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Infos Sports of Tuesday, 2 August 2016

Source: cameroon-info.net

Pour la CAN 2016, on est en retard - Pierre L.Tamo

Pierre Laurent Tamo, consultant et commissaire aux comptes à la LINAF Pierre Laurent Tamo, consultant et commissaire aux comptes à la LINAF

Expert comptable camerounais, consultant et commissaire aux comptes à la Ligue Nationale de Football (LINAF) du Gabon, il décrit les nombreux manquements qui pourront ternir l’aspect marketing de l’organisation de cet évènement, prévu du 19 novembre au 3 décembre 2016 à Yaoundé et à Limbe.

Nous sommes à quatre mois du début de la CAN féminine Cameroun 2016. Quel avis global pouvez-vous donner sur l’organisation de cet évènement ?

En tant que Camerounais, je suis inquiet malgré les mots de réconfort qui nous viennent de toutes parts. Je suis inquiet parce qu’à quatre mois de l’évènement, on est davantage concentré sur le bouclage des infrastructures. Alors qu’à quatre mois de l’évènement, dans un processus normal, on serait plutôt en train de faire des essais pour le déroulé de la compétition. Et à ce jour, même les éléments de base du marketing ne sont pas encore connus. Ici, je fais allusion à la mascotte, au logo, à l’hymne de la compétition… C’est autant de choses qui font que je pense que pour la CAN 2016, on est en retard.

Parlant justement de l’aspect marketing de cet évènement. Avez-vous l’impression quand même que quelque chose a été commencé à ce niveau ?

Disons que, concernant l’aspect marketing de l’évènement, j’ai vu que, dernièrement, des commissions ont été créées et que c’est votre confrère Jean Lambert Nang qui est le président de la Commission marketing si mes souvenirs sont exacts. En dehors de cela, je ne vois pas beaucoup de choses bouger A ce niveau, il faut surtout ne pas perdre de vue que l’organisation d’une compétition comme la CAN, c’est surtout une opportunité de vendre l’image du Cameroun. C’est surtout l’occasion de réaliser de bonnes affaires avec cet évènement.

Le fait qu’à quatre mois de l’évènement, on ne voit pas le comité véritablement en action, qu’on ne soit pas agressé par des banderoles, des affiches, des campagnes de publicité, des contrats de sponsoring qu’on annonce à coup de milliards, ça fait un peu peur quand même.

Tout à l’heure, vous avez parlé du logo, de la mascotte et de l’hymne de la compétition, qui ne sont pas encore disponibles. Quel peut être l’apport de tous ces éléments dans l’organisation d’une compétition comme la CAN ?

Il faut se dire une chose: le logo et la mascotte permettent de créer ce que l’on appelle l’identité visuelle de la compétition. Et l’identité visuelle sert à ancrer l’évènement ou la compétition dans l’esprit des gens. Et c’est également un support qui permet de communiquer de manière efficace. Je vais vous prendre un exemple sur l’Euro 2016 qui vient de s’achever. À l’Euro, la mascotte, c’était «Super Victor». Victor étant un prénom européen que l’on retrouve tant en France avec Victor Hugo, ou en Espagne avec Victor Valdes ou au Portugal avec Victor Baya… C’est autant d’éléments qu’on prend en compte pour la détermination du nom de la mascotte.

La mascotte de l’Euro 2016 a été présentée en novembre 2014, quasiment deux ans avant la compétition. La SAS Euro 2016 qui a été la société commerciale créée pour la gestion de l’évènement mettait cela sur le papier en tête. Ce qui fait que, dans le cadre des contrats de sponsoring, la présence de la mascotte faisait en sorte que l’identité visuelle était fortement mise en exergue. Et ça faisait également que certaines entreprises pouvaient directement négocier auprès de la Société commerciale les droits sur l’utilisation de la mascotte afin d’apposer sur des articles publicitaires à vendre. Là, vous voyez, ça permet de rentrer véritablement dans le business.

Nous sommes à quatre mois de la compétition, la mascotte n’est pas connue. Si elle est connue à moins deux mois, et que des commerçants camerounais sont intéressés par la commercialisation des gadgets avec l’effigie de la mascotte, que va-t-il se passer ? Quand est-ce qu’ils vont passer des commandes en Chine ? Quand est-ce que cela va arriver au Cameroun quand ? Et quand est-ce qu’ils pourront les vendre ? Vous voyez que ce sont des éléments qui permettent de préparer la compétition de manière à ce que le jour j, on puisse véritablement rentrer de pleins pieds dans la compétition avec un certain nombre de choses déjà ancrées dans l’esprit.

