Dix ans de silence. Dix années à garder pour lui une vérité amère. Aujourd’hui, Gaëtan Bong, ancien international camerounais passé par Valenciennes, Brighton ou encore Nottingham Forest, brise l’omerta. Et ce qu’il révèle sur sa non-sélection pour la Coupe du monde 2014 au Brésil jette une lumière crue sur les pratiques troubles de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot).
À l’époque, le défenseur figurait parmi les joueurs pressentis pour représenter les Lions Indomptables. Pourtant, en pleine préparation, Bong perçoit une atmosphère inhabituelle : « Le soir, j’entendais du bruit dans les couloirs. Généralement, ce n’était pas le cas. Il y avait un boucan de partout, toute la nuit. Connaissant nos sélections africaines, on s’est dit que c’était bizarre. Le coach avait choisi ses joueurs, on savait qui allait partir. »
Convoqué à l’écart, Bong se vit proposer un marché scandaleux : « On m’a dit clairement : ‘La liste est là, tu dois y aller. Maintenant, il va falloir t’asseoir sur tes primes de matchs pour disputer la Coupe du monde.’* Autrement dit, pour vivre son rêve mondial, il devait renoncer à ses droits financiers – une exigence qui ne concernait visiblement pas tous les joueurs.
« En venant ici, c’est pour mon pays. Mais si c’est mon pays qui me dit qu’ils n’ont pas les fonds, je suis prêt à jouer gratuitement. Mais sachant que des fonds ont été débloqués, que chacun va toucher une somme, je dois l’ignorer pour que les dirigeants en récupèrent davantage… ? », s’indigne-t-il.
Face à cette injustice, Bong a dit non. Un choix courageux, mais lourd de conséquences : écarté du Mondial, il voit sa carrière internationale s’éteindre prématurément. Son témoignage met en lumière les dérives récurrentes du football africain, où certains dirigeants privilégient leurs intérêts au détriment des joueurs.
« Honorer une sélection, c’est déjà des sacrifices : quitter sa famille, renoncer à ses vacances, repousser sa récupération… Qu’on nous demande en plus de renoncer à ce qui nous est dû, c’est inacceptable », assène-t-il.
Dix ans après, la blessure reste vive. Mais en brisant le silence, Gaëtan Bong espère provoquer une prise de conscience. Son histoire pose une question cruciale : jusqu’à quand les instances footballistiques africaines fermeront-elles les yeux sur ces pratiques ?
En 2014, le Cameroun a peut-être perdu plus qu’un défenseur : un homme intègre. Reste à savoir si, aujourd’hui, la Fécafoot est prête à écouter.