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Basket-ball of Saturday, 25 April 2015

Source: RFI

Être un leader me plaît - Luc Mbah a Moute

Meilleur joueur de l’une des plus mauvaises équipes NBA, Luc Mbah a Moute a vécu une saison contrastée chez les Sixers de Philadelphie. En fin de contrat, l’ailier camerounais, âgé de 28 ans, ne manque pas d’ambition. En visite dans les locaux de RFI, le natif de Yaoundé s’est livré en toute franchise : son avenir, l’Afrobasket 2015, les chances des Lions indomptables...

RFI : Vous sortez d'une année difficile avec seulement 18 victoires en 82 matches. Est-ce compliqué à vivre durant toute une saison ?

Luc Mbah a Moute : C’est vrai, c’est un stress supplémentaire à gérer durant la saison, avec déjà la fatigue physique et mentale suite à l’enchaînement des rencontres. Être dans une équipe qui perd autant de matches, ce n’est pas facile, mais je le savais depuis le début de saison. Philadelphie est une équipe en pleine reconstruction, cela enlève de la pression. Si l’on cumule les défaites dans une équipe à fort potentiel, c’est plus compliqué.

Cette équipe des Sixers, très jeune, a-t-elle un avenir plus radieux ?

Oui, elle a énormément d’avenir. Le recrutement va dans ce sens. Les jeunes sont bons, mais ils doivent encore se développer. Un plan sur deux, trois ans se met en place. Les dirigeants ne sont pas pressés et visent sur du long terme. Mais pour un vétéran comme moi, ce n’est pas évident même si d’un point de vue individuel, j’ai pu m’exprimer et réaliser l’une de mes meilleurs saisons NBA.

A 28 ans, vous vous considérez déjà comme un vétéran ?

(Il rit) Ce n’est pas vieux, mais chez les Sixers, j’étais un vétéran ! Un grand frère, un leader. C’était la première fois de ma carrière que je tenais un tel rôle. Au départ, c’était bizarre, mais finalement, c’était intéressant d’être le vieux des vestiaires. Par le passé, je tenais un rôle défensif dans des équipes qui visaient les play-offs mais qui n’étaient pas très suivies médiatiquement parlant. Cette saison, j’avais de nouvelles tâches offensives. Dans l’ensemble, hormis l’an passé où j’ai connu une blessure, je n’ai cessé de progresser.

Être un leader, notamment en attaque, cela vous plaît ?

Oui, ça me plaît ! Être un leader demande plus de travail. Il faut assumer et accepter le challenge. Ma manière d’approcher les matches a changé. Avant, il y avait toujours un autre leader dans le vestiaire sur qui l’on pouvait compter. A présent, durant les temps-morts ou dans les vestiaires, avant, à la mi-temps ou après les matches, je dois à chaque fois prendre la parole.

Mais comment remotiver des jeunes au sein d’une équipe qui cumule les défaites ?

Ce n’est pas facile. Pour eux, c’est compliqué. La plupart d’entre eux provient d’universités solides, qui collectionnaient les victoires. C’est la première fois qu’ils perdent autant de rencontres. Mais il faut continuer de garder le moral et s’améliorer match après match pour le futur. Je leur dis de ne pas s’attarder sur les défaites, mais de privilégier leur évolution.

Cette saison, on attendait l’un de vos prometteurs coéquipiers camerounais, Joël Embiid, 21 ans, repéré d’ailleurs dans l’un de vos camps estivaux. Il n’a pas foulé les parquets en raison d’une blessure au pied. Sera-t-il de retour à la rentrée ?

Joël a un très gros potentiel. Il a été drafté très haut l’an passé, à la troisième place, et avant qu’il ne se blesse, certains l’imaginaient même à la première. Philadelphie compte énormément sur lui, il peut changer l’équipe, la rendre plus forte. Son état s’améliore, il a repris les affrontements à l’entraînement. Cet été, il devrait participer à la Summer League, ce sera son premier test, puis il reviendra sur les parquets à la rentrée.

Suivez-vous régulièrement les performances de ces jeunes passés par vos camps au Cameroun que vous organisez depuis 2010 ?