À vous entendre parler, l’on a l’impression que ce retard est tellement grand qu’il est irrattrapable…

Absolument ! Je pense qu’il faut déjà se dire que certaines choses ne pourront pas être faites pour la CAN 2016. Mais il faut surtout tirer de bonnes leçons parce qu’après la CAN 2016, il y a la CAN masculine 2019 qu’on considère comme une compétition majeure. Et c’est à présent qu’il faut commencer à bâtir, à réfléchir pour l’organisation de la CAN 2019. Sinon, si on attend encore six mois, ce sera trop tard.

Je pense qu’il faut se dire une chose : l’organisation d’une compétition comme la CAN, c’est l’occasion de relancer véritablement le football professionnel dans notre pays. C’est l’occasion d’attirer des investisseurs, c’est l’occasion de conclure de bons contrats de sponsoring, c’est l’occasion d’attirer des touristes, mais aussi de redorer l’image de marque de notre pays.

À quelques mois de la compétition, des solutions existent-elles pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être ?

Le véritable problème, c’est que le retard s’est pris à tous les niveaux. Et aujourd’hui, le gouvernement fait les efforts nécessaires pour rattraper les retards sur le plan infrastructurel. Parce qu’en réalité, quand je prends le cas de l’Euro, deux ans avant la compétition, le problème des infrastructures ne se posait plus. Or nous, nous avons encore des problèmes d’infrastructures. Si déjà, on concentre les efforts pour rattraper les infrastructures, c’est un moindre mal. Après, il va falloir s’attaquer à mon avis à d’autres chantiers urgents qui sont entre autres : l’hébergement. Où allons-nous loger les touristes qui viendront pour la compétition ? Quand je vois Limbe, son stade sera certainement fini avant le début de la compétition. C’est un stade de vingt mille places. Quand le regarde cette ville, je crains qu’on ne puisse y avoir 1000 chambres d’hôtel. Vous me diriez qu’ils pourront loger à Douala et aller regarder les matches à Limbe.

Mais est-ce qu’on a suffisamment d’hôtels à Douala, de bonnes dimensions pour accueillir les visiteurs. Vous voyez donc qu’il y a plein de choses qui, sans leur réalisation effective, rendront la compétition compliquée. Au-delà de l’hébergement, il y a maintenant le transport pour s’y rendre. Vous étiez certainement regarder le match Cameroun-Afrique du Sud. Vous avez vu toutes les difficultés qu’on a eues à sortir du stade. Ce sont là, autant de choses qu’il faut commencer à regarder dès maintenant non plus pour 2016 qui est déjà à mon avis suffisamment compliqué, mais pour que 2019 se présente sous de meilleurs auspices.

Donc, l’on est bien parti pour que 2019 soit également un échec ?

Si l’on ne fait rien dès à présent, 2019 risque ne pas être une compétition rentable. Je me répète peut-être : le Cameroun a été le premier pays africain à atteindre les quarts de finale d’une Coupe du Monde. Le Cameroun est aussi le pays où un de ses fils, en l’occurrence Issa Hayatou trône à la tête de la CAF depuis 1988. Il a même été récemment président intérimaire de la FIFA pendant quelques mois. Nous avons produit des légendes de football telles que les Roger Milla et bientôt Samuel Eto’o.

Tout cela montre que le Cameroun doit également être le premier pays en Afrique à organiser une CAN sécuritaire et rentable économiquement pour notre pays. Pas juste pour dire qu’on a abrité la CAN. Non, on a certes abrité la CAN, mais nous avons eu des retombées positives en termes d’impacts économiques. À savoir : on a pu gagner de l’argent, on a pu gagner de l’argent grâce à la CAN. Il faut que le Cameroun soit le pays africain à atteindre cela et nous avons chez nous tous les moyens nécessaires pour y arriver.

Parlant de la CAN 2016, peut-on dire pour terminer qu’au lieu qu’elle redore l’image du Cameroun, elle pourrait plutôt la ternir ?

Je ne sais pas lire dans la boule de Cristal mon cher Wiliam ! Je m’en tiens uniquement aux faits. Il faut se dire une chose : on est en train de se battre pour l’organiser. C’est déjà un gros challenge. La rentabilité, on la verra certainement pour la CAN 2019. Donc, pour l’instant, nous sommes plutôt engagés pour sauver les meubles.