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Culture of Tuesday, 28 August 2018

Source: camer.be

André Marie Talla: l’insondable destin d’une icone planétaire

Première publication d’une série consacrée à l’artiste Première publication d’une série consacrée à l’artiste

Sa célébrité planétaire tient d’un chamboulement quasi sismique. André Marie Tala est un miraculé dont la vie, à partir de l’âge de 15 ans, est devenue un véritable conte de fées. Sa trajectoire nous renseigne que si dans la vie, rien n’est jamais acquis, tout n’est jamais perdu non plus. Première publication d’une série consacrée à l’artiste.

Orphelin à 4 ans, frappé de cécité à 15 ans

Personne de son entourage n’aurait parié sur l’exceptionnelle carrière musicale qu’André Marie Tala mène, tambour battant, depuis bientôt 50 ans à travers le monde. Le jeune enfant, orphelin de mère dès l’âge de 4 ans, perd quelque chose d’aussi précieux quelques années plus tard : sa vue. Il est au CM2 et s’apprête à franchir le cap pour le collège, sans doute aussi pour de bonnes études et une belle carrière de fonctionnaire plus tard, comme en rêvaient beaucoup à l’époque. Mais du jour au lendemain, il ne peut plus voir ! Une légende raconte que c’est son maître qui lui avait fait perdre la vue en le bastonnant. Rien de plus faux, dément André Marie Tala : «Du jour au lendemain, ma vue a commencé à se dégrader, jusqu’à ce que je ne vois plus rien à l’âge de 15 ans. Quant à l’incident avec mon maître, il m’avait certes frappé très violemment avec un bambou, mais je ne crois pas qu’il y a eu une relation de cause à effet. Il s’était senti humilié quand, protestant à une injustice parce qu’il m’avait frappé en lieu et place de mon camarade qui troublait alors que je m’étais juste contenté de lui demander de se taire, je l’ai véhémentement repris. Il ne l’a pas supporté. Mais ce n’est pas à cause de la bastonnade que j’ai perdu la vue.»

Méku Mamwa Thérèse, véritable coach

Coup d’arrêt pour ses études et disparition de son père dans la foulée. Le sol se fendille sous ses pieds. Logiquement, le jeune adolescent était bon pour l’impasse. Que non ! Certaines personnes deviennent redoutables face à l’adversité. C’est son cas. Malgré son handicap, il va rebondir… dans la musique. Où a-t-il pu trouver les ressorts pour ne pas sombrer ? Auprès de sa grand-mère, Méku Mamwa Thérèse, véritable coach en développement personnel avant l’heure, très connue à Bandjoun pour les rites de célébration des jumeaux. Elle l’avait pris sous son aile après le décès de sa mère : «Ma grand-mère m’avait inculqué très tôt tous les fondamentaux de la vie. Une femme très honnête. Les études montrent que si tu veux inculquer quelque chose à un enfant, il faut le faire avant l’âge de 15 ans. C’est dans cette tranche d’âge qu’il faut fixer les bases. C’est ce qu’elle a fait pour moi. Ce qui fait que j’ai grandi avec tout ce qu’il y a de bon chez un être humain. Elle était allée jusqu’à nous interdire d’assister à une bagarre… Avec tout cela, associé à la culture spirituelle de notre famille, il était impossible de mal tourner. »

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A quelque chose, malheur est bon !

Mais c’est d’abord et avant tout sur la foi qu’André Marie Tala s’est appuyé : «Juste après avoir été baptisé et confirmé, j’ai perdu la vue. J’ai gardé mon chapelet comme un élément indispensable, en priant tous les jours. C’est de là que j’ai eu toutes les forces pour avancer sans crainte, sans aucune peur alors même que je n’avais aucun modèle pour guider mes pas.» Après ce choc qu’on peut considérer le choc de sa vie, il a rêvé toutes les nuits, recevant des assurances pour l’avenir : «J’ai vu par exemple très clairement que je devais aller en France. Et 7 ans plus tard, je m’envolais pour la France, ayant payé mon propre billet et celui de mon accompagnateur. Un budget que toute ma famille réunie n’aurait jamais pu rassembler. Ce n’est pas un miracle ça ?» Troisième élément de motivation : l’amour de sa grand’mère bien sûr, de ses trois oncles et d’une tante. Et enfin, l’acharnement au travail.

Première guitare à cinq cordes en bambou

Cet homme déterminé et méticuleux recrute dans le même temps un instituteur pour poursuivre son éducation en français. On comprend pourquoi il parle une langue aussi châtiée qu’un universitaire. Et pas seulement : «Je suis à l’aise pour parler de n’importe quel sujet, en dehors des mathématiques, car je m’en suis donné les moyens tout au long de ma vie». Mais comment se retrouve-t-il à jouer de la musique ? «A l’école primaire, je faisais partie du groupe de musique qu’on appelait Groupe d’Ecoliers Chrétiens. Il y en avait deux d’envergure à Bandjoun : celui de la mission catholique de Pète et celui de la mission catholique de Mbouo auquel j’appartenais, dirigé par le catéchiste Rémy Fokoua. J’étais batteur de tambour dans ce groupe. Avec mon ami et homonyme Tala Joseph, nous avons fabriqué notre première guitare à cinq cordes en bambou avec des fils de pêche».

18 à 20 heures de travail par jour

La première véritable guitare à laquelle il s’exerce c’est celle de son oncle Tala Joseph qui était commando, formé pour combattre ce qu’on appelait alors les maquisards. «Je suis aux anges à la vue de cette guitare. Mais à force de la manipuler sans en maîtriser l’usage, je vais finir par en casser une corde. Ce qui provoque la colère de mon oncle.» Finalement, il aura sa propre guitare, don de son autre oncle Wafo Paul. «J’ai alors compris que c’était le tournant de ma vie», dit-il. Son objectif ? Maîtriser la guitare. Etant autodidacte, il s’offre un manuel des accords. Son ami et plus que frère Emmanuel Tafam lui sera d’un précieux recours : il lit pour lui et l’aide à pratiquer les leçons tirées de ce manuel. André Marie Tala travaille tous les jours sans répit. Il approche d’autres copains de l’orchestre du Lycée classique de Bafoussam dont David Tsakou alias King Kong qui l’entraîne. Le jeune adolescent, qui a maintenant 17 ans, travaille de 18 à 20 heures par jour et ce pendant deux ans.