Je le fais avec fierté ! Ce que l’on a réalisé avec notre équipe et mon agent François Nyam, c’est énorme. Six ou sept jeunes Camerounais ont rejoint des universités et lycées aux Etats-Unis. Certains, comme Joël, sont en NBA. Arriver à cela, en si peu de temps, c’est génial ! Je reste en contact avec la plupart des jeunes, j’essaye de leur envoyer des messages, de leur donner des conseils.

Et vous, durant votre jeunesse à Yaoundé, rêviez-vous déjà de NBA ?

C’était mon rêve absolu ! J’avais soif de NBA ! J’avais des magazines, des photos que j’accrochais sur un mur… J’essayais déjà de suivre les matches, mais c’était difficile à cause des cours le lendemain matin. Souvent, avec mon frère, on restait éveillé la nuit, vers 3h, pour regarder la télé. J’envie un peu les jeunes d’aujourd’hui. C’est plus facile pour eux de suivre la NBA.

Un joueur, ou une équipe, vous faisait-il rêver ?

Michael Jordan ! Les Bulls, c’était l’équipe du moment ! Toutes les rencontres de Chicago étaient diffusées. Je ne connaissais pas beaucoup d’autres équipes. J’aimais aussi le jeu de Penny Hardaway, le meneur d'Orlando Magic, puis celui de Tracy McGrady. D’ailleurs, à l’école, je me faisais appeler Tracy McGrady.

Aujourd’hui, quels joueurs vous impressionnent ?

Il y en a beaucoup, mais je payerais surtout ma place pour voir Derrick Rose, le meneur de Chicago. Il a souvent été blessé ces deux dernières années, c’est dommage. A l’époque, lorsqu’il a été élu MVP [meilleur joueur, en 2011, ndlr], il était vraiment le meilleur joueur NBA.

Participerez-vous à l’Afrobasket 2015 en Tunisie du 19 au 30 août ?

En principe, j’y serai. J’ai vraiment envie d’y participer. J’étais présent 2013 en Côte d’Ivoire, malheureusement on a été éliminé en quart de finale par le pays hôte. Tous les athlètes, au monde, rêvent de participer aux Jeux olympiques et cette Coupe d’Afrique est qualificative pour cette épreuve…

Mais pour cela, il faudra dominer l’Angola. Comment briser l’hégémonie des champions en titre qui n’ont été battus qu’à deux reprises depuis 1989 ?

Ces dernières années, le Cameroun s’est toujours bien débrouillé face à l’Angola. En 2007, à Luanda, malgré notre défaite en finale, on s’est bien comporté (défaite 67-51). En 2011, la Tunisie a même battu l'Angola et cette même année, en quart de finale, on menait encore de cinq points à quelques secondes de la fin avant de perdre en prolongations (83-84). Cela prouve que l’on peut gagner contre eux avec une bonne préparation. On a nos chances.

Avec cette équipe camerounaise, vous tenez également une position de grand frère…

C’est vrai. La plupart des anciens que j’ai connus lors de mes débuts est partie. Il y aura beaucoup de jeunes avec peu ou aucune sélection. Mais j’ai déjà connu cette situation avec Philadelphie cette année, je suis préparé.

A Philadelphie, vos coéquipiers savent-ils que vous étiez le prince de votre village natal ? Vous posent-ils des questions sur ce titre ?

Ils le savent, ils m’ont beaucoup taquiné avec ça (il rit) ! Pour eux, le prince, c’est un peu comme dans le film avec Eddie Murphy (Un prince à New York). Lorsqu’il débarque aux Etats-Unis, il arrive avec le titre de prince de Zamunda. Du coup, certains m’appelaient ainsi et me demandaient si j’avais ma tête sur des pièces de monnaie. Ils ne comprenaient pas.

Resterez-vous à Philadelphie la saison prochaine ? Vous êtes en fin de contrat et au 1er juillet, vous pourrez signer dans n’importe quelle équipe. Dans vos rêves les plus fous, quelle formation aimeriez-vous rejoindre ?

J’aimerais bien jouer pour un club qui lutte pour le titre. Il y a deux ou trois équipes qui me tentent : San Antonio par exemple, mais aussi les Clippers, qui ont le potentiel de s’imposer, et Chicago. On a parlé d’envie, n’est-ce pas (rires) ?