Actualités of Friday, 31 October 2025

Source: www.camerounweb.com

Issa Tchiroma en fuite du Cameroun: le syndrome du "président élu" au Cameroun : autopsie d'une crise électorale à répétition

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Jeune Afrique décrypte le mécanisme qui transforme chaque présidentielle en crise politique majeure



À chaque élection présidentielle camerounaise, le même scénario se répète avec une régularité déconcertante : un opposant conteste les résultats officiels, se proclame vainqueur, et le pays plonge dans une crise post-électorale. Après Maurice Kamto en 2018, c'est au tour d'Issa Tchiroma Bakary en 2025. Jeune Afrique révèle les mécanismes profonds de ce syndrome électoral qui mine la démocratie camerounaise.



L'analyse exclusive recueillie par Jeune Afrique auprès d'un expert basé dans le septentrion camerounais est sans appel : "C'est la crise d'un processus électoral qui n'a pas été assez crédible. Si nous continuons sur cette lancée, à chaque présidentielle on aura un 'président élu'."

Cette formule lapidaire, révélée en exclusivité par notre rédaction, résume parfaitement le mal camerounais. Le pays est entré dans une spirale où chaque scrutin présidentiel génère automatiquement un "président élu" contestataire face au président officiellement proclamé. Un duel qui paralyse à chaque fois le pays pendant des mois, voire des années.


Jeune Afrique révèle la racine du problème identifiée par les analystes : "On ne saura jamais ce qu'il en est réellement, vu que seuls les documents de l'organe en charge des élections, très souvent controversés, font foi sur le plan légal."
Cette absence de mécanisme crédible et indépendant de vérification des résultats électoraux, documentée par notre enquête, crée un vide démocratique béant. Chaque camp peut ainsi prétendre à la victoire sans qu'aucune autorité réellement neutre ne puisse trancher de manière définitive. Le Conseil constitutionnel camerounais, chargé de proclamer les résultats, ne bénéficie d'aucune confiance auprès de l'opposition.


Jeune Afrique a reconstitué l'historique des crises post-électorales camerounaises sur plus de trois décennies. Un analyste politique interrogé en exclusivité par notre rédaction établit un parallèle troublant : "La crise politique de 1992 s'est achevée l'année d'après, en 1993. Celle de 2018, en 2020. On verra combien de temps prendra celle-ci et jusqu'où elle ira."
Ce cycle infernal, révélé par Jeune Afrique, montre que le Cameroun n'apprend jamais de ses erreurs. Chaque crise se résout par l'usure du temps et la lassitude des contestataires, sans qu'aucune réforme structurelle ne soit entreprise. Le terrain est ainsi préparé pour la crise suivante, dans un éternel recommencement.


Jeune Afrique révèle qu'Issa Tchiroma Bakary "s'est fortement inspiré de son 'prédécesseur' Maurice Kamto pour imposer un rapport de force au pouvoir". Cette filiation stratégique, documentée par notre enquête, témoigne de l'existence d'un véritable "manuel du président élu" que suivent désormais les opposants camerounais.


Le mode opératoire est rodé : contestation immédiate des résultats, proclamation de la victoire, appel à la mobilisation populaire, assignation à résidence de fait, puis résistance passive en attendant l'usure du temps ou une opportunité de négociation avec le pouvoir.


Cependant, Jeune Afrique a identifié des différences notables dans l'approche d'Issa Tchiroma Bakary. Contrairement à Jean Ping au Gabon, Martin Fayulu en RDC, ou même Maurice Kamto lui-même, l'opposant camerounais "s'est gardé d'utiliser le vocable 'président élu'".


Cette prudence sémantique, révélée en exclusivité par notre rédaction, vise manifestement à éviter les poursuites judiciaires pour "tentative d'insurrection" qui avaient frappé Kamto. Jeune Afrique a constaté néanmoins que dans ses allocutions filmées, Tchiroma s'affiche avec "un drapeau du Cameroun ainsi qu'un portrait de lui-même, en chef de l'État" - une mise en scène présidentielle qui contredit partiellement sa prudence verbale.


Selon nos informations exclusives, Issa Tchiroma Bakary a, comme Kamto avant lui, "choisi de jouer son va-tout dans la rue". Cette stratégie de mobilisation populaire est à double tranchant, comme l'a révélé Jeune Afrique.
D'un côté, elle permet de maintenir la pression sur le régime et de démontrer l'ancrage populaire de la contestation. De l'autre, elle expose l'opposant à des accusations d'incitation à la violence et légitime aux yeux du pouvoir une répression musclée. Maurice Kamto en avait fait l'amère expérience, avec une inculpation pour "tentative d'insurrection" qui lui avait valu plusieurs mois de détention.


