SCOOP - Dans des confidences explosives à ses proches, le Secrétaire général de la présidence dénonce un "montage judiciaire" pour faire sortir le patron de L'Anecdote de prison ce jeudi. Les avocats de Martinez Zogo crient au scandale.
Le feuilleton judiciaire Amougou Belinga connaît un nouveau rebondissement explosif. Selon des informations exclusives recueillies par Jeune Afrique auprès de sources proches de la présidence, Bruno Bidjang, Secrétaire général de la présidence de la République, aurait confié à plusieurs de ses proches que "tout a été mis sur pied par Mvondo Ayolo et Laurent Esso pour libérer le criminel Amougou Belinga" dès ce jeudi 21 novembre.
Ces révélations fracassantes interviennent au moment où les avocats de feu Martinez Zogo viennent de publier un communiqué cinglant dénonçant les graves irrégularités qui entachent la procédure judiciaire en cours devant le Tribunal militaire de Yaoundé.
Jeune Afrique a pu confirmer auprès de trois sources indépendantes que Bruno Bidjang, homme de confiance de Paul Biya et véritable patron de l'administration présidentielle, multiplie depuis plusieurs jours les confidences amères sur ce qu'il qualifie de "manipulation judiciaire orchestrée au plus haut niveau".
Selon nos informations, le Secrétaire général aurait explicitement nommé Justin Mvondo Ayolo, Secrétaire général adjoint à la présidence, et Laurent Esso, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, comme les architectes de ce qu'il considère comme un "montage" visant à extraire Amougou Belinga des griffes de la justice.
"Bruno Bidjang ne décolère pas, confie une source au sein de la présidence. Il estime que cette affaire le dépasse et que des décisions sont prises dans son dos, avec la bénédiction tacite d'en haut. Il a le sentiment que son autorité est contournée."
Jeune Afrique révèle que ces tensions au sommet de l'État ne sont pas nouvelles et s'inscrivent dans une rivalité larvée entre différents pôles d'influence au sein du palais d'Etoudi. L'affaire Amougou Belinga cristallise aujourd'hui ces luttes intestines.
La colère de Bidjang fait écho au communiqué sans précédent publié ce 20 novembre par les avocats de Martinez Zogo – Me Joseph Kenmoe, Me Félicité Esther Zeifman, Me Ashu Tambe Zacharie et Me Calvin Job. Dans ce texte dont Jeune Afrique a obtenu copie, les conseils de la victime dénoncent une procédure entachée d'irrégularités graves.
"Nous tenons à exprimer notre profonde préoccupation quant au fait que nous, conseils des ayants droit de feu Martinez Zogo, ayant régulièrement formé un appel incident, n'ayons reçus aucune notification de la tenue de cette audience", écrivent les avocats.
Les révélations de Jeune Afrique montrent que cette audience prévue ce jeudi devant la Cour d'appel du Centre à Yaoundé concernerait l'examen de l'appel formé contre l'ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté d'Amougou Belinga et d'autres accusés dans l'affaire du meurtre du journaliste Martinez Zogo.
Dans leur communiqué, les avocats rappellent que l'article 52 du code de procédure pénale camerounais impose un délai de 5 jours minimum entre la délivrance de la citation et la date d'audience. Or, selon les informations exclusives de Jeune Afrique, les conseils de la défense n'ont été informés de cette audience que quelques heures avant sa tenue, en violation flagrante des textes.
Plus grave encore, les avocats invoquent l'article 224 du code de procédure pénale qui exclut toute mise en liberté provisoire pour les personnes poursuivies pour crime passible de l'emprisonnement à vie ou de la peine de mort. L'assassinat de Martinez Zogo, journaliste torturé et tué en janvier 2023, relève précisément de cette catégorie.
"La tenue d'une audience non notifiée, susceptible d'aboutir à une décision rendue hors la présence des autres conseils et sans débat contradictoire, ferait peser un risque grave sur la régularité de la procédure, l'équilibre entre les droits des parties et la crédibilité de l'institution judiciaire", martèlent les avocats.
Jeune Afrique a pu reconstituer les liens qui unissent les trois hommes au cœur de cette affaire. Justin Mvondo Ayolo et Amougou Belinga entretiennent depuis des années des relations étroites, le patron de L'Anecdote ayant toujours bénéficié de protections au plus haut niveau de l'État.
Laurent Esso, de son côté, contrôle l'appareil judiciaire camerounais et dispose d'un pouvoir considérable sur les magistrats. Sa marge de manœuvre dans les dossiers sensibles est connue de tous les observateurs de la justice camerounaise.
Selon nos sources, c'est la conjonction de ces influences qui aurait permis d'organiser cette audience surprise, dans l'espoir d'obtenir une décision favorable à Amougou Belinga en l'absence de ses accusateurs.
"Ils pensent que personne ne s'en apercevra, que l'affaire est passée de mode dans l'opinion, confie un magistrat sous couvert d'anonymat. Mais ils sous-estiment la détermination des avocats de Martinez Zogo et la surveillance internationale dont cette affaire fait l'objet."
Les confidences de Bruno Bidjang révèlent également une autre dimension de cette affaire : les tensions au sein du sérail présidentiel. Jeune Afrique a appris que le Secrétaire général de la présidence se sent marginalisé dans la gestion de ce dossier ultrasensible qui a provoqué une onde de choc internationale.
"Bidjang a toujours été un homme de rigueur, proche de la légalité, explique un ancien collaborateur. Il ne supporte pas l'idée que son nom puisse être associé à une manipulation aussi grossière. D'où ses confidences à des proches, pour se dédouaner par anticipation."
Ces révélations interviennent dans un contexte politique déjà tendu au Cameroun, où le pouvoir fait face à une contestation croissante après la présidentielle controversée du 12 octobre. La libération d'Amougou Belinga dans ces conditions pourrait raviver la colère de la société civile et des organisations de défense de la presse.
Face à ce qu'ils considèrent comme une parodie de justice, les avocats de Martinez Zogo ont décidé de hausser le ton. Dans leur communiqué, ils invitent solennellement la Cour d'appel du Centre à :
Rétablir la transparence procédurale
Garantir le respect strict de la notification préalable à toutes les parties
Veiller à ce qu'aucune décision portant atteinte aux droits de la défense ne soit prise dans un contexte entaché d'irrégularités
"Nous réaffirmons notre attachement indéfectible au respect de la loi, aux droits de la défense et à une justice sereine, impartiale et équitable pour toutes les parties", concluent-ils.
Jeune Afrique a tenté de joindre les services de Laurent Esso et de Justin Mvondo Ayolo pour recueillir leur version des faits. Nos sollicitations sont restées sans réponse à l'heure où nous publions cet article.
Le meurtre de Martinez Zogo, enlevé le 17 janvier 2023 et retrouvé mort cinq jours plus tard avec des traces de torture, a suscité une vive émotion internationale. Plusieurs organisations de défense de la liberté de la presse, dont Reporters sans frontières, suivent de près l'évolution de la procédure judiciaire.
Une éventuelle libération d'Amougou Belinga dans les conditions dénoncées par les avocats de la victime ne manquerait pas de provoquer un tollé international et d'entacher davantage l'image du système judiciaire camerounais.
L'audience de ce jeudi 21 novembre s'annonce donc comme un moment crucial, non seulement pour l'affaire Martinez Zogo, mais aussi pour la crédibilité de la justice camerounaise et la cohésion au sommet de l'État.
Jeune Afrique continuera de suivre de près cette affaire et les développements à venir, alors que les regards se tournent vers Yaoundé et la Cour d'appel du Centre.









