Ses avocats déclarent s'incliner devant la décision de la haute cour de justice de la RDC. "La loi, comme on le dit, est dure, mais c'est la loi", a indiqué Me Joël Kitengue, l'un des avocats.
L'ex-ministre de la Justice de la République Démocratique du Congo, Constant Mutamba a clamé son innocence le long du procès. Pour lui, c'est une cabale ourdie contre sa personne dans le but de l'écarter du gouvernement.
Mais il n'a pas réussi à convaincre les juges de la Cour de cassation de Kinshasa qui l'ont condamné ce mardi 2 septembre à trois ans de travaux forcés et cinq ans d'interdiction d'accès à toute fonction publique, pour détournement de fonds publics portant sur 20 millions de dollars dans le cadre d'un marché public.
Agé de 37 ans, Constant Mutamba qui n'a pas la possibilité de faire recours, puisque le jugement est définitif, a quitté mardi la Cour de cassation avec toujours le poing levé, bien encadré par la Garde Républicaine.
Selon la correspondante de BBC News Afrique à Kinshasa, les principales artères de la capitale ont été bouclées par les forces de l'ordre mardi, quelques heures avant le verdict de la cour.
Une saga judiciaire
Ce procès aura tenu en haleine le pays pendant un bon bout de temps. Après avoir été reporté à deux reprises, le verdict a finalement été prononcé.En plus des cinq ans d'interdiction de vote et d'inéligibilité et des trois ans de travaux forcés, la Cour de cassation a ordonné à l'ancien ministre de la Justice la restitution des 20 millions de dollars qu'il a détournés.
Le procureur avait requis contre Constant Mutamba, une peine de 10 ans de travaux forcés.
Le détournement sur lequel porte l'accusation concerne des fonds publics dans le cadre de l'octroi d'un marché de construction d'un centre pénitencier dans le nord-est de la République démocratique du Congo, plus précisément à Kisangani dans la province de Tchopo, selon la justice. La somme est estimée à 29 millions de dollars.
M. Mutamba « avait agi avec l'intention d'enrichir frauduleusement l'entreprise adjudicataire, en violation des règles de procédure », a déclaré le juge Kabasele Jacques, président de la Cour lors de la lecture du jugement.
L'ex-ministe de la Justice, selon le jugement, avait autorisé un décaissement de 19,9 millions de dollars pour payer un acompte à l'entreprise Zion Construction, soit plus de la moitié du montant alors que la loi n'autorise que 30%.
Auparavant, l'Assemblée nationale qui a fait pression sur l'ancien ministre qui a finalement démissionné en juin dernier, a évoqué une « intention frauduleuse » dans l'attribution de ce marché public.
Lors du procès, Constant Mutamba s'est défendu en estimant que sa hiérarchie n'avait pas émis d'inquiétude après ce marché passé gré à gré avec l'entreprise Zion Construction et le virement des presque 20 millions de dollars.
Tout au long du procès, il a martelé qu'il n'avait pas touché à l'argent. Mais les juges ont estimé qu'il en avait l'intention, même s'il n'est pas allé jusqu'au bout de son crime.
Ses avocats, soulignant que l'argent n'avait pas disparu, ont également indiqué au cours du procès que leur client était de bonne foi, demandant aux juges des circonstances atténuantes pour l'accusé.
Même si le verdict est en deçà des dix ans réclamés par le ministère public, les avocats disent le regretter, surtout que le jugement rendu est définitif.
Ces derniers se tournent vers la Cour constitutionnelle. "Nous avons saisi les juges de la Cour constitutionelle pour l'inconstitutionnalité de la procédure qui a saisi la Cour de cassation. C'est à ce niveau où réside notre espoir", a déclaré Me Joël Kitengue, l'un des avocats de l'ancien ministre.
Carrière politique en pointillé
L'ex-garde des Sceaux de la RDC ne pourra pas prétendre à un poste d'éligibilité ou exercer son droit de vote dans son pays pendant au moins cinq ans, selon le verdict de la Cour de cassation.Une décision qui va déteindre sur la carrière politique de Constant Mutamba qui, lors du procès, a également estimé qu'il est victime de « réseaux mafieux » hostiles aux réformes judiciaires qu'il avait initiées avec le portefeuille de la justice qu'il détenait.
M. Mutamba s'est fait des partisans qui l'ont soutenu tout au long de ce procès.
Des heurts avaient même éclaté autour de sa résidence la veille du prononcé du verdict, entre les forces de l'ordre et ses partisans, lorsque le procureur général près la Cour de cassation l'a placé en résidence surveillée.
Selon un de ses avocats, Me Paul Okito, Constant Mutamba incarne l'espoir d'un peuple libre, surtout de la jeunesse. Les cinq ans d'inéligibilité est, selon lui, une peine trop lourde pour un jeune qui est en train de construire sa carrière politique et a des projets pour sa communauté.
Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya a déclaré qu'il n'appartient pas aux autorités de Kinshasa de commenter la décision de justice.