Joseph Kabila, l'ex-président de la République Démocratique du Congo, a critiqué le gouvernement de son successeur, le qualifiant de "dictature".
Le quinquagénaire a prononcé un discours de quarante-cinq minutes en direct sur YouTube vendredi soir depuis un endroit non précisé, un jour après que le Sénat a levé son immunité judiciaire.
Les autorités judiciaires de la RDC ont l'intention d'inculper l'ancien président de trahison et de crimes de guerre, en le liant aux rebelles du M23 soutenus par le Rwanda. Ces rebelles ont pris le contrôle de plusieurs villes de l'est du pays.
Kabila, au pouvoir entre 2001 et 2019, a déclaré avoir rompu son silence parce qu'il estimait que l'unité du pays était en danger.
Le gouvernement de Félix Tshisekedi n'a pas répondu au discours dans lequel Kabila a également présenté un plan en 12 points. L'ex-président déclare pouvoir aider à mettre fin à des décennies d'insécurité dans l'est du pays, qui est riche en ressources minières.
Vêtu d'un costume bleu marine avec un badge du drapeau congolais épinglé à son revers, Kabila se tenait devant un pupitre. Son discours qualifié d'"adresse à la nation" a été précédé de l'hymne national.
Le lien YouTube partagé par son porte-parole a ensuite été supprimé, mais l'enregistrement a été publié par de nombreux autres comptes.
Autrefois allié de Tshisekedi, Kabila s'est brouillé avec son successeur. La coalition constituée par les partis des deux leaders a officiellement pris fin en 2020.
L'ancien président vit à l'étranger depuis deux ans - il est parti initialement pour poursuivre un doctorat en Afrique du Sud.
Lors de son discours, il a critiqué les "décisions arbitraires" prises par le gouvernement le mois dernier, après des "rumeurs" selon lesquelles il s'était rendu dans la ville de Goma, dans l'est de la RDC.
Cela a poussé les autorités à interdire le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), sa formation politique, et à ordonner la saisie de ses biens.
Tout cela "témoigne de la chute spectaculaire de la démocratie dans notre pays", a déclaré Kabila.
Dans son discours, il a mentionné qu'il avait l'intention de se rendre à Goma "dans les jours à venir". Il n'y serait pas en danger d'arrestation, car la ville est sous le contrôle des rebelles du M23 depuis janvier.
Kabila a également reproché au président congolais d'avoir tenté de saper la Constitution et le Parlement du pays. Le système judiciaire est "ouvertement exploité à des fins politiques", a-t-il dit.
L'ex-président de la RDC a critiqué la gestion de l'économie congolaise. Il a dénoncé la corruption et a soutenu que la dette publique avait "explosé" à plus de 10 milliards de dollars américains, environ 5 721 milliards de francs CFA.
Kabila, un ancien général, a fustigé la situation sécuritaire du pays, en particulier l'utilisation de milices pro-gouvernementales comme "auxiliaires" des forces armées.
"L'armée nationale… a été remplacée par des bandes de mercenaires, des groupes armés, des milices tribales et des forces armées étrangères, qui ont non seulement démontré leurs limites mais ont également plongé le pays dans un chaos indescriptible", a-t-il soutenu.
Les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), l'un de ces groupes armés, est une milice de l'ethnie des Hutus impliquée dans le génocide rwandais de 1994 et toujours active dans l'est de la RDC.
Le Rwanda considère la présence des rebelles des FDLR comme une menace existentielle. Des troupes rwandaises sont actuellement présentes en RDC, en guise de soutien au M23.
Kabila a appelé au retrait de "toutes les troupes étrangères" de la RDC et a salué une récente décision de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) de retirer les troupes déployées pour aider l'armée à combattre le M23.
L'ancien président estime que les réalisations qu'il a accomplies ont été anéanties.
"En un temps record - six ans - nous sommes revenus à la case départ : celle d'un État échoué, divisé, désintégré, au bord de l'implosion, et figurant en tête de liste des pays les plus corrompus et les plus lourdement endettés", a-t-il déclaré.
Les réactions à son discours ont été mitigées.
"La dictature doit prendre fin. La démocratie, ainsi que la bonne gouvernance économique et sociale doivent être restaurées", a-t-il déclaré vers la fin du discours.
Kabila a noté que le gouvernement avait "enfin résolu de s'asseoir autour de la même table" avec le M23.
Mais, selon lui, d'autres initiatives de paix à l'échelle nationale, soutenues par l'Église catholique, doivent être poursuivies.
La RDC et le Rwanda, qui dément les accusations selon lesquelles il soutiendrait le M23, pourraient arriver à un accord de paix pour mettre fin aux combats.
Des centaines de milliers de civils ont été forcés de quitter leur domicile durant ces derniers mois.
Les deux pays ont signé un accord préliminaire à Washington, le mois dernier, et ont déclaré être parvenus à un chemin vers la paix.