Le 12 octobre 2025, plus de 8 millions d'électeurs Camerounais sont appelés aux urnes pour élire leur président de la République pour les sept prochaines années.
Le président sortant Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, brigue un huitième mandat à 92 ans.
La candidature du leader de l'opposition Maurice Kamto, arrivé deuxième en 2018, a été invalidée par ELECAM, l'organe officiel chargé de l'organisation du scrutin et son dossier rejeté par le Conseil constitutionnel.
La période électorale est officiellement ouverte depuis le 15 juin, avec un dépôt des candidatures qui s'est achevé le 21 juillet 2025 à minuit.
Le samedi 26 juillet, le Conseil Électoral d'Elecam a publié une liste de 13 candidats. Après un contentieux préélectoral, le Conseil constitutionnel a retenu 12 candidats.
Scrutin : mode d'emploi
L'élection présidentielle au Cameroun se fait au scrutin uninominal majoritaire à un tour.Le candidat arrivé en tête l'emporte, même avec une courte avance.
La durée du mandat est de 7 ans.
La Constitution, modifiée en 2008, ne fixe aucune limite de mandats, ce qui permet au président sortant de se représenter indéfiniment.
L'organisation matérielle et logistique est assurée par Elections Cameroon (ELECAM), l'organe officiel chargé des scrutins.
Qui peut se présenter ?
Pour être candidat à l'éléction présidentielle, il faut :- Être Camerounais de naissance.
- Être âgé d'au moins 35 ans.
- Jouir de ses droits civiques et politiques.
- Justifier d'une résidence continue dans le territoire national d'au moins douze (12) mois consécutifs
- Être inscrit sur les listes électorales
- Déposer une candidature validée par ELECAM puis par le Conseil constitutionnel, instance qui tranche les éventuels contentieux.
83 dossiers de candidature déposés, 12 validés
Un nombre historique de 83 candidatures a été enregistré auprès d'ELECAM, dépassant largement les 29 enregistrées en 2018, malgré des barrières financières et réglementaires renforcées (dépôt d'une caution de 30 millions CFA, exigence d'un élu).Sur les 83 candidatures déposées, seules 12 ont été retenues. Parmi elles :
- Paul Biya (RDPC) : âgé de 92 ans et au pouvoir depuis 43 ans, il brigue un huitième mandat.
- Cabral Libii (PCRN) : député et figure montante de l'opposition, 44 ans, candidat déjà en 2018.
- Joshua Osih (SDF) : vice-président du principal parti d'opposition historique, candidat pour la deuxième fois.
- Serge Espoir Matomba (PURs) : jeune opposant, engagé sur des thèmes sociaux et économiques.
- Akere Muna (Mouvement Maintenant) : avocat et ancien vice-président de Transparency International.
- Seta Caxton Ateki (PAL) : issu de la société civile, militant pour le renouvellement générationnel.
- Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya (UDC) : unique femme en lice, héritière politique de l'ancien leader Adamou Ndam Njoya.
Parmi les dossiers retenus, figurent ceux de Pierre Kwemo, représentant de l'Union des mouvements socialistes, d'Issa Tchiroma Bakary et de Bello Bouba Maïgari, tous deux membres du gouvernement et soutiens de longue date de Paul Biya.
A l'issue de la phase de vérification des candidatures retenues par Elecam, le Conseil constitutionnel a finalement validé le dossier de douze des treize candidats pré-sélectionés, la candidature de Hilaire Marcaire Dzipan a été rejetée.
Maurice Kamto figure centrale de l'opposition, a vu sa candidature rejetée par ELECAM, une décision confirmée par le Conseil Constitutionnel au 5 août 2025, déclenchant tensions et protestations de ses partisans.
Organe de supervision
ELECAM est l'organe officiel chargé d'organiser les inscriptions, de recevoir les candidatures et de superviser le déroulement du vote.Le rôle du Conseil constitutionnel consiste à valider la liste définitive des candidats, à arbitrer les contentieux électoraux et proclamer les résultats officiels.
L'exclusion de Maurice Kamto, figure majeure de l'opposition, alimente les soupçons de partialité de ces deux institutions.
Malgré l'introduction de kits biométriques et un partenariat avec l'ONU, la transparence du processus électoral soulève encore des doutes au sein de la classe politique.
