Avant même l’ouverture des bureaux de vote, l’élection présidentielle camerounaise de 2025 était entachée de soupçons. Jeune Afrique a enquêté sur les manipulations du fichier électoral, un outil clé pour fausser le jeu démocratique.
Dans la région du Centre, traditionnellement moins peuplée que l’Extrême-Nord, le nombre d’électeurs inscrits a soudainement explosé, selon les documents consultés par Jeune Afrique. Moussa Baba, scrutateur à Maroua, s’interroge : « Comment expliquer cette inversion, alors que des milliers de déplacés fuient les régions anglophones ? » Les opposants dénoncent des inscriptions massives et frauduleuses, jamais vérifiées.
Les régions anglophones, en proie à un conflit depuis des années, ont vu leur nombre d’inscrits bondir de 243 % dans le Sud-Ouest et 800 % dans le Nord-Ouest. « Ces chiffres sont biologiquement impossibles », affirme un expert électoral sous couvert d’anonymat. Jeune Afrique révèle que des noms de personnes décédées ou exilées figuraient toujours sur les listes, tandis que des électeurs légitimes en étaient exclus.
L’opposition avait exigé un audit du fichier avant le scrutin. En vain. « Elecam a refusé toute transparence », déplore un responsable du parti d’Issa Tchiroma Bakary. Les irrégularités signalées – doubles inscriptions, mineurs inscrits – n’ont jamais été corrigées.
Des sources internes à l’administration confirment à Jeune Afrique que des préfectures ont reçu des consignes pour « ajuster » les listes. « On nous a demandé de gonfler les chiffres dans certaines zones », témoigne un agent électoral. Ces manipulations, combinées aux bourrages d’urnes filmés le jour J, expliquent en partie l’écart final entre les résultats initiaux (favorables à l’opposition) et le score officiel.
Cette enquête prouve que la fraude a commencé bien avant le 12 octobre. En refusant de nettoyer le fichier, les autorités ont posé les bases d’une élection biaisée, comme le démontrent les révélations exclusives de Jeune Afrique.









