sociétés de droit d’auteur ne vont pas vers les chaines de télévision ou de radio où la consommation des oeuvres musicales est massive ? Pourquoi se focalisent-elles sur les Brasseries du Cameroun, sur les sociétés de téléphonie mobile ? Pourquoi ne vontelles pas vers d’autres usagers ?

Aujourd’hui, la gestion des droits d’auteur a changé. Nous sommes dans le numérique. Comment allons-nous faire ? La question est posée avec acuité car on ne doit plus gérer le droit d’auteur comme si on était dans les années 90. Aujourd’hui c’est le digital, le streaming, ce sont des plateformes avec Google, Amazone, Facebook, Apple. L’enjeu est plus qu’international. Le ministère des Arts et de la culture et tous les acteurs du domaine en sont-ils conscients ?

La Société nationale camerounaise de l’art musical (Sonacam) bénéficie d’un agrément depuis décembre 2017. Et malgré la polémique qui enfle au sujet de sa légalité, certaines structures telles que les exploitants des débits de boisson se plaignent de ce que ses percepteurs sont sur le terrain pour percevoir des redevances qui datent de plusieurs années. Les exigences en la matière doivent-elles être les mêmes pour cette société de droit d’auteur ?

Affirmatif. La loi sur le droit d’auteur et les droits voisins du droit d’auteur est générale et abstraite. Elle ne vise aucune société de droit d’auteur en particulier. L’article 78 de ladite loi dispose en effet qu’une société de droit d’auteur doit avoir une documentation, donc le répertoire des membres et des œuvres.

Et un membre est celui qui a signé un acte d’adhésion formel pour adhérer à une société de gestion collective. Sans cet acte-là, un auteur n’est pas membre d’une société de droit d’auteur. Cependant, tous les auteurs camerounais ou étrangers ne sont pas obligés d’adhérer à une société de gestion collective. Si je n’ai pas adhéré à une société de gestion collective, je peux me présenter un matin dans un snack ou un bar, une chaine de télé ou une radio pour demander à être payé du simple fait que tel snack ou bar a joué mes oeuvres. L’article 75 de la loi l’autorise.

Par ailleurs, concernant les redevances revendiquées par la structure que vous citez plus haut, je préfère me taire face au ridicule d’une telle démarche. Un agrément est-il rétroactif ? Allez donc savoir ! Vous ne pouvez pas exister en décembre 2017 et réclamer aux usagers le paiement des redevances allant de 2014 à 2017. C’est un véritable bricolage en matière de droit d’auteur.