Publication des résultats
Les résultats provisoires sont compilés par ELECAM puis transmis au Conseil constitutionnel qui proclame les résultats dans un délai maximum de quinze (15) jours à compter de la date de clôture du scrutin.Seuls les résultats proclamés par le Conseil constitutionnel sont considérés comme définitifs et exécutoires.
Défis et enjeux d'un scrutin
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Enjeux économiques
Sur le plan économique et social, la société camerounaise est caractérisée par de fortes inégalités alors que le taux de pauvreté ne cesse de grimper.
Il était de 37,7 % en 2022, selon l'Enquête camerounaise auprès des ménages (ECAM-5), ce qui signifie qu'environ 10 millions de personnes vivaient en dessous du seuil de pauvreté national de 813 FCFA par jour.
23 % de la population vit en situation d'extrême pauvreté, avec moins de 2,15 dollars par jour.
Selon le Rapport sur la situation économique du Cameroun publié par la Banque mondiale, le PIB du Cameroun a augmenté de 3,5 % en 2024, contre 3,2 % en 2023, une croissance portée par le secteur primaire (cacao, coton) et tertiaire (services), malgré un recul du secteur secondaire.
L'inflation moyenne a fortement diminué, passant de 7,4 % à 4,5 % entre 2023 et 2024. Le déficit budgétaire s'est creusé, atteignant 1,5 % du PIB.
Bien que la richesse nationale totale soit passée de 311 milliards de dollars en 1995 à 553 milliards de dollars en 2020, la richesse nationale par habitant a diminué de 11 % au cours de la même période.
Crise dans les régions anglophones, Boko Haram
La crise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest continue de peser. Entre séparatistes armés et exode massif, il sera difficile d'y organiser un vote crédible. Pour beaucoup, la stabilisation de ces régions est une condition préalable à l'unité nationale.
Le pays fait également face à l'insurrection de Boko Haram dans l'Extrême-Nord.
A l'Est, l'instabilité causée par les rebelles centrafricains crée un afflux de réfugiés centrafricains, compliquant la gestion sécuritaire.
Ces tensions fragilisent l'organisation du scrutin et accentuent le sentiment d'instabilité.
Jeunesse
Près de 70 % des Camerounais ont moins de 35 ans et plus de la moitié de la population camerounaise a moins de 20 ans selon l'Institut National de la Statique du Cameroun.
L'emploi, l'éducation et la réduction des inégalités sociales constituent donc leurs priorités. Mais la campagne reste dominée par des figures historiques, loin des préoccupations quotidiennes des jeunes.
Malgré un électorat majoritairement jeune, leur représentativité reste faible. Des figures comme Cabral Libii et Seta Caxton Ateki tentent de porter la voix d'une nouvelle génération.
Participation citoyenne : le désintérêt des jeunes et l'abstentionnisme, observés lors des scrutins précédents constituent un défi majeur à l'approche du scrutin du 12 octobre.
Place des femmes
La présence des femmes reste symbolique mais limitée dans la compétition présidentielle. Sur 83 candidatures déposées, seules 7 provenaient de femmes, et une seule a franchi le filtre du Conseil constitutionnel.
Relève politique
A 92 ans, l'âge et la santé du président sortant Paul Biya soulèvent des questions notamment sur sa capacité à diriger encore le pays pendant les sept prochaines années et sur la nécessité d'une relève politique.
Ses absences prolongées lors d'événements publics et médiatiques ont souvent suscité des rumeurs sur son état de santé, son décès ayant même été annoncé à plusieurs reprises puis démenti par la présidence.
En octobre 2024, le gouvernement camerounais a pris la décision sans précédent d'interdire aux médias de discuter de la santé du président, qualifiant cela de question de sécurité nationale. Cette mesure visait à freiner la propagation de fausses informations et à maintenir l'ordre public.
La présidentielle 2025 au Cameroun se joue aussi sur le front de la transparence dans un contexte marqué par une rupture de confiance dans le processus électoral.
Des accusations récurrentes de manque de transparence démontrent une faible confiance d'une partie de l'opposition à l'endroit d'ELECAM laissant entrevoir des prémices de contentieux et de tension post-électorale.