Actualités of Monday, 22 December 2025

Source: www.camerounweb.com

Remaniement gouvernemental: grosse décision pour Cabral Libii

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Le Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN) ne ferme plus la porte à une participation au gouvernement. Un revirement stratégique qui divise l'opposition et interroge sur la cohérence du discours de Cabral Libii.



C'est un tournant majeur dans la trajectoire politique du PCRN. Sur le plateau de la chaîne STV, maître Roger Bébé, cadre influent du parti de Cabral Libii, a ouvert la porte à une éventuelle participation gouvernementale. Une déclaration qui marque une rupture nette avec le discours intransigeant tenu par le parti durant la campagne présidentielle.



Interrogé sur la possibilité pour le PCRN de rejoindre l'exécutif, maître Roger Bébé s'est montré sans équivoque : "Entrer au gouvernement n'est pas une mauvaise chose en soi, à condition qu'on vous laisse travailler." Le cadre du parti a toutefois assorti cette ouverture de conditions : liberté d'action, possibilité de servir concrètement les populations, et reconnaissance que "le gouvernement n'est pas celui d'un parti politique, mais celui de la République du Cameroun."

Cette prise de position contraste violemment avec le discours tenu par Cabral Libii durant la période préélectorale. Le président national du PCRN avait alors affirmé avec fermeté qu'il ne pourrait "jamais coaliser avec un ancien ministre du régime de Paul Biya", estimant que tous ceux qui avaient travaillé avec le chef de l'État portaient une part de responsabilité dans "la misère des Camerounais."


De la dénonciation radicale à l'acceptation conditionnelle, le chemin parcouru est considérable. De nombreux observateurs y voient un véritable volte-face qui pourrait coûter cher au PCRN en termes de crédibilité auprès de son électorat. Comment justifier aujourd'hui ce que l'on condamnait hier avec véhémence ?
Maître Roger Bébé tente de défendre cette évolution en invoquant la nécessité d'une "large ouverture politique". Selon lui, le président de la République devrait associer "non seulement le régime en place, mais aussi l'opposition et la société civile" pour favoriser une véritable décrispation dans un contexte postélectoral tendu. "Rester dans un entre-soi politique ne ferait que prolonger les blocages observés depuis plusieurs décennies", argumente-t-il.


Pour justifier la légitimité du PCRN à prétendre à des postes ministériels, le cadre du parti met en avant l'action du groupe parlementaire à l'Assemblée nationale. Malgré un effectif réduit de députés, le PCRN affirme avoir contribué à faire évoluer certaines lignes à travers des amendements adoptés. Un argument destiné à démontrer que le parti peut produire des résultats concrets lorsqu'il bénéficie d'un minimum d'espace politique.
Mais cette rhétorique peine à convaincre les plus sceptiques. Les critiques rappellent que l'efficacité parlementaire n'a jamais été le critère déterminant pour juger de l'opposition au Cameroun, où le véritable enjeu reste la capacité à proposer une alternative crédible au régime en place.

Ce repositionnement n'arrive pas de nulle part. Il s'inscrit dans une séquence déjà entamée après l'élection présidentielle du 12 octobre. Cabral Libii avait été le premier candidat de l'opposition à féliciter Paul Biya après sa proclamation comme président élu par le Conseil constitutionnel, alors même que les résultats du scrutin restent vigoureusement contestés par Issa Tchiroma Bakary.


Ce geste, qui avait surpris à l'époque, prend aujourd'hui tout son sens. Il constituait le premier signal d'un rapprochement avec le pouvoir, une main tendue qui trouve aujourd'hui son prolongement dans l'ouverture affichée à une participation gouvernementale. La stratégie du PCRN semble claire : normaliser les relations avec le régime en vue d'obtenir des postes ministériels.


Cette évolution du PCRN intervient dans un contexte où l'opposition camerounaise peine déjà à présenter un front uni. Pendant qu'Issa Tchiroma Bakary continue de contester les résultats de la présidentielle depuis son exil en Gambie, que Maurice Kamto maintient sa posture de refus du système, Cabral Libii opte pour une stratégie de collaboration conditionnelle.


Cette fragmentation profite évidemment au régime de Paul Biya, qui peut jouer sur les divisions et isoler les opposants les plus radicaux en intégrant les plus conciliants. Le PCRN risque de se retrouver dans une position inconfortable : trop proche du pouvoir pour garder sa crédibilité d'opposant, trop marginal pour peser réellement sur les décisions gouvernementales.


Conscient des critiques qui ne manqueront pas de pleuvoir, maître Roger Bébé a tenté de prévenir les accusations de compromission. Le parti, assure-t-il, ne pourrait entrer au gouvernement que "dans la transparence, avec la possibilité de démissionner si les conditions de travail ne sont pas réunies."
Une clause de sortie qui sonne comme une justification anticipée d'un éventuel échec. L'histoire politique camerounaise regorge d'exemples de partis d'opposition ayant rejoint le gouvernement avec des promesses de changement, avant de se retrouver absorbés par la machine gouvernementale sans pouvoir y apporter de modifications substantielles.

La question centrale reste celle de la valeur réelle du PCRN dans une éventuelle négociation avec le pouvoir. Avec un effectif parlementaire réduit, une base militante limitée et un score modeste à la présidentielle, le parti de Cabral Libii dispose-t-il vraiment d'un poids politique suffisant pour exiger des concessions significatives ?


Le régime de Paul Biya pourrait être tenté d'intégrer le PCRN au gouvernement, non pas pour tenir compte de ses revendications, mais simplement pour affaiblir le front de l'opposition et donner une apparence de pluralisme à un exécutif largement dominé par le RDPC. Dans ce cas, les ministres issus du PCRN se retrouveraient dans des postes symboliques, sans réel pouvoir de décision.


Reste à savoir si cette main tendue trouvera un écho du côté du pouvoir. Paul Biya, réélu pour un nouveau mandat, n'a pas besoin du PCRN pour gouverner. Mais il pourrait y trouver un intérêt tactique : montrer à la communauté internationale une image d'ouverture et de dialogue, tout en neutralisant une partie de l'opposition.

Si cette entrée au gouvernement se concrétise, elle pourrait effectivement entraîner une recomposition du paysage politique camerounais. Mais cette recomposition se ferait-elle dans le sens d'une démocratisation réelle ou simplement d'une absorption de l'opposition modérée par le système en place ? La réponse à cette question déterminera le jugement que l'histoire portera sur ce tournant stratégique du PCRN.


Pour l'instant, le parti de Cabral Libii navigue en eaux troubles, entre pragmatisme politique et risque de récupération. L'avenir dira si cette stratégie était visionnaire ou suicidaire.