Actualités of Friday, 12 December 2025

Source: www.camerounweb.com

Narcisse Mouelle Kombi, le "fidèle" de Ngoh Ngoh qui échappe à la purge

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Dans le tsunami qui s'annonce au sein du gouvernement camerounais, un homme fait figure d'exception. Selon les révélations exclusives de Jeune Afrique, Narcisse Mouelle Kombi, ministre des Sports et de l'Éducation physique, serait le seul ministre à bénéficier d'une garantie de maintien lors du prochain remaniement orchestré par Ferdinand Ngoh Ngoh. Une protection qui en dit long sur les critères de sélection du tout-puissant secrétaire général de la présidence : la fidélité avant tout.


La guerre entre le ministère des Sports (MINSEP) et la FECAFOOT ne date pas d'hier, mais elle a atteint son paroxysme avec l'arrivée au pouvoir de Samuel Eto'o en 2021. Narcisse Mouelle Kombi, nommé ministre en janvier 2019, pensait pouvoir imposer son autorité sur une fédération qu'il considérait comme relevant de sa tutelle. Erreur stratégique majeure face à un adversaire qui bénéficie d'appuis bien plus puissants que lui.


Le premier affrontement majeur a concerné la nomination de Marc Brys au poste de sélectionneur des Lions Indomptables. En mars 2024, Mouelle Kombi avait imposé ce technicien belge sans consulter la FECAFOOT, déclenchant une crise sans précédent. Samuel Eto'o avait alors clairement manifesté son opposition, créant un "climat de tension" autour de la sélection nationale, selon les termes employés par les médias camerounais.


Le tournant décisif est intervenu avec l'assemblée générale élective de la FECAFOOT du 29 novembre 2025. Déterminé à empêcher la réélection de Samuel Eto'o, Narcisse Mouelle Kombi avait déployé tous les moyens à sa disposition. Selon les informations rendues publiques, le ministre avait saisi Paul Atanga Nji, ministre de l'Administration territoriale, pour qu'il interdise purement et simplement cette assemblée élective.


Des "correspondances officielles ont circulé dans le but de mobiliser la solidarité gouvernementale" autour de cette initiative, rapportent les médias sportifs camerounais. Mouelle Kombi espérait ainsi créer un front commun pour bloquer Eto'o. Mais "aucune de ces tentatives n'a produit l'effet escompté", constatent les observateurs. L'élection a bel et bien eu lieu, avec la présence des représentants du ministère de l'Administration territoriale, de la CAF et de la FIFA.


Le résultat ? Samuel Eto'o a été triomphalement réélu, infligeant une défaite publique et humiliante au ministre des Sports. "Même un sous-préfet s'est invité à cette réunion, signe d'impuissance du MINSEP", notent les analystes. Pour beaucoup d'observateurs, ce "revers public représente un moment particulièrement difficile pour le MINSEP, dont l'autorité apparaît affaiblie".


Face à l'accumulation des échecs et sous la pression présidentielle, Narcisse Mouelle Kombi a finalement dû accepter la paix des braves. Un accord, baptisé "le compromis des braves", a été signé entre la FECAFOOT et le MINSEP, présenté comme une réponse aux "Très Hautes Instructions du Président de la République du Cameroun, Son Excellence Paul Biya".


Mais dans les faits, cet accord consacre la victoire de Samuel Eto'o. Le journaliste sportif Signé Naha, réputé proche du président de la FECAFOOT, l'a d'ailleurs formulé sans détour : "Mouelle Kombi a été sommé d'arrêter tout son spectacle vis-à-vis de la FECAFOOT". Selon lui, le ministre "n'a pas de choix que de faire profil bas dans ce conflit".


Cette lecture est confirmée par les déclarations publiques de Samuel Eto'o lui-même. Lors d'un passage sur Info TV, le président de la FECAFOOT a adopté un ton conciliant mais ferme : "Je n'aurai jamais de problème avec mon aîné", a-t-il déclaré, tout en précisant que les tensions ne relevaient que de "divergences de droit". Une manière élégante de dire que la FECAFOOT continuera à faire ce qu'elle veut, indépendamment des volontés ministérielles.


Plus significatif encore, Eto'o a révélé que "18 ou 19" des décisions de la FECAFOOT contestées par le ministère ont été confirmées par les instances compétentes. Un bilan accablant pour Mouelle Kombi, qui démontre que toutes ses offensives juridiques et administratives se sont soldées par des échecs.
Comment expliquer cette débâcle ? Plusieurs facteurs se conjuguent. D'abord, Samuel Eto'o bénéficie d'une stature internationale que Narcisse Mouelle Kombi ne peut égaler. Légende vivante du football africain et mondial, l'ancien attaquant du FC Barcelone dispose d'appuis à la FIFA et à la CAF qui le rendent quasi intouchable.


