Un score en chute libre qui interroge sur la solidité du pouvoir
Pour la première fois depuis plus de deux décennies, Paul Biya n'a pas franchi la barre symbolique des 70% des voix. Avec seulement 53,66% des suffrages face à son rival Issa Tchiroma Bakary (35,19%), le président camerounais voit sa légitimité contestée tant sur le plan national qu'international.
Selon les informations exclusives révélées par Jeune Afrique, le ministre de l'Administration territoriale Paul Atanga Nji a annoncé en conférence de presse que le candidat de l'opposition Issa Tchiroma Bakary devra "répondre devant les juridictions compétentes" pour son rôle présumé dans les violences post-électorales. Une menace juridique inédite qui marque un durcissement du régime face à une contestation d'ampleur.
Jeune Afrique a pu confirmer que le gouvernement camerounais a reconnu mardi 28 octobre "des pertes en vies humaines" lors des manifestations, sans toutefois fournir de bilan précis. Cette reconnaissance officielle intervient après plusieurs jours de violences dans tout le pays.
Les révélations de Jeune Afrique montrent l'ampleur géographique de la crise : Dschang (Ouest), Ngon (Centre), Guider (Nord), Garoua (Nord) et Douala ont été le théâtre d'incendies d'édifices publics, de pillages de commerces et de destruction de biens privés. Dans la capitale économique Douala, le gouvernorat régional a confirmé quatre morts dimanche lors d'un rassemblement.
Selon les informations exclusives obtenues par Jeune Afrique, le gouverneur de la région du littoral Samuel Dieudonné Ivaha Diboua a annoncé à la télévision nationale avoir procédé à "200 arrestations", qualifiant les personnes arrêtées de "vandales, drogués, personnes désœuvrées... et non des militants d'un parti". Une qualification qui soulève des questions sur la nature politique de ces interpellations.
À Garoua, fief d'Issa Tchiroma Bakary, Jeune Afrique révèle que le candidat de l'opposition affirme être protégé par "mille" personnes devant son domicile. Il dénonce des tirs de "snipers" sur ses partisans et déplore "deux morts" dans sa région après l'annonce des résultats. Mardi, environ 150 jeunes restaient rassemblés devant sa résidence, sous surveillance policière renforcée.
Jeune Afrique rapporte que le président de la Commission de l'Union africaine, Mahamoud Ali Youssouf, s'est déclaré "vivement préoccupé par les violences, la répression et les arrestations signalées" tout en félicitant paradoxalement Paul Biya pour sa réélection. Une position ambiguë qui reflète les tensions diplomatiques autour de cette élection.
L'Union européenne, par la voix de son porte-parole Anouar El Anouni, a invité les autorités camerounaises à "identifier les responsabilités, à faire preuve de transparence et à faire justice", selon les informations de Jeune Afrique.
Les révélations de Jeune Afrique dressent le portrait d'un pays sous tension. Mardi matin, quelques boutiques de Garoua ont rouvert timidement, les conducteurs de motos-taxis ont repris progressivement leur service, mais les écoles restent fermées. Les parents préfèrent garder leurs enfants à la maison par prudence.
À Douala, Jeune Afrique constate un déploiement massif de l'armée et des forces de l'ordre dans une ville "hautement sécurisée". Un calme précaire règne dans les principales villes du pays.
Murithi Mutiga, responsable du programme Afrique à l'International Crisis Group (ICG), dont les propos sont rapportés en exclusivité par Jeune Afrique, estime que "la légitimité du mandat de Paul Biya est fragilisée, car une grande partie de ses propres citoyens ne croit pas en sa victoire électorale". Il appelle à "une médiation nationale urgente afin d'éviter une escalade supplémentaire".
Cette élection marque un tournant dans l'histoire politique du Cameroun. L'engouement autour de la candidature d'Issa Tchiroma Bakary, notamment chez les jeunes avides de changements, a surpris les observateurs et révèle une fracture générationnelle profonde dans un pays dirigé par le plus vieux chef d'État en exercice au monde.









