Derrière la crise post-électorale qui secoue le Cameroun, un homme orchestre méthodiquement la réponse sécuritaire du régime. Selon des révélations exclusives de Jeune Afrique publiées ce lundi, Paul Atanga Nji, ministre de l'Administration territoriale, a instauré un système de contrôle sans précédent qui redéfinit les contours de la liberté d'expression dans le pays.
L'hebdomadaire panafricain révèle une pratique particulièrement inquiétante : le ministre impose désormais "des limites qui apparaissent parfois plus strictes que la loi" en matière de liberté d'expression. Le cas de Joseph Biyong, élu de Douala, illustre cette dérive. Jeune Afrique rapporte que ce dernier a été convoqué le 17 novembre par le préfet du Wouri pour avoir simplement déclaré : "Nous tous connaissons la vérité. Tout le monde sait qu'Issa Tchiroma Bakary a remporté cette présidentielle."
La convocation, dont Jeune Afrique a eu copie, ne laisse aucune ambiguïté sur la nature de cette intimidation : "J'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir vous présenter à la préfecture de Douala à Bonanjo (cabinet de monsieur le préfet du Wouri), le lundi 17 novembre 2025 à 13 heures précises, pour affaire vous concernant." Cette formulation vague permet au Minatd d'utiliser la détention administrative comme outil de dissuasion politique.
Selon Jeune Afrique, Paul Atanga Nji a imposé son style "offensif" depuis sa nomination en mars 2018, menant "gouverneurs et préfets à la baguette". Le magazine révèle que le ministre veille "personnellement à leur application" de ses directives, créant ainsi une chaîne de commandement directe qui court-circuite parfois les procédures légales normales.
Cette centralisation du pouvoir répressif a des conséquences dramatiques. Lors d'un passage à Douala, Atanga Nji a lui-même reconnu, selon Jeune Afrique, "un bilan de 16 morts et plus de 800 interpellations depuis le début de la contestation" post-électorale. Un aveu rare qui témoigne d'une stratégie assumée de répression massive.
Jeune Afrique met en lumière une conception particulièrement restrictive du débat démocratique défendue par le ministre. Pour Atanga Nji, "seul le chef de l'État est habilité à s'adresser au Peuple", et pas les différents leaders des partis politiques. Une position qui réduit drastiquement l'espace politique dans un pays qui se veut multipartite.
Le magazine révèle également que le ministre n'hésite pas à théâtraliser ses menaces. Ses "discours mordants, hyperboliques et théâtralisés visent à impressionner des opposants qu'il traite régulièrement de véreux", écrit Jeune Afrique. Cette rhétorique de l'intimidation s'accompagne de menaces directes : "Il y a des candidats qui ont des agendas cachés (...) Ceux-là vont croiser le fer avec l'administration car force restera à la loi et aucun écart de comportement ne sera toléré."
L'hebdomadaire rapporte l'inquiétude grandissante de certains modérés au sein même du régime Biya. "Pourquoi le chef ne le fait-il pas taire ?" s'emporte l'un d'eux, cité par Jeune Afrique. Cette question, qui "revient avec insistance dans les couloirs du pouvoir", suggère que les méthodes d'Atanga Nji pourraient finir par coûter cher au régime sur le plan de son image internationale.
Alors que le Cameroun traverse l'une de ses crises politiques les plus graves, Paul Atanga Nji semble avoir fait le pari de la manière forte. Reste à savoir si cette stratégie d'intimidation systématique permettra réellement de stabiliser le pays, ou si elle ne fera qu'alimenter la contestation qu'elle prétend étouffer.









