Bonjour, je m’appelle Victor, j’ai 28 ans, je vis à Douala, quartier New Bell. Avant, j’étais un vendeur avec un petit comptoir de friperie au marché Mboppi. Je galérais. Même pour payer la bouillie du soir, c’était difficile. Je dormais parfois sur les ballots dans mon dépôt. La vie me giflait sans pause.

Un jour, un ami bien posé m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit : « Petit, si tu veux vraiment que ta vie change, il faut faire un pacte avec mami wata. Elle donne tout. Absolument tout ».

C’était un vendredi soir. J’ai pris mon courage et je suis allé avec lui au bord du Wouri, à minuit pile. Je vais épargner les détails du rituel, parce que je ne veux pas que d’autres tombent dans le même abîme que moi.

Le deal était simple. Trois mois sans toucher une autre femme. Trois mois où je devais lui appartenir, corps et âme. Et elle est venue. Belle, majestueuse, terrifiante. Pas un rêve, pas une hallucination. Pendant trois mois, j’étais à elle. Elle apparaissait dans mes rêves, parfois en plein jour. J’ai respecté ma part. Et elle aussi.

Trois mois après, mon conteneur est arrivé de Chine. Puis un deuxième. Aujourd’hui, j’en ai six. Je roule en Prado, j’ai un duplex à Bonamoussadi et les gens du quartier me saluent en m’appelant patron.

Mais depuis que j’ai touché une fille, une vraie fille, en chair et en os, elle est revenue. Pas pour m’aimer, mais pour me punir. Je ne dors plus. Je ne mange plus.

Des choses bougent dans ma maison la nuit. Une fois, j’ai retrouvé ma copine attachée comme un mouton, nue, au salon, alors que les portes étaient fermées à clef. Une autre nuit, j’ai entendu une voix sortir du miroir : « Tu étais à moi. Pourquoi m’as-tu trahie ? ».

Je suis fatigué. J’ai tout ce que les gens rêvent d’avoir. Mais à quoi ça sert si je ne suis plus libre ? Si je suis devenu l’esclave d’un esprit que je ne contrôle plus ? Comment je fais pour me débarrasser d’elle ? Est-ce que je dois retourner au Wouri ? Brûler quelque chose ? Faire une restitution ? Je vous jure, tout ce que j’ai dit est vrai. Que ceux qui veulent rire rient. Moi, je veux juste vivre.