L’annonce du président de la CAF, Patrice Motsepe, d’envisager un passage de la Coupe d’Afrique des Nations à un rythme quadriennal après 2027 a électrisé le paysage footballistique africain. Si cette proposition s’inscrit dans une volonté d’harmonisation avec le calendrier international – à l’image de l’Euro et de la Copa America –, elle ouvre un débat profond sur l’identité et l’autonomie du football africain. Et dans cette équation institutionnelle, un homme incarne plus que jamais une voix dissidente et influente : Samuel Eto’o, désormais membre du Comité exécutif de la CAF.
Il est important de rappeler que l’annonce de Patrice Motsepe ne vaut pas décision. Une modification aussi structurelle du calendrier de la CAN doit être validée par le Comité exécutif de la CAF, voire soumise à l’Assemblée générale de l’instance. Le processus reste donc collectif et ouvert au débat. C’est précisément dans cette arène que la position de Samuel Eto’o, cristallisée il y a plusieurs années, prend aujourd’hui une dimension stratégique.
En 2021, invité sur les ondes de RFI, l’ancien capitaine des Lions Indomptables avait déjà marqué son opposition frontale à l’idée d’une CAN quadriennale. « Est-ce l’intérêt des Africains d’organiser une CAN tous les quatre ans ? Je crois que c’est plutôt celui des Européens », lançait-il. Il dénonçait une logique qu’il jugeait imposée par les intérêts des grands clubs européens, soucieux de réduire les absences de leurs joueurs africains, au détriment de la visibilité et du développement du football continental.
« La FIFA défend l’intérêt des clubs européens », affirmait-il, pointant du doigt un rapport de force qu’il estimait déséquilibré. À l’époque, cette prise de position courageuse faisait de lui l’un des rares porte-voix à défendre bec et ongles la spécificité et la fréquence biennale de la CAN, perçue comme un pilier de son rayonnement.
La donne a changé. Samuel Eto’o n’est plus seulement une légende du football ou un commentateur critique. Élu à la présidence de la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT) puis coopté au sein du Comité exécutif de la CAF, il siège désormais au cœur de l’organe qui devra se prononcer sur l’avenir de la compétition. Son influence n’est plus seulement médiatique ou morale ; elle est désormais institutionnelle et politique.
La question qui agite désormais les observateurs est de savoir si Samuel Eto’o pourra servir de rempart interne contre une réforme qu’il a toujours combattue. Doté d’une aura intacte et d’un capital de sympathie immense à travers le continent, il a la capacité de mobiliser et de fédérer autour de sa vision. Son positionnement pourrait catalyser les réticences de nombreuses fédérations nationales, qui hésitent à s’exprimer publiquement mais pourraient trouver en lui un relais puissant.
L’enjeu dépasse le simple calendrier. Il touche à l’âme du football africain. Faut-il s’aligner sur le modèle international dominant, au risque de diluer l’identité et la régularité d’un événement qui rythme la vie du continent ? Ou faut-il résister et préserver une exception culturelle et sportive qui fait la fierté de l’Afrique ?
Si la décision finale appartiendra bien à la collégialité de la CAF, la présence de Samuel Eto’o dans le cercle des décideurs introduit une variable majeure. Seront-ils nombreux, autour de la table, à partager sa conviction que la CAN doit rester, avant tout, un événement par et pour les Africains ? L’ancien buteur, désormais en costume d’émissaire, est peut-être devenu la dernière sentinelle d’un certain idéal du football continental. Le prochain chapitre de cette bataille s’écrira dans les couloirs feutrés de la CAF, et Samuel Eto’o en sera l’un des personnages centraux.








