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Sports Features of Sunday, 22 May 2016

Source: cameroon-footbuzz.com

Adieu Keru !

David Mayebi David Mayebi

Peu à peu, les marqueurs de la grande époque du football camerounais s'effacent. Après Théophile Abega ou encore Louis Paul Mfédé, voici que David Mayebi tire sa révérence.

Kéru, il n'y en pas beaucoup qui se souviennent du joueur que tu étais, parce que ce pays n'a presque plus de mémoire et que n'importe qui peut dire n'importe quoi. Et pourtant !

Et pourtant tu es l'un des demi défensifs les plus talentueux que le Cameroun ait connu. Si en équipe nationale, la concurrence fut vive au point que tu en fis partie seulement pendant quelques années comme titulaire, ta contribution aux titres nationaux et internationaux de l'Union Sportive de Douala est indéniable.

Joseph Kamga, Joseph Enanga et toi formiez le fameux trio MEK (Pour Mayebi, Enanga, Kamga) qui balisa le jeu des Nassaras. C'est ce milieu de terrain qui donna une magistrale leçon de football au grand Canon de Yaoundé lors de la finale de la Coupe du Cameroun au stade de la Réunification de Douala en 1980. Sur un terrain devenu lourd à cause d'une pluie diluvienne tombée dans la journée, Vous aviez réussi à faire la nique au camp d'en face devant le président Ahmadou Ahidjo.

Short baissé à la taille, bien avant la mode indécente de nos jours, ta tenue sur le terrain était particulière mais solide. Et dans ce pays où on est un peu plus inculte chaque jour, très peu savent que ton surnom de Kéru est le diminutif de Kéruzoré. Raymond Kéruzoré, milieu de terrain français qui explosa au Stade Lavallois à la fin des années 70 et dont tu avais aimé la consonance du patronyme. Lui était meneur de jeu, mais toi meneur d'hommes parce que dans l'Union de Douala de l'époque, après Joseph Antoine Bell, ce fut toi qui avait le plus de bagout et d'allant. Cette tendance naturelle t'aidera lors de ta reconversion comme entraîneur et dirigeant.

D'ailleurs je me souviens que c'est René Djeya et toi qui, par une soirée humide au stade de la Réunification, aviez supervisé en 1979 le recrutement de la première cuvée des juniors des Nassaras. Si j'ai pu gagner en grade très vite chez les vert-et-blanc, c'est beaucoup grâce à toi et à Jacques Guy Manga que tu es allé retrouver au firmament des anciennes gloires parties.

Cette proximité s'est manifestée de nombreuses fois, entre autres par le détour que tu faisais à Bonanjo pour venir me chercher en voiture à la sortie des classes au Lycée Joss, afin d'aller aux entraînements de l'USD à Bépanda. Ce dévouement m'avait marqué car rien ne t'obligeait à le faire. Soucieux de mettre à l'aise ses "enfants", Le Prince Emmanuel Ngassa Happi t'avait accordé le soin de contribuer à notre épanouissement.

Kéru, que de conseils m'as tu donnés pour être un meilleur footballeur ! Attaché à mon paternel, Léonard, qui t'avait donné ta première chance en équipe nationale contre le Congo en match amical à Yaoundé, tu l'avais rassuré, tout comme Eric Ngaha, mon mentor, de me soutenir alors que la priorité dans mon cursus était les études. J'ai ainsi pu être surclassé en senior pendant deux années jusqu'à mon exil à Buéa en 1982.

À mon retour du Mont Fako, tu étais encore là, mais moins fringant que les années précédentes. J'ai assisté en direct à ton éloignement comme joueur en 1983 et la der fut en championnat contre Dihep Di Nkam à Yabassi. Ce jour là, je t'ai vu, toi Kéru l'increvable, souffrir sur le terrain nu de l'école principale du coin. Remplacé à la mi-temps par Emile Mbouh qui venait de crever l'écran dans le groupe, je t'entendis distinctement dire sur le banc où trônait Jacques Guy Manga, "Je crois que j'ai terminé ma mission". Tu estimais, je crois, avoir pu nous épauler jusqu'au niveau qu'il fallait, jusqu'à ce que ton corps ne réponde plus.

Plusieurs décennies plus tard, nous avons communiqué régulièrement et parlé de football. La dernière crise à la Fécafoot ayant été le dernier sujet de nos échanges. Nous ne partagions plus les mêmes vues même si tu demeurais un vaillant soldat de la cause du football et surtout des footballeurs camerounais. On s'en est beaucoup expliqués au téléphone sans nous fâcher vraiment parce que tu pouvais et savais écouter les arguments des autres. Et en gros, je t'en ai voulu d'avoir rejoint le camp de l'incompétence qui dirige actuellement notre sport-roi.

Kéru, mon grand-frère et protecteur, l'immensité de la douleur que je ressens est grande mais pour ton souvenir, je m'oblige à pouvoir ramener le meilleur de toi, de l'homme du football que tu auras voulu servir jusqu'à la fin.

Ainsi devait-il être.

Adieu Kéru !

Léopold Nséké