Un événement sans précédent secoue les institutions camerounaises. Selon une enquête explosive de Jeune Afrique, Adolphe Moudiki, administrateur-directeur général de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), aurait purement et simplement ignoré un décret présidentiel, défiant ainsi l'autorité du secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh.
Les révélations de Jeune Afrique font état d'une situation exceptionnelle dans la gouvernance camerounaise. Le 4 juillet 2025, Ferdinand Ngoh Ngoh a brandi un décret signé par Paul Biya visant à remplacer Lawan Bako, doyen du collège des administrateurs de la SNH, par Doh Ganyonga III, sénateur et chef traditionnel du Nord-Ouest. Mais contre toute attente, Adolphe Moudiki n'a tout simplement pas appliqué cette décision.
"Il est clair que, pour oser ainsi jeter un décret à la poubelle, Moudiki, l'un des derniers survivants de la vieille garde du président, agit avec l'assentiment de Paul Biya", confie une source à Jeune Afrique. Cette analyse bouleverse la compréhension des rapports de force au sommet de l'État camerounais.
L'enquête de Jeune Afrique révèle également une pratique administrative pour le moins inhabituelle. Depuis les tentatives de renversement de Moudiki par Ngoh Ngoh en juillet 2024 – Paul Biya avait d'abord donné son accord avant de se raviser –, l'administrateur-directeur général de la SNH a adopté une stratégie d'évitement. Il ne convoque plus de conseils d'administration en présentiel, privilégiant des "consultations à domicile".
Concrètement, explique Jeune Afrique, les dossiers sont envoyés à chaque administrateur qui renvoie ses observations par écrit. Le doyen des administrateurs signe ensuite les documents en lieu et place du président du conseil d'administration – poste qui devrait normalement revenir au secrétaire général de la présidence selon les textes en vigueur.
Le 7 décembre, jour même où Ferdinand Ngoh Ngoh s'entretenait pendant de longues heures avec le président Biya, un conseil d'administration de la SNH s'est tenu sans lui, selon les informations exclusives de Jeune Afrique. Un affront majeur qui illustre l'ampleur de la défiance entre les deux hommes.
Le magazine panafricain apporte une révélation stupéfiante sur les coulisses de cette guerre d'influence : affaibli par la maladie, Adolphe Moudiki conserverait néanmoins un lien privilégié avec Paul Biya. "Paul Biya et son vieux compagnon de route se parleraient désormais nuitamment pendant des heures", révèle Jeune Afrique, citant ses sources. Ces échanges nocturnes expliqueraient la capacité de résistance de Moudiki face aux assauts de Ngoh Ngoh.
L'investigation de Jeune Afrique met en lumière la stratégie de Ferdinand Ngoh Ngoh pour prendre le contrôle de la filière pétrolière camerounaise. Le secrétaire général avait placé des proches à des postes clés : le magistrat Harouna Bako à la Société nationale de raffinage, Véronique Moampea Mbio à la Société camerounaise des dépôts pétroliers, Jean Paul Simo Njonou à la co-entreprise gestionnaire du pipeline Tchad-Cameroun, et Okie Johnson Ndoh à la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures.
Mais la résistance d'Adolphe Moudiki à la SNH, entreprise stratégique du secteur, a brisé ce plan d'ensemble. Au moment de ce revers, Jeune Afrique rapporte que "beaucoup ont prédit sa chute et estimaient que, à l'instar de ses prédécesseurs Titus Edzoa, Marafa Hamidou Yaya et Jean Marie Atangana Mebara, Ngoh Ngoh avait fini par se brûler les ailes".
Cette affaire révélée par Jeune Afrique soulève des questions fondamentales sur le fonctionnement des institutions camerounaises. Comment un haut fonctionnaire peut-il ignorer un décret présidentiel sans conséquences ? Cette situation traduit-elle un affaiblissement de l'autorité de l'État ou, au contraire, une gouvernance parallèle où les liens personnels avec le président prévalent sur les circuits administratifs formels ?
Pour les observateurs de la scène politique camerounaise, ces révélations de Jeune Afrique offrent un éclairage rare sur les luttes de pouvoir qui se jouent dans l'ombre, notamment autour de la manne pétrolière, ressource stratégique pour l'économie nationale









