Actualités of Wednesday, 5 November 2025

Source: www.camerounweb.com

Mauvaise nouvelle: les entreprises publiques, ce boulet à 4 771 milliards qui plombe les finances de l'État

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17 opérateurs représentent à eux seuls 56,2 % du budget national
L'ampleur du désastre financier des entreprises publiques camerounaises n'avait jamais été aussi clairement chiffrée. Jeune Afrique révèle que leur endettement cumulé a atteint 4 771,6 milliards de F CFA à fin 2023, selon des données du ministère des Finances obtenues par nos soins. Plus inquiétant encore : 17 opérateurs seulement, sur un total de 47 entreprises publiques, cumulent à eux seuls une dette de 3 783 milliards de F CFA.


Ce montant représente 56,2 % du budget de l'État camerounais, révèle Jeune Afrique. Une proportion qui illustre la dérive financière de ces mastodontes publics devenus de véritables gouffres pour les finances nationales. Cette situation, documentée par notre enquête, constitue l'un des défis majeurs auxquels est confronté le gouvernement de Paul Biya dans un contexte de tensions postélectorales.



Au-delà de l'endettement, Jeune Afrique révèle une autre dimension alarmante : l'obligation pour l'État de recapitaliser massivement ces entreprises défaillantes. Il y a deux ans, selon les informations exclusives recueillies par nos soins, l'État actionnaire a dû débourser 504,8 milliards de F CFA pour tenter de rendre viables ces sociétés publiques dont les capitaux propres se sont érodés au fil de pertes successives.

Parmi les patients les plus lourds de cette unité de soins intensifs financière, Jeune Afrique identifie quatre cas emblématiques : Aluminium du Cameroun (Alucam), fleuron industriel du pays ; la Cameroon Development Corporation (CDC), principale agro-industrie de la partie anglophone ; Camair-Co, la compagnie aérienne nationale perpétuellement en difficulté ; et la Société nationale de raffinage (Sonara), pilier énergétique fragilisé.


Jeune Afrique révèle qu'une voix universitaire s'est récemment élevée pour alerter sur cette situation critique. Viviane Madeleine Ondoua Biwolé, directrice du programme de formation en gestion de la politique économique à l'université de Yaoundé 2, a plaidé pour un appui du FMI dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux.

Son intervention, rapportée en exclusivité par Jeune Afrique, insiste particulièrement sur « l'amélioration de la gouvernance des entreprises publiques », qu'elle considère comme un point clé de toute stratégie de redressement économique. Cette prise de position intervient alors que le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, hésite publiquement sur la conclusion ou non d'un nouveau programme avec le FMI.


L'enquête de Jeune Afrique met en lumière les dangers d'une interruption du programme avec le FMI, particulièrement concernant la restructuration des entreprises publiques. Le ministre Louis Paul Motaze, dont les propos ont été recueillis par nos soins le 30 octobre dernier, a exprimé ses craintes : se passer du Fonds signifierait « la mise en suspens des réformes entamées avec l'appui de l'institution financière ».

Parmi ces réformes, Jeune Afrique identifie deux axes cruciaux : l'élargissement de l'assiette fiscale et, surtout, la restructuration des entreprises publiques. Sans l'accompagnement technique et la pression du FMI, ces géants aux pieds d'argile risquent de continuer leur dérive financière, engloutissant des ressources toujours plus importantes dans un pays où les besoins sociaux demeurent criants.


Au-delà des chiffres, Jeune Afrique révèle la dimension politique de cette crise. Ces entreprises publiques ne sont pas seulement des acteurs économiques : elles constituent des bastions d'emploi, des symboles de souveraineté nationale et, souvent, des relais du pouvoir politique dans les territoires.
La CDC, par exemple, dont la situation financière préoccupe selon nos informations, emploie des milliers de personnes dans les régions anglophones, zones déjà fragilisées par des tensions séparatistes. Alucam représente l'industrialisation du pays. Sonara incarne l'autonomie énergétique. Camair-Co symbolise la fierté nationale dans les airs.

Leur déliquescence financière n'est donc pas qu'un problème comptable : elle touche au cœur du projet étatique camerounais. Jeune Afrique constate que toute tentative de restructuration drastique de ces mastodontes se heurte à des résistances politiques et sociales considérables, expliquant en partie l'accumulation des déficits et l'alourdissement de la dette.


L'analyse exclusive de Jeune Afrique révèle un mécanisme pervers : plus ces entreprises accumulent les pertes, plus l'État doit les recapitaliser ; plus il les recapitalise, moins il dispose de ressources pour les investissements productifs ; moins il investit, plus la croissance économique stagne ; et plus la croissance stagne, plus les entreprises publiques peinent à générer des revenus.
Ce cercle vicieux, documenté par nos soins, explique pourquoi la question du programme FMI dépasse largement le cadre d'un simple arbitrage financier. Il s'agit d'un choix stratégique sur l'avenir économique du Cameroun : continuer à perfuser des structures défaillantes ou accepter les réformes douloureuses imposées par le Fonds.

Dans ce contexte, Jeune Afrique constate que la décision finale de Paul Biya, attendue dans les prochaines semaines, sera scrutée bien au-delà des frontières camerounaises. Elle pourrait définir un modèle pour d'autres pays africains confrontés au même dilemme : autonomie décisionnelle ou discipline budgétaire imposée de l'extérieur.