Ensuite, et c'est peut-être le plus important, Eto'o semble bénéficier d'un soutien au plus haut niveau de l'État qui dépasse celui du ministre des Sports. Le fait que Paul Biya ait donné des "Très Hautes Instructions" pour mettre fin au conflit, et que cet arbitrage ait tourné en faveur de la FECAFOOT, est révélateur. Le président camerounais, conscient de l'image internationale du football national et soucieux de ne pas entrer en conflit avec les instances internationales du football, a manifestement choisi son camp.


Troisièmement, Mouelle Kombi a multiplié les erreurs tactiques. En tentant d'interdire l'assemblée élective de la FECAFOOT, il a pris le risque d'exposer le Cameroun à des sanctions internationales (exclusion des compétitions). En convoquant les présidents de clubs sans la fédération, il a violé les règles de gouvernance du football qui accordent l'autonomie aux fédérations nationales. Chaque offensive du ministre s'est ainsi retournée contre lui.
Le plus paradoxal dans cette affaire, ce sont les révélations de Jeune Afrique qui indiquent que Narcisse Mouelle Kombi, "le fidèle", figure "toujours dans les plans de gouvernement" de Ferdinand Ngoh Ngoh pour le prochain remaniement. Comment expliquer que le secrétaire général de la présidence maintienne son soutien à un ministre qui accumule les défaites publiques ?

Plusieurs hypothèses se dégagent. D'abord, Mouelle Kombi est peut-être considéré comme un sacrifié utile dans un dossier que même Ngoh Ngoh ne peut ou ne veut pas contrôler. Ensuite, le ministre reste efficace dans d'autres domaines de son portefeuille (éducation physique, sport scolaire) même si le football lui échappe. Enfin, Ngoh Ngoh a peut-être besoin de fidèles comme Mouelle Kombi dans la perspective de la succession de Paul Biya, même s'ils sont affaiblis.
Néanmoins, cette accumulation d'échecs face à Samuel Eto'o laisse des traces. "L'autorité du MINSEP, déjà mise à l'épreuve lors de récents épisodes entre la FECAFOOT et l'État, se retrouve de nouveau questionnée", constatent les observateurs. Le fait que même les joueurs de l'équipe nationale aient publiquement appelé le ministre et le président de la fédération à "enterrer la hache de guerre" montre à quel point la situation était devenue intenable.
L'échec de Narcisse Mouelle Kombi face à Samuel Eto'o offre plusieurs enseignements sur les rapports de force au Cameroun. Premier enseignement : la notoriété internationale et les appuis extérieurs (FIFA, CAF) peuvent créer des zones d'autonomie que même le pouvoir d'État ne peut violer sans risques.
Deuxième enseignement : dans les conflits au sommet de l'État camerounais, ce qui compte n'est pas tant le titre ou la fonction que le soutien réel du président Paul Biya. Or, manifestement, Eto'o a bénéficié d'un arbitrage favorable du chef de l'État, neutralisant toutes les offensives du ministre.
Troisième enseignement : multiplier les fronts et les attaques sans avoir les moyens de ses ambitions aboutit à une humiliation publique. Mouelle Kombi a voulu interdire une élection, contrôler les finances, imposer un sélectionneur – et a échoué sur tous les tableaux.


Alors que la CAN 2025 au Maroc approche, Narcisse Mouelle Kombi se retrouve dans une position inconfortable. Lors de la réunion préparatoire du 10 décembre 2025, il a certes martelé à la FECAFOOT : "Il n'y aura pas d'excuse possible" si les résultats ne sont pas au rendez-vous. Mais tout le monde sait que c'est désormais Samuel Eto'o qui contrôle le football camerounais, et le ministre ne peut plus qu'espérer que les Lions Indomptables brilleront pour sauver ce qui reste de sa crédibilité.


Le cas Mouelle Kombi illustre une réalité cruelle du pouvoir : dans certains combats, même le soutien du secrétaire général de la présidence ne suffit pas. Face à un adversaire bénéficiant d'une aura internationale, de l'appui des instances mondiales du football et, surtout, de l'arbitrage favorable du président Paul Biya lui-même, le ministre des Sports n'a eu d'autre choix que de plier. Sa survie au prochain remaniement, révélée par Jeune Afrique, n'est qu'une demi-victoire : il garde son poste, mais a perdu toute autorité sur le football, cœur de son ministère. Une victoire à la Pyrrhus qui résume parfaitement les paradoxes du système politique camerounais.
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