Le bras de fer entre l'instance continentale et le ministère camerounais des Sports pourrait aboutir à une nouvelle crise pour le rugby national, douze ans après la dernière suspension.
Le rugby camerounais traverse une période de turbulences sans précédent depuis l'élection controversée du 28 décembre 2024, qui a porté Patrice Monthe à la présidence de la Fédération Camerounaise de Rugby (Fecarugby). Face aux irrégularités constatées lors de ce scrutin, Rugby Afrique a adressé des exigences fermes au gouvernement camerounais.
L'instance continentale réclame trois mesures immédiates : la dissolution du bureau exécutif actuellement en place, l'installation d'un comité provisoire de gestion, et l'organisation d'une nouvelle Assemblée Générale élective sous sa supervision directe dans un délai de trois à six mois. Ces demandes visent explicitement à restaurer une gouvernance transparente et crédible au sein de la Fecarugby.
Loin de céder aux pressions, le ministre des Sports Narcisse Mouelle Kombi a opposé une résistance ferme à ces exigences. Dans sa réponse officielle du 27 mai 2025, le membre du gouvernement a défendu le processus électoral mené par son comité de normalisation, affirmant qu'il avait été validé par l'ensemble des parties prenantes.
Le ministre rejette catégoriquement l'idée d'un comité provisoire ou de nouvelles élections, estimant que de telles mesures ne feraient qu'exacerber les tensions existantes au sein du rugby camerounais. Cette position inflexible traduit la volonté des autorités nationales de préserver leur souveraineté dans la gestion des affaires sportives intérieures.
Cette escalade diplomatique place désormais le Cameroun dans une situation périlleuse. Rugby Afrique dispose en effet de tous les leviers pour prononcer une suspension qui priverait les équipes nationales de toute compétition internationale et les clubs camerounais des tournois continentaux.
Un tel scénario rappellerait douloureusement la crise de 2013, déjà survenue sous la présidence de Patrice Monthe, qui avait plongé le rugby camerounais dans un isolement préjudiciable à son développement. Cette répétition de l'histoire soulève des interrogations sur la capacité du dirigeant actuel à pacifier durablement la gouvernance fédérale.
Au-delà des considérations purement rugbystiques, cette crise révèle les tensions persistantes entre les instances sportives internationales et les gouvernements africains sur les questions d'autonomie et de gouvernance. Rugby Afrique entend faire respecter ses standards de transparence électorale, tandis que le Cameroun revendique son droit à organiser ses élections fédérales selon ses propres procédures.
Les conséquences d'une éventuelle suspension dépasseraient largement le cadre sportif. Les joueurs camerounais verraient leurs perspectives internationales compromises, les programmes de développement du rugby suspendes, et l'image du sport national ternie sur la scène continentale.
La balle se trouve désormais dans le camp de Rugby Afrique, qui doit décider si elle mettra ses menaces à exécution. L'instance continentale dispose de tous les éléments pour justifier une suspension : élections contestées, refus de dialogue constructif, et antécédents de crise sous la même direction.
Cependant, une telle sanction pénaliserait également le développement du rugby sur le continent, privant l'Afrique d'une de ses nations les plus compétitives dans cette discipline. Rugby Afrique devra donc peser soigneusement les bénéfices d'une fermeté exemplaire contre les coûts d'un affaiblissement du rugby continental.