Jeune Afrique révèle qu'à chaque nouvelle crise, le coût humain s'alourdit. Les avocats d'Issa Tchiroma Bakary évoquent "au moins 64 personnes tuées lors des manifestations depuis le début de la crise post-électorale". Si notre rédaction n'a "pu confirmer" ce chiffre, il témoigne d'une escalade dans la violence.
En 2018, la répression des manifestations pro-Kamto avait également fait des morts, sans qu'un bilan officiel ne soit jamais établi. Cette opacité sur le nombre de victimes, documentée par Jeune Afrique, participe à l'impossibilité de faire le deuil de ces crises et d'en tirer des leçons.


L'information la plus glaçante recueillie par Jeune Afrique concerne l'évolution des méthodes employées par les forces de sécurité. Des témoins ont rapporté à notre rédaction que le jour de la proclamation des résultats, "des snipers postés sur le toit d'une maison voisine à celle de Tchiroma ont tiré sur des civils".
Cette utilisation de tireurs d'élite positionnés en hauteur marque une escalade inquiétante par rapport aux crises précédentes. Jeune Afrique constate que le régime n'hésite plus à employer des méthodes de guerre urbaine contre des manifestants civils, franchissant ainsi de nouvelles lignes rouges.


Jeune Afrique révèle un paradoxe cruel : plus un opposant se radicalise dans la contestation, plus il se retrouve isolé politiquement. Issa Tchiroma Bakary fait l'expérience de ce "moment de solitude" qu'avait également connu Maurice Kamto en son temps.


Selon notre enquête, "les partis se revendiquant de l'opposition ne se bousculent pas pour lui apporter leur soutien". Pire encore, certains candidats comme Serge Espoir Matomba et Cabral Libii ont "félicité Paul Biya dès l'annonce de sa victoire". Jeune Afrique a documenté cette fragmentation de l'opposition qui profite toujours au pouvoir en place.

Jeune Afrique a constaté que face à la défection des politiques, c'est "du côté de la société civile" que les "présidents élus" trouvent leurs soutiens les plus fidèles. Le réalisateur Jean-Pierre Bekolo, l'avocat Akere Muna, l'écrivaine Calixthe Beyala et la journaliste Marie Roger Biloa se sont "donné pour mission de se mettre aux avant-postes" du combat de Tchiroma.
Ce basculement du soutien des partis politiques vers les intellectuels et artistes, révélé par notre enquête, témoigne d'une mutation profonde de la contestation au Cameroun. La bataille se joue désormais autant sur le terrain des idées et de la légitimité morale que sur celui des institutions.


Jeune Afrique révèle la stratégie éprouvée du régime pour venir à bout de ces contestations : miser sur "le temps et l'usure qu'il induit sur la détermination" des opposants. Cette tactique du pourrissement a fait ses preuves à chaque crise précédente.

L'historique reconstitué par Jeune Afrique est éloquent : la crise de 1992 s'est éteinte en 1993, celle de 2018 en 2020. À chaque fois, le pouvoir a laissé s'enliser la situation, comptant sur la lassitude populaire, les divisions au sein de l'opposition et les appels à "tourner la page" pour reprendre progressivement le contrôle.


Pour accélérer ce processus d'extinction, Jeune Afrique révèle que le régime utilise une tactique éprouvée : faire miroiter les prochaines échéances électorales. Cette fois, ce sont les élections locales de février 2026 qui servent d'appât avec "leur flot de positions à récupérer".
Grégoire Owona, secrétaire général adjoint du RDPC, a déclaré dans un entretien exclusif accordé à Jeune Afrique : "Je recommande aux acteurs politiques de se tourner vers l'avenir." Cette invitation à peine déguisée vise à diviser l'opposition entre ceux qui veulent poursuivre le combat et ceux qui préfèrent sécuriser des postes locaux.


Selon l'analyse exclusive menée par Jeune Afrique, le Cameroun semble enfermé dans une impasse démocratique dont il ne parvient pas à sortir. Chaque présidentielle reproduit le même schéma : des élections contestées, un "président élu" autoproclamé, une répression sanglante, puis un lent pourrissement de la contestation jusqu'à la prochaine élection.

Ce cycle infernal, documenté par notre enquête, pose une question vertigineuse pour l'avenir du pays : combien de temps ce système peut-il tenir avant de se fissurer définitivement? Combien de "présidents élus" faudra-t-il encore avant qu'une véritable réforme électorale ne soit entreprise?


Jeune Afrique révèle les mots du réalisateur Jean-Pierre Bekolo, qui a publié une tribune retentissante : "Le Cameroun a détruit des années, voire des décennies d'un récit démocratique qui nous faisait croire que nous allions quelque part."
Cette phrase, obtenue en exclusivité par notre rédaction, résume peut-être mieux que toute analyse savante le drame camerounais. Le pays a épuisé son crédit démocratique à force de simulacres électoraux. Le syndrome du "président élu" n'est que le symptôme visible d'une maladie plus profonde : la mort lente de l'espoir démocratique dans un pays qui refuse obstinément de se réformer.